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Dématérialisation des marchés publics : le compte à rebours a commencé

Au 1er octobre, la passation des marchés publics d’un montant égal ou supérieur à 25 000 € sera 100 % dématérialisée : obligation de transmettre les offres par voie électronique, publications des données essentielles du marché, signature électronique, etc. Quelles sont les nouvelles obligations qui vont peser sur les acheteurs et les entreprises ?

par Emmanuelle Maupinle 14 septembre 2018

Dès 2001, le code des marchés publics a autorisé la transmission des plis par voie électronique. Il aura pourtant fallu attendre près de deux décennies pour que la dématérialisation devienne une obligation. En effet, à compter du 1er octobre, les acheteurs ne pourront plus accepter les candidatures et les offres remises par la voie papier lorsque le montant du marché sera égal ou supérieur à 25 000 € HT. Cette exigence ne concerne que les différentes étapes de la passation, c’est-à-dire la mise à disposition des documents de la consultation ; la réception des candidatures et des offres pour toutes les phases ; les questions/réponses des acheteurs et des entreprises ; les demandes d’informations, de compléments, les échanges relatifs à la négociation ou encore les notifications des décisions (lettre de rejet, etc.).

Le sort des offres papier

Conformément à l’article 39 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, l’acheteur devra donc mettre gratuitement les documents de la consultation à disposition des opérateurs économiques sur son profil d’acheteur. Pour rappel, le profil d’acheteur est une plateforme de dématérialisation qui doit présenter un certain nombre de fonctionnalités, listées dans l’arrêté du 14 avril 2017. Il doit notamment permettre à l’acheteur d’effectuer les principales actions nécessaires à la passation d’un marché public : publier les avis de publicité, mettre à disposition des documents de la consultation, réceptionner et conserver les candidatures et les offres, répondre aux questions, etc. À compter du 1er octobre, la liste des profils d’acheteur sera publiée sur le site www.data.gouv.fr. Cette obligation de mise à disposition connaît deux exceptions : la protection de la confidentialité de certaines informations (art. 39, II) ou les cas mentionnés à l’article 41, II, du décret. Si l’obligation mise à la charge des acteurs publics ne concerne que la phase de passation du marché, rien ne les empêche de continuer à utiliser la voie électronique lors de son exécution. À condition de le prévoir expressément dans le contrat. Le profil d’acheteur pourra alors être utilisé pour la transmission de documents, comme les avenants, les bons de commande ou encore les ordres de service.

L’opérateur économique sera donc tenu, de son côté, de répondre par la voie électronique. Un candidat réfractaire qui déciderait malgré tout de répondre par voie papier après le 1er octobre verrait son offre déclarée irrégulière. L’acheteur pourrait lui permettre de régulariser son offre afin de respecter le format électronique requis. Mais il ne s’agit que d’une faculté. Si l’acheteur ne souhaite pas régulariser, l’entreprise n’aura aucun recours possible.

La publication des données essentielles du marché

La seconde obligation qui pèsera sur les épaules de l’acheteur public au 1er octobre prochain concerne la publication des données essentielles. Il devra offrir, sur son profil d’acheteur, un accès libre, direct et complet aux données essentielles des marchés publics dont le montant est égal ou supérieur à 25 000 €. À l’exception, précise l’article 107 du décret, des informations dont la divulgation serait contraire à l’ordre public. Les données, dont la liste est fixée par l’arrêté du 14 avril 2017, devront être publiées au plus tard deux mois à compter de la date de notification du marché ou à compter de la date de notification de chaque modification apportée au contrat. Les données sont maintenues disponibles sur le profil d’acheteur pendant une durée minimale de cinq ans après la fin de l’exécution du marché public. Toutefois, l’arrêté du 27 juillet 2018 modifiant celui du 14 avril a réduit la durée de publication à un an si les acheteurs les publient également sur le site www.data.gouv.fr. Notons en outre que l’arrêté a supprimé la référence aux données essentielles relatives aux marchés de défense ou de sécurité.

