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Défense de s’approcher des sources, surtout lorsqu’elles éclaboussent

Dans un jugement du 6 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre condamne l’État sur le fondement de sa responsabilité sans faute pour la tentative de perquisition réalisée dans les locaux d’un journal ayant divulgué des enregistrements compromettants dans le cadre de l’« affaire Benalla ».

À l’origine des faits de l’espèce se trouve la révélation, en juillet 2018 par le journal Le Monde, de ce qui allait devenir l’« affaire Benalla » : sur des images vidéo, est identifié celui qui avait été promu chargé de mission à l’Élysée après la victoire d’Emmanuel Macron en 2017, revêtu d’un casque et d’un brassard de policier, commettant des violences volontaires sur deux manifestants lors du défilé syndical du 1er mai 2018. Une information judiciaire est ouverte le 22 juillet 2018 des chefs de violences par une personne chargée d’une mission de service public et d’usurpation de fonctions et de signes réservés à l’autorité publique. À cette occasion, l’intéressé et un autre collaborateur de l’Élysée sont mis en examen et placés sous contrôle judiciaire, les deux hommes ayant notamment pour obligation de ne pas entrer en contact. Le 31 janvier 2019, l’hebdomadaire Mediapart publie un article accompagné d’extraits sonores de conversations entre ces derniers, captées le 26 juillet 2018.

Une incursion infructueuse

Le 2 février 2019, le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire des chefs d’atteinte à l’intimité de la vie privée, de détention ou diffusion de paroles ou d’images portant atteinte à l’intimité de la vie privée et de détention illicite d’appareils ou de dispositifs techniques permettant l’interception de télécommunications ou conversations. Tandis qu’un des coauteurs de l’article avait préalablement donné son accord pour la transmission, dans le cadre de l’instruction précédemment ouverte, des enregistrements sonores dont les extraits avaient été publiés, deux procureurs adjoints du tribunal de grande instance de Paris accompagnés de trois officiers de police judiciaire (dont un commissaire divisionnaire de la brigade criminelle) se présentent le 4 février suivant au siège de la société éditrice du journal afin d’obtenir lesdits enregistrements pour vérifier leur contenu et identifier les moyens de leur captation. Les journalistes présents leur refusent l’accès aux locaux et les magistrats et policiers, dépourvus d’autorisation du juge des libertés et de la détention, quittent les lieux après signature du procès-verbal.

Cette visite impromptue est immédiatement dénoncée par Mediapart et plusieurs autres journaux de sensibilités politiques très diverses (v. la tribune publiée le 5 févr. 2019 par les sociétés des journalistes, des rédacteurs et du personnel de la plupart des grands médias nationaux : « Nous, sociétés de journalistes, exprimons notre solidarité avec nos confrères de Mediapart ») comme une « tentative de perquisition ». Le 4 avril 2019, la société éditrice du journal assigne l’agent judiciaire de l’État devant le tribunal de grande instance de Paris sur le fondement principal de la responsabilité sans faute de l’État à raison de sa qualité de tiers à l’enquête préliminaire ; et, à défaut, sur le fondement subsidiaire de la responsabilité pour faute lourde de l’État à raison de sa qualité d’usager du...

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