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Demande de remise en liberté de Patrick Balkany : décision le 9 décembre

Le maire de Levallois-Perret, Patrick Balkany, extrait lundi de la maison d’arrêt de La Santé, a sollicité la diminution du montant de la caution préalable à sa remise en liberté – 500 000 € – dans le dossier de fraude fiscale et plaidé une seconde demande de remise en liberté dans celui de blanchiment de fraude fiscale. Le ministère public s’est opposé à ces deux requêtes.

par Pierre-Antoine Souchardle 3 décembre 2019

M. Balkany, lunettes de vue à verres fumés, désentravé avant d’entrer dans le box des prévenus, est apparu amaigri, impression accentuée par l’ample pull fuchsia qu’il portait sur une chemise rose et pantalon velours côtelé bordeaux. Silencieux lors de l’examen de la première requête, l’édile s’est lancé en fin d’audience dans son antienne habituelle, à savoir son dévouement d’élu de la République envers son pays et ses administrés. « J’ai 71 ans, j’ai été vingt-cinq ans député de la République. Cela fait trente-sept ans que je suis maire. J’ai passé ma vie à rendre service. Aujourd’hui, on veut faire honte à un élu de la République sous prétexte qu’il aurait fraudé. Je n’ai jamais détourné un centime. »

Petit rappel de la situation judiciaire du maire de Levallois-Perret. Le 13 septembre, M. Balkany a été condamné à quatre ans d’emprisonnement, assorti d’un mandat de dépôt pour fraude fiscale. Son épouse à trois ans (v. Dalloz actualité, 13 sept. 2019, art. P.-A. Souchard)

Le 18 octobre, il a écopé de cinq ans pour blanchiment de fraude fiscale avec mandat de dépôt et son épouse à quatre ans. Dans ce second dossier, M. Balkany et ses coprévenus, MM. Mohamed Al Jaber, Jean-Pierre Aubry et l’avocat Arnaud Claude ont été relaxés sur les faits de corruption concernant l’opération dite des Tours de Levallois (v. Dalloz actualité, 20 oct. 2019, art. P.-A. Souchard).

Le parquet national financier a déposé un appel incident du jugement concernant les époux Balkany et pas les autres protagonistes.

Le 28 octobre, la cour d’appel a fait droit à la demande de remise en liberté de M. Balkany dans le dossier de fraude fiscale sous réserve d’une caution préalable de 500 000 €. Il lui est fait obligation de résider à Giverny, au domicile du couple, et interdiction de paraître en Île-de-France.

Le 13 novembre, dans le volet blanchiment, la cour a rejeté sa demande, estimant qu’il pouvait y avoir des risques de pression sur les témoins et empêcher une concertation frauduleuse entre les coauteurs, notamment avec les personnes condamnées ou relaxées dans ce volet : Alexandre Balkany, le fils ; Jean-Pierre Aubry, ancien directeur de cabinet de M. Balkany ; Me Arnaud Claude, aujourd’hui omis du barreau ; et l’homme d’affaires Mohamed Al Jaber.

Dans ses attendus du 13 novembre, que Dalloz actualité a pu consulter, la cour d’appel a, concernant MM. Aubry et Claude, relevé « chez ces deux personnes une curieuse convergence de points de vue qui, compte tenu de l’absence d’appel de leur part contre leur condamnation, doit s’analyser comme une entreprise ayant voulu imposer une version des faits particulièrement controuvée ».

Le nouvel et jeune avocat de M. Balkany, Romain Dieudonné – Mes Éric Dupont-Moretti et Antoine Vey ayant été remerciés –, a plaidé lundi que « la situation financière de M. Balkany est sinistrée et ne lui permet pas de payer la caution ». Il a assuré que ce cautionnement n’est pas justifié avant d’en demander une diminution substantielle, laissée à l’appréciation de la cour.

La caution fixée par la cour se décompose comme suit : 100 000 € pour la représentation en justice et 400 000 € pour le paiement des frais et amendes. Le tribunal correctionnel, a relevé Me Dieudonné, n’a assorti sa condamnation ni d’amende ni de dommages-intérêts. Lors de l’audience, le président a rappelé que le revenu fiscal du couple en 2018 était de 238 825 euros.

Moins de trois semaines après le rejet de la première demande de remise en liberté dans le volet blanchiment, la défense n’avait pas de nouveaux éléments pour convaincre la cour de revenir sur sa décision. Me Dieudonné a ironisé sur le risque de concertation que pourrait avoir le prévenu avec son épouse, qu’il voit trois à quatre fois par semaine au parloir de la Santé, ou avec ses quatre ex-coprévenus, dont son fils Alexandre, la relaxe de ces derniers étant définitive sur le volet corruption. « Quels sont les risques de pression sur Me Claude, sur M. Aubry ? Quels sont les risques sur M. Al Jaber », s’est interrogé Me Dieudonné.

Comme l’a indiqué le président de la cour, François Reygrobellet, l’appel du parquet national financier inclurait les faits de corruption reprochés à M. Balkany. Se pose donc la question du périmètre qui sera examiné par la cour d’appel lors du procès en février. Intégralité des charges avec corrupteur passif mais sans corrupteur actif, ou uniquement celles de blanchiment de fraude fiscale ?

« Je ne vois pas comment on pourrait soutenir l’accusation de corruption passive si on n’a pas le corrupteur actif », s’est étonné Me Dieudonné.

En fin d’audience, M. Balkany s’est dit très choqué que la justice puisse l’imaginer prendre la fuite – « Je ne me suis jamais dérobé » –, a jugé ridicules ces histoires d’avoirs à l’étranger – « cela fait des années qu’il n’y a plus rien » –, avant de revenir sur la vie de son père et de conclure : « Aujourd’hui, Monsieur le Président, on me fait un mauvais procès. Je ne mérite pas ce qu’on me met sur la tête. La manière dont j’ai été condamné m’a beaucoup touché. Ce n’est pas le fait d’être enfermé mais c’est le fait d’être considéré comme un pestiféré. »

Lors d’une suspension, le maire de Levallois-Perret a adressé quelques signes de main et baisers à quelques fidèles dans le public. À l’issue de l’audience, avant qu’il ne reparte à la maison d’arrêt de la Santé, une femme, arborant un badge « J’aime Patrick Balkany », s’est approchée du box, a échangé quelques mots avant de lui prendre la main et d’y déposer quelques baisers.