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Le délai de prescription de l’action en constatation de la possession d’état court à compter du décès du parent prétendu

Le point de départ du délai de prescription de l’action en constatation de la possession d’état est la cessation de la possession d’état si elle intervient du vivant du parent prétendu ou, dans le cas contraire, le décès de ce dernier. Est prescrite l’action intentée vngt-cinq ans après le décès de l’homme à l’égard duquel la filiation était revendiquée, peu important la réalité de la possession d’état et sa poursuite postérieurement au décès.

Et un nouvel arrêt relatif à la prescription d’une action en matière de filiation, un ! Le contentieux en la matière ne faiblit pas, signe que la position de la Cour de cassation en la matière n’est pas acceptée par nombre de justiciables. L’arrêt rendu le 26 mars 2025 a toutefois cela de particulier qu’à la différence des décisions rendues durant la dernière décennie, le droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante n’est pas invoqué : la Cour ne procède à aucun contrôle de proportionnalité, lors même qu’on s’était habitués à ce procédé dans les affaires relatives à la prescription des actions en établissement d’une filiation. Le pourvoi est plus original et interroge sur la lettre de l’article 330 du code civil relatif à l’action en constatation de la possession d’état : comment doit être interprété la conjonction « ou » concernant le délai ? S’agit-il d’une option ? La Cour de cassation tranche, avec la volonté – par la publication au Bulletin – de faire connaître sa position : dès lors que le parent prétendu est décédé, la prescription commence à courir à compter de son décès. Peu importe l’absence de cessation de la possession d’état.

En l’espèce, une action en constatation de la possession d’état a été introduite par une femme en 2021, afin de voir sa filiation établie à l’égard d’un homme décédé en 1996. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt rendu le 20 octobre 2022, a constaté la prescription de l’action en constatation de la possession d’état à l’égard de la demanderesse. Celle-ci a cessé au décès de l’homme à l’égard duquel la demanderesse souhaitait voir sa filiation établie, c’est-à-dire en 1996. L’action en constatation était ainsi prescrite dix ans après la date du décès, soit en 2006.

Le pourvoi formé par la requérante reposait sur l’unique argument d’une possession d’état continue et non équivoque d’enfant naturel du défunt, attestée par de nombreux éléments. Selon elle, son action est recevable, puisque la possession d’état à son égard n’a pas cessé. La demanderesse n’avait pas d’autre choix que cette action, l’expertise biologique étant impossible sur le cadavre de son père prétendu (v. Morgand-Cantegrit, Le point de départ du délai de prescription en matière de constatation de la possession d’état d’enfant naturel, D. 1995. 128 ). À tout le moins aurait-elle pu demander une expertise sur le fils du défunt, afin d’établir qu’elle était sa sœur.

L’argument ne fait pas mouche. La Cour de cassation se rallie à la position de la cour d’appel, conformément à la lettre de l’article 330 du code civil mais en le reformulant pour insister sur le point de départ du délai de prescription : « Le point de départ du délai de prescription de l’action en constatation de la possession d’état est la cessation de la possession d’état si elle intervient du vivant du parent prétendu ou, dans le cas contraire, le décès de ce dernier ». Si la solution n’étonne pas, l’arrêt témoigne d’un contentieux toujours présent en matière de prescription des actions en matière de filiation.

Le point de départ du délai de prescription

Évolution du délai. Le délai a doublement évolué. D’une part, quant à sa durée : avant la réforme du droit de la filiation résultant de l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, il était de trente ans (Civ. 1re, 10 févr. 1993, n° 91-14.544, D. 1993. 490 , note J. Hauser et P. Nicoleau ; ibid. 325, obs. F. Granet-Lambrechts ; RTD civ. 1993. 337, obs. J. Hauser ). Aujourd’hui, le délai de droit commun en matière de filiation est de dix ans (C. civ., art. 321) mais sa réduction est compensée par sa suspension pendant la minorité de l’enfant (C. civ., art. 321). D’autre part, quant à son point de départ. Si celui du délai de droit commun est fixé au « jour où la personne a été privée de l’état qu’elle réclame, ou a commencé à jouir de l’état qui lui est contesté » (C. civ., art. 321), celui du délai de l’action en constatation de la possession d’état est fixé au jour de « sa cessation ou du décès du parent prétendu » (C. civ., art. 330 ; v. égal., Circ. 30 juin 2006, 1re partie, III, 2.5.1, b). L’ordonnance de 2005 ne prévoyait aucune spécificité ; l’article se contentait de renvoyer au « délai mentionné à l’article 321 ». La précision a été apportée par la loi n° 2009-61 du 16 janvier 2009 de ratification de l’ordonnance de 2005 (sur ce point, v. not., F. Dekeuwer-Défossez, La loi du 16 janvier 2009 sur la filiation : bien plus qu’une simple ratification !, RLDC 2009, n° 58). Cet ajout a pu être regretté, car « on peut en effet raisonnablement admettre que le décès du parent prétendu emporte systématiquement cessation de la possession d’état » (J. Leprovaux, Ratification et un peu plus… de l’ordonnance portant réforme de la filiation, RJPF 2009, n° 3 ; v. égal. en ce sens, Circ. du ministère de la Justice CIV/13/06 [n° NOR : JUS C0620513 C] du 30 juin 2006, p. 31, 45 et 51) : si la fama et le nomen peuvent éventuellement perdurer (A. Dionisi-Peyrusse, Le droit de la filiation issu de la loi du 16 janvier 2009 ratifiant l’ordonnance du 4 juillet 2005, D. 2009. 966 et les réf. citées ), le tractatus post mortem semble bien difficile à établir.

Un point de départ alternatif ? Au regard de la formulation du pourvoi, il est permis d’établir que la demanderesse avait dans l’idée de considérer que les deux points de départ possibles du délai de prescription – la cessation de la possession d’état ou le décès du parent prétendu – étaient...

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