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Déclaration d’appel et conclusions notifiées au ministère public : quelle sanction en cas d’erreur sur le destinataire ?

1. En matière de contentieux de nationalité, la déclaration d’appel de la partie, personne physique, doit désigner le procureur général près la cour d’appel.
2. La déclaration d’appel formée contre un jugement dans lequel le ministère public était partie principale, et qui mentionne, au lieu du procureur général, le procureur de la République, est affectée d’un vice de forme, la nullité ne pouvant être prononcée que sur la démonstration d’un grief par le procureur général.
3. La notification des conclusions qui est faite, dans le délai imparti, non pas au procureur général mais au procureur de la République, ainsi affectée d’un vice de forme, est susceptible d’être annulée, en application de l’article 114 du code de procédure civile, sur la démonstration d’un grief par le procureur général. Ce n’est qu’en cas d’annulation de cette notification que la sanction de la caducité de la déclaration d’appel est encourue en application de l’article 911 du code de procédure civile.

Le 11 mai 2023, la deuxième chambre de la Cour de cassation a rendu un avis, destiné à publication, relativement à la régularité d’une déclaration d’appel désignant le procureur de la République comme intimé et de conclusions à lui adressées, ceci en matière de contentieux de la nationalité.

C’est un conseiller de la mise en état de la Cour d’appel de Paris qui a adressé une demande d’avis à la Cour de cassation, reçue le 27 février 2023. La demande est passée par le filtre des conditions de recevabilité strictes, celles des articles L. 441-1 et suivants du code de l’organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile, de sorte que la question de droit est nouvelle, présente une difficulté sérieuse et est susceptible de se poser dans de nombreux litiges. Elle concerne une instance opposant le procureur général près la Cour d’appel de Paris à un justiciable en matière de contentieux de la nationalité ; plus précisément, il s’agissait d’une action déclaratoire de nationalité française. Le justiciable, débouté en première instance, a interjeté appel étant précisé que sa déclaration d’appel désignait le procureur de la République et non le procureur général, puis que ses conclusions ont été notifiés à ce même procureur de la République.

Si le contentieux de la nationalité est régi par les articles 29 et suivants du code civil, c’est le code de procédure civile qui détermine la procédure à suivre, « notamment la communication au ministère de la Justice des assignations, conclusions et voies de recours », ainsi qu’en dispose l’article 29-2 du code civil. Or, l’alinéa 2 de l’article 972-1 du code de procédure civile, issu du décret n° 2018-1219 du 24 décembre 2018 (C. Bléry, Cru 2018 : un petit Noël du procédurier, Dalloz actualité, 8 janv. 2019), énonce que « les actes de la procédure devant la cour d’appel destinés au ministère public sont notifiés au procureur général près la cour d’appel devant laquelle l’appel est formé »… alors que « pour ne pas être trop sévère, il aurait été utile de préciser que les actes visés sont ceux postérieurs à l’acte d’appel… » (Dalloz actualité, 8 janv. 2019, obs. C. Bléry).

Quid dès lors de la déclaration d’appel et des conclusions visant le procureur du tribunal au lieu de celui de la cour d’appel ?

Trois questions ont été formulées par le CME afin de « faire le tour » de la difficulté :
« 1) Dans le contentieux de la nationalité, la déclaration d’appel peut-elle désigner, en qualité d’intimé, le procureur de la République près le tribunal judiciaire, partie en première instance, sur le fondement de l’article 547 du code de procédure civile ou doit-elle obligatoirement viser le procureur général près la cour d’appel en vertu de l’article L. 122-3 du code de l’organisation judiciaire ?
2) Dans l’hypothèse où la déclaration d’appel doit désigner en qualité d’intimé, le procureur général près la cour d’appel, quelle est la sanction applicable à la déclaration d’appel désignant le procureur de la République près le tribunal judiciaire ?
S’agit-il d’une fin de non-recevoir, sanctionnée par l’irrecevabilité de la déclaration d’appel, en application des articles 122 et suivants du code de procédure civile ?
Ou s’agit-il d’un cas de nullité de fond de la déclaration d’appel en application des articles 117 et suivants du code de procédure civile ?
Ou s’agit-il d’un cas de nullité de forme de la déclaration d’appel en application des articles 112 et suivants du code de procédure civile ?
3) Dans l’hypothèse où la déclaration d’appel doit désigner, en qualité d’intimé, le procureur général près la cour d’appel, la déclaration d’appel doit-elle être jugée caduque en application de l’article 911 du code de procédure civile si les conclusions ont été notifiées au procureur de la République près le tribunal judiciaire ? ».
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu son avis, dans les termes rapportés au chapô, après avoir longuement motivé chaque réponse.

Première question

La deuxième chambre civile considère que l’article 972-1 doit être respecté à la lettre et qu’il ne faut pas se tromper de « récipiendaire » : le texte désigne le procureur général et pas le procureur de la République comme devant recevoir les actes destinés au ministère public.

Pour justifier cette solution rigoureuse, la Cour de cassation rappelle la teneur des articles 1042 du code de procédure civile, L. 122-2 et L. 122-3 du code de l’organisation judiciaire. L’article 1042 du code de procédure civile dispose : « toute action qui a pour objet principal de faire déclarer qu’une personne a ou n’a pas la qualité de Français, est exercée par le ministère public ou contre lui sans préjudice du droit qui appartient à tout intéressé d’intervenir à l’instance ». Les articles L. 122-2 et L. 122-3 prévoient la répartition des «...

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