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De la qualité de l’usufruitier à agir en réparation des désordres affectant l’ouvrage

L’usufruitier, titulaire d’un droit de jouissance sur l’ouvrage n’en est pas le propriétaire ; il ne peut, dès alors, agir sur le fondement de la garantie décennale mais sur la seule responsabilité contractuelle de droit commun.

par Nastasia De Andrade, Docteur en droitle 1 décembre 2022

L’usufruitier a-t-il qualité à agir en réparation des désordres lorsqu’il a lui-même commandé la réalisation des travaux litigieux ? C’est à cette question qu’à dû répondre la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans l’arrêt commenté. L’usufruitier d’un bâtiment à usage commercial avait conclu un contrat d’entreprise aux fins de réalisation de travaux (charpente métallique/revêtement). Une procédure a été initiée devant le tribunal de commerce par le constructeur en paiement du solde du prix du marché. L’usufruitier a, reconventionnellement, sollicité l’indemnisation des préjudices consécutifs à la mauvaise exécution du contrat par le constructeur et à l’existence de désordres.

La cour d’appel, tout en qualifiant l’usufruitier de maître de l’ouvrage, l’a toutefois débouté de ses demandes au motif qu’il n’était pas recevable à agir sur le fondement de la garantie décennale – pas plus que pour les dommages immatériels en découlant. La Cour de cassation, devant laquelle un pourvoi a été formé, retient quant à elle une solution différente selon que l’action en réparation est fondée sur la garantie décennale ou sur la responsabilité contractuelle de droit commun.

Droit de propriété et action en garantie décennale : un lien inextricable

La Cour de cassation énonce, tout d’abord, que l’usufruitier n’est pas le propriétaire de l’ouvrage ; il n’est titulaire que du droit de jouir de la chose comme ce dernier. Les juges du quai de l’Horloge en déduisent que l’usufruitier ne peut, en cette seule qualité, exercer l’action en garantie décennale « que la loi attache à la propriété de l’ouvrage et non à sa jouissance ».

La jurisprudence admet en effet, de longue date, que la garantie décennale constitue « une protection légale qui est attachée à la propriété de l’immeuble » (Civ. 1re, 28 nov. 1967, n° 65-12.642). Elle accompagne l’ouvrage en tant qu’accessoire. La garantie décennale bénéficie donc, en premier lieu, au maître de l’ouvrage propriétaire et se transmet, ensuite, aux propriétaires successifs. En somme, l’action en garantie décennale constitue une action attitrée qui n’est réservée qu’aux seuls titulaires d’un droit de propriété sur l’ouvrage.

Or le code civil prévoit expressément que l’usufruit « est le...

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