Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Le débiteur ne peut faire appel d’un jugement rejetant le report de la date de cessation des paiements

Selon les articles L. 631-8 et L. 641-5 du code de commerce, seuls ont qualité pour agir en report de la date de cessation des paiements l’administrateur, le mandataire judiciaire ou le liquidateur, ou le ministère public, à l’exclusion du débiteur, qui ne peut donc agir à titre principal à cette fin et ne dispose, lorsqu’il est mis en liquidation judiciaire, que d’un droit propre à défendre à l’action. Il en résulte que le débiteur ne peut former un appel principal contre un jugement rejetant la demande de report de la date de cessation des paiements formée par l’une des parties qui a qualité pour le faire.

La fixation de la date de cessation des paiements est un enjeu important de toutes procédures de redressement ou de liquidation judiciaires. D’une part, elle permet de cerner l’étendue de ce que l’on nomme la « période suspecte », mais également, d’autre part, de servir de point de référence en matière de sanctions des dirigeants d’une société débitrice (Com. 4 nov. 2014, n° 13-23.070, D. 2014. 2238, obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2014. 751, obs. L. C. Henry ).

Théoriquement, cette date doit être fixée au sein du jugement d’ouverture de la procédure à celle à laquelle le débiteur ne pouvait plus faire face à son passif exigible avec son actif disponible (Com. 7 févr. 2012, n° 11-11.347 P, D. 2012. 496 ). Or, dans ces conditions, nous mesurons à quel point elle peut être difficile à déterminer, car les paiements ont pu être interrompus pour une période, puis repris, puis de nouveau interrompus… Aussi et à défaut, le code de commerce prévoit que la cessation des paiements peut être fixée au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective (C. com., art. L. 631-8 pour le redressement judiciaire et art. L. 641-1, IV, pour la liquidation judiciaire).

Suivant la même logique et pour pallier les difficultés inhérentes à la détermination de cette date, il est également possible, en cours de procédure, pour le tribunal, de modifier la date de cessation des paiements initialement fixée pour la reporter une ou plusieurs fois. Mais, en raison de ses grandes incidences sur la situation du débiteur et des créanciers, le report de la date de cessation des paiements est strictement encadré par les dispositions de l’article L. 631-8 du code de commerce applicable en liquidation judiciaire par le renvoi de l’article L. 641-5.

Si cette action est strictement encadrée par les textes précités, c’est que seuls l’administrateur, le mandataire judiciaire ou le liquidateur et le ministère public ont qualité pour agir en report de la date de cessation des paiements (C. com., art. L. 631-8). De cette liste limitative, il a été déduit que le débiteur ne pouvait agir à titre principal pour faire fixer cette date (Com. 7 déc. 1999, n° 97-16.491 P, D. 2000. 58 , obs. A. Lienhard ; RTD com. 2000. 186, obs. G. Paisant ; 1er déc. 2015, n° 14-15.306 NP).

Cependant, il n’est toutefois pas entièrement démuni, dans la mesure où la jurisprudence lui a reconnu le droit de se défendre à cette action, ce qui implique, d’une part, qu’il soit entendu ou dûment convoqué à l’instance, et d’autre part, qu’il puisse faire appel ou former un pourvoi en cassation à l’encontre de la décision de report (Com. 1er févr. 2000, n° 97-18.480 NP ; 19 mai 2015, n° 14-14.258 NP).

L’arrêt sous commentaire vient affiner ce principe.

Il permet de répondre à la question de savoir si la mise en œuvre du droit propre du débiteur – c’est-à-dire sa qualité pour exercer un recours – dépend du fait que le jugement ait accueilli ou non la demande de report de la date de cessation des paiements.

Les faits de l’arrêt

En l’espèce, une société a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 2 décembre 2014 au sein duquel la date de cessation des paiements était fixée au 31 décembre 2013. Par la suite, l’administrateur judiciaire désigné dans le dossier a assigné la société débitrice, ainsi que ses anciens dirigeants, en report de la date de cessation des paiements au 2 juin 2013. Or, le 24 avril 2015, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire ; le liquidateur reprenant à son compte l’assignation en report de la date de cessation des paiements.

Le 15 avril 2016, l’un des anciens dirigeants de la société débitrice a appelé en intervention forcée à l’instance en report, le commissaire aux comptes, l’expert-comptable, ainsi que le mandataire ad hoc de la société débitrice – qui avait également été son conciliateur – afin que le jugement leur soit déclaré opposable. La jonction des procédures a été ordonnée.

Par...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :