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Des conditions de détention indignes au centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan

Le tribunal administratif de Bordeaux a confirmé l’indignité des conditions de détention au sein de l’établissement pénitentiaire de Gradignan, et a ordonné la mise en œuvre de neuf mesures d’urgence pour faire cesser les atteintes aux droits fondamentaux des personnes détenues.

Bien que de nouvelles problématiques émergent s’agissant de l’enfermement, le respect de la dignité des personnes détenues lors de leur détention demeure au cœur de toutes les préoccupations. Autant les universitaires que les praticiens se joignent ainsi à la même démarche : faire en sorte que la « privation de liberté » (au sens pénal) se borne à la privation de la seule liberté d’aller et venir, autant que faire se peut et dans la mesure des recours offerts par notre système juridique actuel (v. par ex., S. Zientara-Logeay [dir.], Les conditions de détention : condition de la détention, LexisNexis, 2021, 274 p. ; v. égal., F. Habouzit, Le contrôle des décisions de l’administration pénitentiaire relatives aux conditions d’exécution de la peine, RSC 2022. 275 ). Dans cette entreprise, qui nous semble perpétuelle, le juge administratif constitue ainsi l’un des principaux pivots du droit au respect de la dignité en détention (v. B. Pastre-Belda, L’amélioration des conditions de détention grâce au juge administratif, D. 2022. 1744 ). Tout récemment encore, il était appelé à constater d’importants dysfonctionnements en milieu pénitentiaire et à faire cesser les atteintes aux garanties dont bénéficient les personnes détenues (TA Toulouse, réf., 4 oct. 2021, n° 2105421, Dalloz actualité, 12 oct. 2021, obs. M. Dominati ; 2 août 2022, n° 2203925, Dalloz actualité, 9 sept. 2022, obs. M. Dominati).

C’est donc sans surprise que le 30 septembre 2022, l’Observatoire international des prisons – section française (OIP), l’Ordre des avocats au Barreau de Bordeaux, l’Association des avocats pour la défense des droits des détenus (A3D) et le Syndicat des avocats de France (SAF) ont saisi le juge des référés d’une requête en constatation de l’indignité des conditions de détention au sein de l’établissement pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan. Le 11 octobre, ce même magistrat rend une ordonnance ordonnant à l’administration pénitentiaire de prendre neuf mesures urgentes susceptibles d’améliorer le quotidien des personnes incarcérées dans les conditions dénoncées, dont certaines visaient également à renforcer leur droit à la santé. En somme, il estime que les conditions d’incarcération au centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan portent une atteinte grave et manifestement illégale au droit de ne pas subir de traitements dégradants ainsi qu’au droit au respect de la vie privée et familiale des personnes détenues.

Les recommandations de la CGLPL

En juin 2022, à la suite d’une visite du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan, la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) formulait quinze recommandations en urgence, dont l’objet était de mettre en évidence les graves dysfonctionnements qui y avaient été constatés (CGLPL, Recommandations en urgence du 30 juin 2022 relatives au centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan, JO 13 juill. 2022). Elles faisaient notamment état d’une surpopulation « dramatiquement élevée » (235 % d’occupation aux quartiers des maisons d’arrêt des hommes), de « locaux indignes » du fait de « conditions d’hygiène et de salubrité inacceptables », d’un accès au soin dégradé, où « l’intégrité physique des personnes détenues n’était pas assuré ». En d’autres termes, selon la Contrôleuse générale, « l’hébergement d’êtres humains devrait être proscrit » au sein de l’établissement néo-aquitain. Face à l’inaction constatée des ministres de la justice et de la santé, les organisations suscitées de défense des droits des détenus ont...

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