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Défaut d’information sur les risques inhérents à un acte de soins, perte de chance et préjudice moral d’impréparation

Indépendamment des cas dans lesquels le défaut d’information sur les risques inhérents à un acte de soins a fait perdre au patient une chance d’éviter le dommage, ce manquement conduit également à un préjudice moral résultant d’un défaut de préparation aux conséquences d’un tel risque.

par Nicolas Kilgusle 13 février 2017

Si les faits de l’espèce étaient classiques, les demandes des parties apparaissaient plus novatrices. En effet, une personne avait été victime d’une hémiplégie des membres inférieur et supérieur gauches à la suite d’une artériographie. Elle faisait alors valoir, entre autres, un défaut d’information préalable sur ce risque. À ce titre, elle invoquait deux préjudices distincts : en premier lieu, la perte de chance d’éviter le dommage ; en second lieu, un préjudice moral d’impréparation.

Il convient de rappeler que, durant de nombreuses années, la Cour de cassation sanctionnait le devoir d’information du praticien quant aux risques liés à l’acte médical sur le fondement d’une perte d’une chance, soit celle qu’aurait eue le patient de refuser l’acte et d’éviter ainsi la réalisation des risques (Civ. 1re, 7 févr. 1990, n° 88-14.797, D. 1991. 183 , obs. J. Penneau ; RTD civ. 1992. 109, obs. P. Jourdain ; 7 déc. 2004, n° 02-10.957, D. 2005. 409 ; ibid. 403, obs. J. Penneau ; RCA 2005. Comm. 60 ; 6 déc. 2007, n° 06-19.301, D. 2008. 192 , note P. Sargos ; ibid. 804, chron. L. Neyret ; ibid. 2894, obs. P. Brun et P. Jourdain ; ibid. 2009. 1302, obs. J. Penneau ; RTD civ. 2008. 272, obs. J. Hauser ; ibid. 303, obs. P. Jourdain ).

Une difficulté provenait alors du fait qu’une telle perte de chance n’est invocable qu’à supposer qu’une chance existe, ce qui implique l’existence d’une alternative thérapeutique. Ainsi, lorsque l’intervention apparaît nécessaire, le préjudice ou le lien de causalité est inexistant (Civ. 1re, 7 oct. 1998, n° 97-10.267, D. 1999. 145 , note S. Porchy ; ibid. 259, obs. D. Mazeaud ; RDSS 1999. 506, obs. L. Dubouis ; RTD civ. 1999. 83, obs. J. Mestre ; ibid. 111, obs. P. Jourdain ; 20 juin 2000, n° 98-23.046, D. 2000. 471, et les obs. , obs. P. Jourdain ; RDSS 2000. 729, obs. L. Dubouis ; Defrénois 2000. 1121, obs. D. Mazeaud).

Un arrêt est toutefois venu jeter un certain trouble, en 2010, en décidant que le non-respect du devoir d’information cause à celui auquel l’information était légalement due un préjudice que « le juge ne peut laisser sans réparation » (Civ. 1re, 3 juin 2010, n° 09-13.591, Dalloz actualité, 21 juin 2010, obs. I. Gallmeister , note C. Lantero ; D. 2010. 1522, obs. I. Gallmeister , note P. Sargos ; ibid. 1801, point de vue D. Bert ; ibid. 2092, chron. N. Auroy et C. Creton ; ibid. 2011. 35, obs. P. Brun et O. Gout ; ibid. 2565, obs. A. Laude ; RDSS 2010. 898, note F. Arhab-Girardin ; RTD civ. 2010. 571, obs. P. Jourdain ).

Un débat s’en était suivi quant à la nature de ce préjudice. Certains auteurs soutenaient qu’il s’agissait là d’un « préjudice moral inhérent à un nouveau droit subjectif, le droit à l’information du patient ». D’autres, au contraire, considéraient que c’est un préjudice dit « d’impréparation » qui était ici visé (v. P. Jourdain, Préjudice réparable en cas de défaut d’information médicale : la Cour de cassation réoriente sa jurisprudence, RTD civ. 2014. 379 et les réf. biblio. citées).

Un arrêt en 2014 avait retenu la seconde hypothèse, soit l’existence d’un préjudice d’impréparation, ce qui suppose d’ailleurs nécessairement que...

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