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Déclaration des créances par le débiteur : remise d’une liste des créanciers incomplète

Selon l’article L. 622-24, alinéa 3, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 12 mars 2014, les créances portées à la connaissance du mandataire judiciaire dans le délai fixé à l’article R. 622-24 du même code font présumer de la déclaration de sa créance par son titulaire, mais seulement dans la limite du contenu de l’information fournie au mandataire judiciaire.

par Alain Lienhardle 7 septembre 2018

Par cet arrêt du 5 septembre 2018, la Cour de cassation se prononce pour la première fois sur la portée de l’innovation plutôt révolutionnaire apportée par l’ordonnance du 12 mars 2014 dans le domaine de la déclaration des créances, en admettant que celle-ci peut être effectuée par le débiteur pour le compte du créancier. Comme le prévoit depuis l’article L. 622-24, alinéa 3, modifié du code de commerce, « lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa ». En pratique, cette disposition permet, notamment, d’assimiler à la déclaration de créances par le débiteur la mention de la créance sur la liste des créances remise à l’administrateur et au mandataire judiciaire (C. com., art. L. 622-6). Ce que confirme la modification apportée par le décret du 30 juin 2014 à l’article R. 622-5, dont il résulte que la présomption de déclaration suppose que les mentions prévues par le dernier alinéa ajouté à ce texte soient bien présentes, dont, en particulier, « le montant de la créance due au jour du jugement d’ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances » (pour une description détaillée de ce nouveau mécanisme et sa portée, v. P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 2019/2020, nos 662. 511 s.).

Aussi n’est-il pas étonnant qu’en l’espèce, les juges du fond comme la Cour de cassation aient refusé de considérer que la créance avait été déclarée par le débiteur pour le compte du créancier, puisque la liste remise au mandataire judiciaire par le débiteur ne mentionnait que l’identité du créancier, sans indiquer de montant de créance.

Cette décision confirme le constat de deux auteurs, selon lequel, en pratique, peu de listes des créances remises au mandataire judiciaire remplissent les conditions légales et réglementaires (J. Levy et T. de Ravel d’Esclapon, Être ou ne pas être sur la liste du débiteur, Bull. Joly Entrep. diff. 2018. 63).

Pour autant, la chambre commerciale, s’en tenant à la lettre des textes, semble bien ne pas vouloir réduire de façon excessivement formaliste la portée du nouveau dispositif, en l’enfermant dans le carcan de la liste des créanciers. L’essentiel est le résultat, pas la manière : il convient que la créance soit « portée à la connaissance du mandataire judiciaire par le débiteur » (v. F. Pérochon, Entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, n° 1537). Pour cette raison, l’arrêt prend-il soin de préciser « qu’il n’était pas allégué que le débiteur avait fourni d’autres informations au mandataire judiciaire, ce qui ne pouvait se déduire des mentions du jugement d’ouverture de la procédure », cette dernière formule signifiant sans doute que la mention, le cas échéant, de la dette dans le jugement d’ouverture ne serait pas valable. L’attendu de principe est d’ailleurs fort éloquent, à ce sujet, qui proportionne la présomption de déclaration de créance à la « limite du contenu de l’information fournie au mandataire judiciaire ».