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Le « déséquilibre significatif » entre professionnels n’est pas applicable à la collaboration entre avocats

La cour d’appel de Paris a rejeté le recours formé par un avocat collaborateur contre une sentence rendue par le bâtonnier d’Angers, refusant de lui accorder des dommages et intérêts pour la rupture de son contrat de collaboration.

par Anne Portmannle 17 octobre 2017

Un avocat collaborateur au sein d’un cabinet angevin a saisi le bâtonnier après la rupture de son contrat. Il n’a pas demandé la requalification en contrat de travail mais a sollicité la condamnation du cabinet à lui payer la somme de 190 000 € sur le fondement de la concurrence déloyale. Le bâtonnier d’Angers a rejeté ses demandes tout en condamnant la société civile professionnelle (SCP) à verser à l’avocat la somme de 200 € au titre de deux jours de repos non pris. 

L’affaire a été renvoyée devant la cour d’appel de Paris, exclusivement compétente pour connaître des litiges relatifs à l’application de l’article L. 442-6 du code de commerce.

Cabinet et collaborateurs ne sont pas des « partenaires commerciaux »

L’ancien collaborateur estimait que les dispositions du code de commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence entre professionnels étaient applicables à la relation contractuelle existant entre un cabinet et un collaborateur. Il soutenait, en effet, que les avocats exercent une activité économique au sens où l’entend le droit européen et qu’en conséquences, ils sont soumis à ces dispositions qui interdisent de restreindre le jeu de la concurrence.

L’article L. 442-6 du code de commerce, ici invoqué, concerne la responsabilité des producteurs, commerçants, artisans industriels ou des personnes immatriculées au répertoire des métiers qui tentent d’obtenir de leur partenaire commercial un service indu ou disproportionné ou soumettent ou tentent de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un « déséquilibre significatif » dans leurs droits et obligations.

La SCP soutenait que ces dispositions n’étaient pas applicables. Elle a été suivie par la cour qui a rappelé que la profession d’avocat était incompatible avec toute activité à caractère commercial (Décr. n° 91-1197 du 27 nov. 1991, art. 111) et qu’en outre la collaboration libérale s’inscrit dans un cadre déterminé par le règlement intérieur. Les conditions de rémunérations sont par ailleurs déterminées par le conseil de l’Ordre. Il ne peut donc pas être considéré que le cabinet et l’avocat collaborateurs sont des « partenaires commerciaux » au sens de l’article L. 442-6 du code de commerce

Obligation de désintéressement

À titre subsidiaire, l’avocat appelant invoquait la violation de l’obligation de désintéressement de l’avocat, telle qu’édictée par l’article 3 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, qui énumère les principes essentiels de la profession. Le respect de ce principe n’avait pas seulement vocation à s’appliquer aux relations entre avocat et client, mais aussi entre avocats. La SCP soutenait le contraire, insistant sur le fait qu’il n’est pas applicable dans le domaine de la gestion du cabinet, dont la collaboration relève.

La cour a suivi l’argumentation de la SCP. Elle a jugé que l’obligation de désintéressement ne concernait que la question des honoraires entre avocat et client et ne pouvait être considérée comme s’étendant à la rétrocession d’honoraires entre un avocat et son collaborateur. Considérer le contraire serait nier la nécessaire relation de confiance qui préside nécessairement à l’établissement d’un contrat de collaboration.

La sentence arbitrale est confirmée, la cour d’appel jugeant par ailleurs, que le cabinet pouvait produire, dans le cadre de sa défense, des documents couverts par le secret professionnel saisis au domicile du collaborateur.