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Demandeurs d’asile à la rue : la France condamnée pour son inertie
Demandeurs d’asile à la rue : la France condamnée pour son inertie
La Cour européenne des droits de l’homme vient de conclure à la violation de l’article 3 de la Convention européenne de la part de la France pour avoir laissé des demandeurs d’asile vivre dans la rue pendant des mois, sans moyens, à cause des lenteurs administratives les empêchant d’accéder aux conditions d’accueil prévues par le droit.
par Jean-Marc Pastorle 7 juillet 2020
Les affaires remontent à 2013 et concernent cinq demandeurs d’asile, qui affirmaient ne pas avoir pu bénéficier d’une prise en charge matérielle et financière, prévue par le droit national, et avoir, dès lors, été contraints de dormir dans la rue dans des conditions inhumaines et dégradantes pendant plusieurs mois.
Dans le cadre de la procédure de demande d’asile, une obligation de fournir des conditions matérielles d’accueil pèse sur les autorités françaises. En effet, les demandeurs d’asile ne sont pas autorisés à exercer une activité professionnelle pendant la durée de la procédure. Selon le droit applicable au moment des faits, les étrangers en situation irrégulière souhaitant obtenir l’asile en France devaient, dans un premier temps, demander leur admission au séjour au titre de l’asile. Et si les autorités disposaient en principe d’un délai de quinze jours à compter du moment où un demandeur se présentait à la préfecture pour enregistrer sa demande d’asile et l’autoriser à séjourner régulièrement, dans la pratique, ce délai était en moyenne de trois à cinq mois selon les préfectures.
Des faits qui ne sont pas liés à une crise migratoire majeure
De plus, les requérants qui ont vécu dans les mêmes conditions, n’ont perçu l’allocation temporaire d’attente qu’après des délais s’étalant de 133 à 185 jours. La Cour se dit consciente de l’augmentation continue des demandes d’asile depuis 2007 et de la saturation graduelle du dispositif national d’accueil mais elle estime que les faits de l’espèce « ne se sont donc pas déroulés dans un contexte d’urgence humanitaire engendré par une crise migratoire majeure ». Par conséquent, la Cour constate « que les autorités françaises ont manqué à l’encontre des requérants à leurs obligations prévues par le droit interne ». En conséquence, ces autorités doivent être tenues pour responsables des conditions dans lesquelles les requérants se sont trouvés pendant des mois, vivant dans la rue, sans ressources, sans accès à des sanitaires, ne disposant d’aucun moyen de subvenir à leurs besoins essentiels et dans l’angoisse permanente d’être attaqués et volés.
La Cour estime que les requérants « ont été victimes d’un traitement dégradant témoignant d’un manque de respect pour leur dignité et […] cette situation a, sans aucun doute, suscité chez eux des sentiments de peur, d’angoisse ou d’infériorité propres à conduire au désespoir. Elle considère que de telles conditions d’existence, combinées avec l’absence de réponse adéquate des autorités françaises qu’ils ont alertées à maintes reprises sur leur impossibilité de jouir en pratique de leurs droits et donc de pourvoir à leurs besoins essentiels, et le fait que les juridictions internes leur ont systématiquement opposé le manque de moyens dont disposaient les instances compétentes au regard de leurs conditions de jeunes majeurs isolés, en bonne santé et sans charge de famille, ont atteint le seuil de gravité requis par l’article 3 de la Convention ».
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