La signature électronique : une possibilité hautement recommandée

Dans une procédure 100 % dématérialisée, la signature électronique de l’offre finale doit remplacer la signature papier pour éviter de rematérialiser le marché. Ainsi, même si son usage ne sera pas obligatoire à compter du 1er octobre, il sera hautement recommandé. Si la personne publique décide d’imposer la signature électronique, cela suppose qu’elle soit elle-même capable de signer électroniquement. Il faut donc que chacune des parties s’équipe d’un certificat de signature électronique de niveau 2. L’entreprise qui ne respecte pas cette exigence verra son offre déclarée irrégulière. L’acheteur aura toujours la possibilité d’inviter le candidat à régulariser son offre, conformément à l’article 59 du décret. Mais il ne s’agit que d’une faculté laissée à l’acheteur. En revanche, imposer une signature de tous les documents constitue un formalisme excessif et inutile.

 

 

Questions à Benoit Dingremont, sous-directeur du droit de la commande publique, Direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers.

 

La rédaction : Quels sont les gains attendus de la dématérialisation ?

Benoit Dingremont : Ils sont de plusieurs ordres. Par la suppression du papier, la facturation électronique permettra de générer des gains financiers. S’agissant de la facturation électronique, les gains ont été chiffrés à plus de 700 millions d’euros. Nous espérons également des gains en termes d’organisation et de gestion du temps. Il faut éviter, au cours de la vie du marché, de saisir plusieurs fois les mêmes données. Les données standards, comme celles contenues dans le dossier de candidature, doivent être automatisées. Tel est l’objectif du document unique de marché européen (DUME) que les acheteurs acceptent depuis le 1er avril 2018 ou du dispositif « dites-le-nous une fois » qui permet aux candidats, dans le cadre d’une procédure formalisée, de ne plus fournir les documents justificatifs et les moyens de preuve s’ils ont déjà été transmis au service acheteur concerné lors d’une précédente consultation et s’ils demeurent valables (décr. n° 2016-360, art. 53). Cette échéance du 1er octobre est une étape du plan de transformation numérique de la commande publique. Il s’agit de préparer un cadre pour la dématérialisation des marchés publics de A à Z.

La rédaction : Quels conseils donneriez-vous aux retardataires ?

Benoit Dingremont : Depuis plusieurs mois, le directeur de projet du plan de transformation numérique de la commande publique, les fédérations professionnelles et les organismes consulaires mènent des actions de communication auprès des acteurs de la commande publique pour être prêt le jour J. Pour ceux qui n’auraient pas anticipé l’échéance, les conseils sont simples. Du côté des acheteurs, il faut se doter d’un profil d’acheteur en se rapprochant soit des plateformes mutualisées soit des éditeurs de logiciels. Les entreprises doivent, pour leur part, s’équiper d’un certificat de signature électronique de niveau 2.

La rédaction : Pourra-t-on toujours répondre par la voie papier après le 1er octobre ?

Benoit Dingremont : Oui, pour les marchés dont le montant est inférieur à 25 000 € ou s’ils entrent dans l’un des cas mentionnés à l’article 41, II, du décret du 25 mars 2016. La voie papier pourra aussi être utilisée pour remettre la copie de sauvegarde, même s’il est préférable de recourir au support physique électronique. La copie de sauvegarde n’est pas une alternative à la dématérialisation. Elle est un backup en cas d’échec de la transmission électronique.

Quelles sont les prochaines échéances du plan de transformation numérique de la commande publique ?

Benoit Dingremont : Notre prochaine priorité sera d’agir sur l’interopérabilité. Nous devons définir un cadre commun à tous les acteurs afin de favoriser la dématérialisation de bout en bout de la commande publique. Cela passera par la création de passerelles vers les autres outils utilisés dans la commande publique : contrôle de légalité, chaîne comptable, archivage. Cet axe sur l’interopérabilité suppose aussi d’établir un référentiel sémantique commun. Nous allons également travailler sur la signature électronique ou sur les avis de publicité pour les rendre accessibles en open data ou utiliser les données qui y sont contenues dans le DUME ou les documents de la consultation.