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La défense de MM. Claude et Al Jaber plaide la relaxe

Les faits de corruption, les plus graves, ont trait à l’opération immobilière dite des Tours de Levallois. Celle-ci implique MM. Patrick Balkany, Jean-Pierre Aubry, l’ex-avocat Arnaud Claude et Mohamed Al Jaber.

par Pierre-Antoine Souchardle 19 juin 2019

« Vous n’avez pas la preuve qu’il ait pu être à l’origine du financement de la villa. Je vous demande, au bénéfice du doute, de le relaxer », conclut Me Hervé Temime pour Mohamed Al Jaber. La villa fantôme de Marrakech, la villa qui n’appartient à personne, est au cœur des soupçons de corruption qui pèsent sur ce dossier.

Qu’est-il reproché à l’homme d’affaires saoudien ? D’avoir mis son jet privé à disposition de M. Balkany et d’avoir viré 4,5 millions de dollars sur le compte de l’étude du notaire marocain qui s’est occupé de l’acte de vente de la villa en janvier 2010. Cet achat de la villa Dar Gyucy constituerait un avantage aux délais de paiement qu’aurait accordé le maire de Levallois-Perret dans cette opération immobilière qui ne verra jamais le jour.

Au terme d’une heure de plaidoirie, Me Temime, précédé dans sa démonstration par Me Flavie Hannoun, a estimé qu’il n’existait aucune charge contre le milliardaire saoudien, contre lequel le parquet financier a requis quatre ans d’emprisonnement, dont deux avec sursis, et 150 000 € d’amende.

Seule avocate dans le bal de la défense, Me Flavie Hannoun s’est attachée à démontrer qu’il n’y avait eu aucun délai de paiement accordé à M. Al Jaber. Au contraire, l’accord était défavorable à ses sociétés.

« Rien ne serait plus dangereux que de ne pas respecter les règles d’une justice exemplaire. La preuve de la culpabilité incombe à l’accusation, le doute doit profiter à l’accusé », a rappelé Me Temime.

Un seul fait pèse sur M. Al Jaber, celui de corruption. Mais, a souligné l’avocat, sa mise en examen vise le texte de mai 2011, qui a supprimé la nécessité du pacte antérieur de corruption, or c’est le texte de novembre 2007 qui était applicable – les faits datent de 2009 – et celui-ci prévoit « un pacte antérieur au premier avantage perçu ». Il s’avère que rien dans le dossier ne vient démontrer ce pacte. « Il est absolument inexistant. Il n’est pas prouvé », a martelé Me Temime.

Selon la défense du promoteur saoudien, rien n’indique que celui-ci a ordonné le paiement de la villa au Maroc. Selon l’accusation, trois virements de sociétés proches de M. Al Jaber ont versé près de 4,5 millions de dollars sur le compte du notaire de Marrakech au profit de M. Balkany.

Les deux avocats se sont appliqués à démontrer que leur client n’était pas à l’origine des fonds qui ont servi à l’achat de la villa.

Le premier virement, d’un montant de 193 141 $, en provenance de la société égyptienne Ajwa for food, est viré sur l’un des comptes du notaire mais pas celui de l’étude. Il a été remboursé par ce dernier. Quant aux deux autres, de 3 millions et 1,4 million de dollars, d’un courtier égyptien Mashreq trade, le donneur d’ordre aurait été le notaire lui-même, selon Me Temime, s’appuyant sur des éléments du dossier. Selon les avocats, le réemploi des fonds reçu n’a pas été tracé par les magistrats français et leur dossier ne permet pas de démontrer que le vendeur de la villa, M. Bennouna, a bénéficié de ces fonds.

Selon l’accusation, M. Al Jaber a réglé le prix officiel de la villa. Le dessous de table de 2,5 millions d’euros, provenant du compte Himola à la Commerz Bank de Singapour, alimenté par deux virements de 2 500 000 $ chacun provenant d’un homme d’affaires belge, Georges Forrest, a été versé sur le compte au Liban du vendeur marocain.

« Le fait de soutenir que cette villa appartient à M. Al Jaber est vide de sens. La villa a été payée en partie par M. Forrest par le biais d’Himola. M. Al Jaber ne connaît pas M. Forrest », a souligné l’avocat, enfonçant un clou dans la défense de M. Balkany. Ce dernier a en effet affirmé qu’il avait visité cette villa pour le compte de M. Al Jaber, qui, à l’époque, avait des ennuis dans son pays. Jamais M. Al Jaber ne s’est rendu dans cette villa occupée par les époux Balkany et dont le fils était titulaire d’un bail, considéré comme fictif par l’accusation.

Auparavant, les deux conseils de l’ancien avocat Arnaud Claude, poursuivi pour blanchiment de fraude fiscale et blanchiment de corruption, ont plaidé la relaxe. Arnaud Claude, ex-avocat de la Semarelp, la société d’économie mixte d’aménagement et de rénovation de Levallois-Perret, est poursuivi pour avoir favorisé les délais de paiement dans l’opération des Tours de Levallois et participé à la mise en place des structures offshore panaméennes qui détiennent la villa marocaine. Quatre ans, dont deux avec sursis, ont été requis contre lui.

Si l’accusation le considère comme le « pilote de l’opération » marocaine, ses avocats, Mes Cyril Gosset et Pierre Cornut-Gentille, se sont interrogés sur sa réelle implication dans les opérations qui lui sont reprochées. « Les deux questions que vous devez vous poser sont : quel est son degré d’implication ? et avait-il conscience de prêter la main à une opération de blanchiment ? », a rappelé son premier avocat, Me Pierre Cornut-Gentille.

L’accusation s’appuie principalement sur le témoignage du responsable de la fiduciaire suisse qui a organisé les montages juridiques pour l’acquisition de la villa au Maroc. Ce dernier a affirmé que M. Claude avait demandé en 2009 la création de sociétés panaméennes, qu’il avait un véritable rôle de conseil auprès de Jean-Pierre Aubry, à l’époque directeur général de la Semarelp et bénéficiaire économique des deux sociétés offshore.

M. Angst a dénoncé ses clients au MROS, l’équivalent suisse de Tracfin, début 2014, après qu’un article de Médiapart de décembre 2013 a évoqué le couple Balkany comme propriétaire de la villa. Me Cornut-Gentille a rappelé le contexte de l’époque en Suisse : six mois plus tôt, la banque UBS venait d’être mise en examen pour fraude fiscale en France. « Il n’est plus question pour les gestionnaires de fortune suisses de vivre à l’écart des règles de blanchiment ». Alors, quelle crédibilité accorder à un témoin qui s’exonère de sa responsabilité dans le montage des offshore, laisse entendre l’avocat.

De son côté, Me Cyril Gosset, l’autre conseil de M. Claude, a repris la genèse de l’opération des Tours de Levallois pour tenter de convaincre le tribunal que son client n’avait commis aucun acte répréhensible. « Cette instruction est d’un flou artistique », a-t-il dénoncé. Me Claude, a-t-il dit en substance, a été au cœur de négociations plutôt en faveur de la mairie, à une époque de crise. Son client était prêt à faire capoter l’accord avec Al Jaber s’il était défavorable à la municipalité, souligne l’avocat.

Plaidoiries mercredi en défense pour MM. Aubry et Balkany.

 

 

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