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Défaut de contenance : étendue de la responsabilité de l’architecte chargé d’une mission complète de maîtrise d’œuvre

L’architecte investi d’une mission complète de maîtrise d’œuvre incluant la direction de l’exécution des travaux est tenu d’indemniser le maître de l’ouvrage du manque à gagner résultant d’un déficit de surface du bien construit, même si les missions complémentaires portant sur le mesurage des surfaces ne lui ont pas été confiées.

L’étendue de la responsabilité de l’architecte dépend des missions qui lui ont été dévolues par le maître de l’ouvrage. Celles-ci sont très variables : l’architecte peut se voir confier une mission « partielle » c’est-à-dire limitée à certains éléments de missions, ou bien une mission « complète » incluant l’ensemble des phases de conception et d’exécution des travaux. En pratique, on utilise souvent à tort l’expression de « mission complète de maîtrise d’œuvre » lorsque l’architecte intervient à la fois en phase de conception et d’exécution, même lorsque ses missions sont limitées. Le contrat-type de l’Ordre des architectes définit la mission complète comme celle « comprenant la conception du projet architectural, la sélection des entreprises et l’organisation du chantier, la direction des travaux et l’assistance aux opérations de réception ». D’autres missions sont dites « complémentaires » en ce qu’elles sont optionnelles : tel est le cas notamment de la mission d’assistance à la constitution de certains dossiers de demande d’autorisation, comme le dossier de demande de prêt à taux zéro (PTZ) ou de souscription d’une assurance dommage-ouvrage (DO).

Ainsi, afin de rechercher la responsabilité d’un architecte, il convient en amont de s’intéresser de plus près aux missions qui ont été librement définies par les parties dans le contrat et qui délimitent le périmètre de ses obligations contractuelles. Néanmoins, certains éléments de missions ont une portée bien plus large que d’autres, comme le rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt présentement commenté concernant la mission de « Direction de l’exécution des travaux » (DET).

En l’espèce, un architecte a été investi d’une mission complète de maîtrise d’œuvre dans le cadre de la construction d’un ensemble immobilier. La superficie d’un lot vendu après achèvement s’est révélée inférieure à celle prévue par les plans de l’architecte (- 6,70 m²). N’ayant pu obtenir le prix de vente escompté en raison de ce déficit de surface, le maître de l’ouvrage a introduit une action judiciaire à l’encontre du maître d’œuvre en indemnisation du préjudice issu de son manque à gagner.

L’affaire a été portée devant le tribunal de grande instance puis devant la Cour d’appel de Bordeaux. Par arrêt du 1er décembre 2022, rendu sur renvoi après cassation (Civ. 3e, 16 févr. 2022, n° 20-22.778, concernant l’opposabilité des certificats de mesurage Carrez réalisés par le vendeur dès lors qu’ils ont été soumis à la libre discussion des parties), le maître de l’ouvrage a été débouté de l’ensemble de ses demandes.

Dans l’arrêt sous étude du 7 novembre 2024, la Cour de cassation est revenue successivement sur les obligations de l’architecte chargé de la mission « Direction de l’exécution des travaux » en matière de contenance du bien construit, ainsi que sur l’étendue du préjudice pouvant être réclamé par le maître de l’ouvrage en cas de déficit de surface.

La direction de l’exécution des travaux, une mission sous haute surveillance

Dans cette affaire, l’architecte a été investi d’une « mission complète de base de maîtrise d’œuvre allant des études préliminaires à l’assistance à la réception et au dossier des ouvrages exécutés ». Les juges du fond en ont déduit que la responsabilité de l’architecte ne pouvait pas être engagée dès lors que son contrat ne prévoyait que des missions de maîtrise d’œuvre traditionnelles et que les missions complémentaires relatives au mesurage des surfaces (mission REL correspondant au relevé des existants et calcul des superficies loi Carrez) ne lui avaient pas été confiées. Selon la Cour d’appel de Bordeaux, aucun manquement dans l’exercice de ses missions de base ne pouvait lui être reproché dès lors que celles-ci n’incluaient pas le mesurage des ouvrages.

Le maître de l’ouvrage soutenait, quant à lui, que l’architecte avait été chargé d’une mission « complète » de maîtrise d’œuvre englobant notamment la direction de l’exécution des contrats de travaux et l’assistance du maître de l’ouvrage aux opérations de réception, de sorte qu’il était tenu de s’assurer de la conformité de la construction aux plans qu’il avait établis. Plus spécifiquement, le maître de l’ouvrage invoquait deux manquements contractuels de l’architecte :

  • un manquement à la mission d’assistance lors des opérations de réception, puisque le déficit de surface n’avait fait l’objet d’aucune réserve...

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