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À défaut de mobile, une faute lourde

La cour d’appel de Paris a condamné mardi pour faute lourde l’État à verser 330 000 € à un galeriste parisien après la destruction d’un mobile attribué à l’artiste américain Alexander Calder placé sous main de justice. Cette pièce, la Colombe volante, saisie en 1997 dans le cadre d’une procédure judiciaire avec le comité Calder, est introuvable depuis quinze ans. 

par Pierre-Antoine Souchardle 8 novembre 2018

Le galeriste, Didier Imbert réclamait 1,5 million d’euros.

L’œuvre, un oiseau en verre de Murano suspendu à un cercle de métal, confiée au service des scellés de la préfecture de police de Paris, aurait été broyée le 7 juin 2003 par le service des Domaines. Ce que ce respectable service dément. C’est gênant (V. Dalloz actualité, 12 sept. 2018, obs. P.-A. Souchard isset(node/192115) ? node/192115 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>192115)

« La destruction d’un objet placé sous main de justice par le service public de la justice en infraction à une décision judiciaire, constitue une faute lourde puisque ledit service public a fait preuve d’inaptitude dans l’exécution de sa mission », note la cour dans son arrêt que Dalloz actualité a pu consulter.

Toutefois, la cour n’a pas fait droit à l’intégralité de la demande du galeriste. Il la fixait sur le prix d’une œuvre authentique, soit entre 1,2 et 1,6 million d’euros, selon plusieurs experts.

Mais, comme le rappelle la cour, l’instruction judiciaire, ouverte pour contrefaçon après la plainte du comité Calder, n’a pas permis de prouver que l’œuvre était contrefaite. Mais n’a pas permis non plus d’affirmer qu’elle était authentique. Dès lors, un doute « pèse sur la valeur de l’œuvre ».

Or, le seul préjudice certain est celui auquel le galeriste a payé la Colombe volante, à savoir la somme de 210 000 $.

Au regard du temps écoulé, la cour a fixé le préjudice matériel à hauteur de 300 000 € auxquels s’ajoutent 20 000 € au titre du préjudice moral et 10 000 € de frais de justice. « La cour aurait pu faire un effort supplémentaire compte tenu de la faute de l’administration », regrette Me Corinne Herschkovitch, avocate de M. Imbert.

Cette décision solde un feuilleton judiciaire débuté voilà vingt-et-un ans. Sans pour autant « reconstituer précisément le mécanisme qui a conduit à la disparition de l’œuvre ». Il faut dire que ce mécanisme est opaque.

Présenté comme une œuvre conçue par Calder, produite par Albino Carrara, maître verrier de Murano, le mobile a été acheté en 1989 par Didier Imbert à la galerie Greenberg de Saint-Louis (USA). Il le vend la même année 210 000 $ à l’homme de presse Daniel Filipacchi.

En 1997, ce dernier le soumet au comité Calder qui considère que c’est un faux. Les héritiers Calder demandent la saisie de l’œuvre et déposent plainte à Paris. Le galeriste propose à Filipacchi de lui racheter la Colombe volante au prix vendu en 1989. Ce qui sera fait en 1998.

En mars 2002, la procédure se solde par un non-lieu dans lequel le juge précise qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la destruction de l’œuvre d’art. Décision confirmée en 2003 par la cour d’appel de Paris. À compter de cette date, le galeriste va solliciter à deux reprises la restitution de sa sculpture.

En janvier 2004, le procureur général de la cour d’appel de Paris l’informe que « l’œuvre a été remise aux Domaines le 4 mars 2000 suite à une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris ».

Le mobile a quitté le service des scellés le 4 mars 2000 pour être remis aux services des Domaines. Le hic, c’est qu’un OPJ, dans le cadre d’une commission rogatoire du juge d’instruction, affirme avoir vu la Colombe volante le 26 juillet 2000 au service des scellés. Pour corser l’histoire, la préfecture de police assure que l’œuvre d’art, confiée aux Domaines, a été broyée le 7 juin 2003. Sauf qu’en 2005, le service des Domaines assure n’avoir jamais reçu la pièce, donc n’a pu la détruire.