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Déséquilibre significatif : le seul aménagement d’une disposition supplétive ne suffit pas

Un déséquilibre significatif, au sens des pratiques restrictives de concurrence, ne peut se déduire du seul fait qu’une clause aménage, en faveur d’une partie, les dispositions supplétives du droit des contrats, en l’espèce celles de la force majeure. Pour qu’un tel déséquilibre soit caractérisé, il convient de mener une analyse concrète de l’économique générale du contrat, ce qui ouvre la porte au sauvetage d’une clause suspecte si celle-ci est contrebalancée par une autre clause.

1. Une société réserve un emplacement pour le salon « Art Paris ». Un acompte de 50 000 € est versé. La pandémie covid-19 survient. Le salon est déprogrammé. La société sollicite restitution de l’acompte. L’organisateur refuse. Il invoque ses conditions générales qui stipulent, d’une part, que l’acompte serait conservé en cas de « raisons majeures, imprévisibles ou économiques » et, d’autre part, que « il ne pourra être demandé de dommages-intérêts à l’organisateur dans le cas où la manifestation devait être annulée par suite d’événement présentant un caractère de force majeure » (arrêt, § 2).

2. La clause est jugée efficace par la cour d’appel. L’acompte ne doit pas être remboursé. Un pourvoi est formé. L’argument est intéressant et mérite d’être détaillé. Le pourvoi soutient que l’aménagement contractuel réalisé génère un déséquilibre significatif. Plus précisément, le pourvoi reproche aux clauses exposées de déroger aux dispositions protectrices de l’article 1218 du code civil, dédiées à la force majeure et ses effets. Dit autrement : l’application de l’article 1218 aurait conduit, selon le pourvoi, à la résolution de plein droit et, conséquemment, au remboursement des sommes versées (sur cette hypothèse, v. infra §§ 8 et 10). En privant la société de ce remboursement, qui aurait été de droit en l’absence d’aménagement, le pourvoi en tire pour conclusion que la clause génère un déséquilibre significatif ; déséquilibre évidemment fondé sur le code de commerce car les pratiques restrictives de concurrence priment l’application de l’article 1171 du code civil (Com. 26 janv. 2022, n° 20-16.782, Dalloz actualité, 1er févr. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 539 , note S. Tisseyre ; ibid. 725, obs. N. Ferrier ; ibid. 1419, chron. S. Barbot, C. Bellino, C. de Cabarrus et S. Kass-Danno ; ibid. 2255, obs. Centre de droit économique et du développement Yves Serra ; ibid. 2023. 254, obs. R. Boffa et M. Mekki ; RTD civ. 2022. 124, obs. H. Barbier ; Concurrences 2022/2, n° 105957, obs. S. Chaudouet ; ibid., n° 106545, note F. Buy ; JCP E 2022. 1125, note G. Chantepie ; CCC 2022. Comm. 40, note L. Leveneur ; ibid. Comm. 19, obs. G. Loiseau ; RDBF 2022. Comm. 75, obs. T. Samin et S. Torck ; RDC 2022/2. 10, note M. Latina ; ibid. 16, note P. Stoffel-Munck ; ibid. 144, obs. S. Gerry-Vernières ; ibid. 2022/3. 89, note N. Balat ; Gaz. Pal. 15 mars 2022, n° 9, p. 20, note G. Millerioux ; ibid. 10 mai 2022, n° 15, p. 5, obs. D. Houtcieff ; LPA 30 avr. 2022, n° 4, p. 72, obs. J. Quiroga-Galdo).

3. Une question intéressante est ainsi posée : un déséquilibre significatif peut-il se déduire du seul fait qu’une clause aménage, au profit de l’autre partie, des dispositions supplétives qui se seraient appliquées en l’absence d’un tel aménagement ?

La réponse, aux allures de principe, est négative : « L’appréciation du déséquilibre significatif passe par une analyse concrète de l’économie générale du contrat. Un tel déséquilibre ne peut se déduire du seul fait que la clause litigieuse place la partie qui invoque à son profit l’article L. 442-1, I, 2°, du code de commerce dans une situation moins favorable que celle résultant de l’application de dispositions législatives ou réglementaires supplétives de la volonté des cocontractants » (arrêt, § 8).

Déroger à des dispositions supplétives ne caractérise pas nécessairement un...

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