Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Des conditions de détention indignes au centre pénitentiaire de Bois-d’Arcy

Le juge administratif de Versailles confirme l’indignité des conditions de détention au sein du centre pénitentiaire de Bois-d’Arcy et enjoint l’administration pénitentiaire et le préfet des Yvelines de prendre douze mesures d’urgence afin d’y remédier.

Depuis sa construction en 1979, le centre pénitentiaire de Bois-d’Arcy est resté tel quel. Maintes fois dénoncées, les conditions de détention qui y règnent n’ont pourtant été révélées au public qu’après l’instauration du contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL ; TA Versailles, 18 mai 2004, n° 0101135, AJDA 2004. 2172 , note H. Arbousset ; AJ pénal 2004. 413, obs. M. Herzog-Evans ; Versailles, 10 juin 2020, n° 19/06092 ; 17 févr. 2021, n° 20/02592).

Dès sa première visite, en 2010, il y dénonçait certaines atteintes au droit et au respect de la dignité en détention (CGLPL, Rapport de visite de la maison d’arrêt des Yvelines à Bois-d’Arcy, juill. 2010, 67 p.).

En 2015, ses propos se voulaient encore plus alarmants. Il faisait alors état d’un établissement vétuste et obsolète, dont les conditions dégradées et indignes perduraient, sans que l’administration pénitentiaire ne cherche – ou ne parvienne – à y remédier (CGLPL, Rapport de visite de la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy [Yvelines], 2015, p. 2).

En 2022, à la suite d’une visite du député William Martinet, le CGLPL formulait des recommandations d’une rare sévérité. Il révélait que la surpopulation (d’un taux de 165 % en oct. 2022), y est « endémique et préoccupante » ; que les conditions de détention indignes ne garantissent pas la sécurité des détenus et conduisent à une prise en charge défaillante. Les personnes qui y sont détenues sont « désœuvrées » et les personnels « désorientés ». Entre autres choses, il préconisait que les incarcérations soient suspendues « jusqu’à ce qu’une inspection générale de la justice confirme que la sécurité des détenus est assurée au regard des situations décrites » (CGLPL, Recommandations en urgence du 28 octobre 2022 relatives au centre pénitentiaire de Bois-d’Arcy, JORF 16 déc. 2022, p. 3).

En mars 2023, la densité carcérale s’élevait toujours à 152,5 %, malgré la publication des recommandations du CGLPL (DAP/SDEX/EX3, Tableau 19 : Effectifs des personnes détenues et écrouées et densité carcérale, Statistiques des personnes détenues et écrouées en France - Chiffres clés de la Justice, 2023). Sans surprise, la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP), l’Association des avocats pour la défense des droits des détenus, et l’Ordre des avocats du barreau de Paris ont alors formé un référé-liberté afin d’enjoindre aux autorités compétentes de prendre les mesures de nature à sauvegarder les libertés fondamentales des personnes détenues à la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy. S’y ajoutaient ensuite l’Ordre des avocats des barreaux de Versailles, des Hauts-de-Seine, du Val-d’Oise, de Seine-Saint-Denis et de Meaux. Enfin, le Conseil national des barreaux, la Fédération nationale des unions de jeunes avocats, l’Association des avocats pénalistes et le Syndicat des avocats de France se joignaient à la requête.

L’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale

Le juge des référés commence par rappeler les critères dégagés par l’arrêt Muršić c. Croatie, qui permettent de vérifier l’existence de traitements inhumains et dégradants en détention (CEDH, gr. ch., 20 oct. 2016, Muršić c/ Croatie, n° 7334/13, AJDA 2017. 157, chron. L. Burgorgue-Larsen ; AJ pénal 2017. 47, obs. A.-G. Robert ; v. égal., CEDH 5 oct. 2017, Ābele c/ Lettonie, nos 60429/12 et 72760/12).

En l’occurrence, il constate qu’une surface au sol inférieure à 3 m2 constitue une forte présomption de violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (Conv. EDH). Or, au...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :