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Désistement d’appel en matière criminelle : une simplification inaboutie

En cas de désistement d’appel, sans qu’au préalable la Cour de cassation ait été saisie d’une demande de désignation, il appartient au premier président de la cour d’appel de désigner la cour d’assises chargée de statuer en appel parmi celles de son ressort, et au président de la cour ainsi désignée de constater ce désistement. 

par Sébastien Fucinile 27 novembre 2017

La spécificité de l’appel circulaire en matière criminelle conduit la chambre criminelle à avoir un rôle dans la désignation de la cour d’assises d’appel, qui peut la conduire à constater un désistement d’appel, conformément à l’article 380-11 du code de procédure pénale. Cet article prévoit que « le désistement d’appel est constaté par ordonnance du président de la chambre criminelle de la Cour de cassation lorsque celle-ci est saisie en application de l’article 380-1 ou par ordonnance du président de la cour d’assises ». Par un arrêt du 15 novembre 2017, la chambre criminelle, saisie sur le fondement de cet article pour constater un désistement d’appel, s’est déclarée incompétente aux visas des articles 380-1 à 380-15, alors même que la cour d’assises d’appel n’avait pas encore été désignée. Elle a pour ce faire rappelé, dans un premier temps, les règles relatives à la désignation de la cour d’assises d’appel contenues dans l’article 380-14, telles qu’elles sont issues de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 (sur les dispositions de cette loi relatives à la phase de jugement, v. C. Fonteix, Une réforme de la phase de jugement tendant à l’accélération des procédures, AJ pénal 2016. 460 ). Il revient ainsi au premier président de la cour d’appel de désigner la cour d’assises chargée de statuer en appel. La chambre criminelle ne doit être saisie par le ministère public que si la désignation d’une cour d’assises située hors du ressort de la cour d’appel est demandée par le ministère public ou l’une des parties. Dans un second temps, elle a relevé « qu’il se déduit de ce texte et de l’article 380-11 dudit code qu’en cas de désistement d’appel, sans qu’au préalable la Cour de cassation ait été saisie d’une demande de désignation, il appartient au premier président de la cour d’appel de désigner la cour d’assises chargée de statuer en appel parmi celles de son ressort, et au président de la cour d’assises ainsi désignée de constater ce désistement ». L’incompétence de la chambre criminelle n’était pas évidente en l’espèce et appelle quelques observations.

Cette procédure lourde et complexe pour constater un désistement d’appel est le fruit malencontreux de dispositions issues de la loi précitée du 3 juin 2016 et contenues dans un chapitre intitulé « dispositions simplifiant le déroulement de la procédure pénale ». Le législateur, par cette loi, a voulu simplifier les modalités de désignation d’une cour d’assises d’appel. Tandis qu’auparavant, il revenait systématiquement à la chambre criminelle de désigner la cour d’assises chargée de statuer en appel, ce qui alourdissait la procédure, il revient désormais en principe au premier président de la cour d’appel de désigner la cour d’assises chargée de statuer en appel, la chambre criminelle n’intervenant qu’en cas de volonté de désigner une cour d’assises en dehors du ressort de la cour d’appel. Le législateur a pour ce faire modifié l’article 380-14 du code de procédure pénale. Il a également modifié l’article 380-1 en ce qu’il affirmait que l’appel en matière criminelle était « porté devant une autre cour d’assises désignée par la chambre criminelle de la Cour de cassation ». Cette dernière partie de la phrase a été modifiée puisque, désormais, une cour d’assises d’appel n’est en principe pas désignée par la chambre criminelle. Le législateur a modifié une troisième disposition, l’article 380-15, afin de prévoir que « si l’appel n’a pas été formé dans les délais prévus par la loi ou porte sur un arrêt qui n’est pas susceptible d’appel, le premier président de la cour d’appel ou le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation dit n’y avoir pas lieu à désignation d’une cour d’assises chargée de statuer en appel ». Auparavant, seule la chambre criminelle était visée puisqu’elle était la seule à pouvoir désigner une cour d’assises d’appel. Ces différentes dispositions ont ainsi été coordonnées afin de tenir compte du fait que, désormais, il peut revenir soit au premier président de la cour d’appel, soit à la chambre criminelle, de désigner la cour d’assises chargée de statuer en appel.

Malheureusement, le législateur a omis de modifier en conséquence l’article 380-11 du code de procédure pénale, qui prévoit le cas du désistement d’appel. L’alinéa 4 de cet article prévoit ainsi que « le désistement d’appel est constaté par ordonnance du président de la chambre criminelle de la Cour de cassation lorsque celle-ci est saisie en application de l’article 380-1 ou par ordonnance du président de la cour d’assises ». Cette disposition, avant la loi du 3 juin 2016, se comprenait : lorsque la cour d’assises d’appel n’avait pas encore été désignée, il suffisait à la chambre criminelle de constater le désistement. Lorsqu’elle avait déjà été désignée, il revenait au président de la cour d’assises désignée de le constater.

Cette disposition, désormais, ne se comprend plus : l’article devrait logiquement prévoir qu’il revient soit au premier président de la cour d’appel, soit au président de la chambre criminelle, de constater le désistement si la cour d’assises d’appel n’a pas été désignée, et au président de cette dernière si elle l’a été. Mais ce n’est pas le cas, cet article ne prévoit toujours que deux possibilités : soit un désistement constaté par la chambre criminelle, soit un désistement constaté par le président de la cour d’assises d’appel. Pour cette raison, la Cour de cassation affirme par l’arrêt commenté que, si la chambre criminelle n’a pas été saisie d’une demande de désignation conformément à l’article 380-14, seul le président de la cour d’assises d’appel peut constater le désistement. Et si elle n’a pas encore été désignée, il faut alors que le premier président de la cour d’appel la désigne pour permettre à son président de constater le désistement.

Les « dispositions simplifiant le déroulement de la procédure pénale » de la loi du 3 juin 2016 conduisent ainsi à un alourdissement considérable de la procédure de constat de désistement d’appel. Il aurait été préférable que la Cour de cassation déduise des articles 380-1 à 380-15 du code de procédure pénale qu’il revenait, en l’absence de désignation de la cour d’assises d’appel, soit au président de la chambre criminelle, soit au premier président de la cour d’appel de constater le désistement. Cela devrait être possible, dès lors que, dans la position retenue, le premier président de la cour d’appel doit nécessairement intervenir pour désigner la cour d’assises d’appel dont le président va constater le désistement. Cela n’aurait pas été conforme à la lettre de l’article 380-11 mais aurait en revanche été conforme à l’esprit de la réforme introduite par la loi du 3 juin 2016 et aurait été la seule interprétation qui aurait permis de rendre cet article cohérent avec les articles 380-14 et 380-15 qui en sont issus. La volonté de simplifier la procédure pénale peut en somme se traduire, en ne prenant pas garde aux « simplifications » apportées, par une complexification redoutable.