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Dessaisissement de l’avocat et honoraire de diligence

Une convention d’honoraires prévoyant le montant de l’honoraire de diligence de l’avocat peut recevoir application lorsqu’elle a prévu les modalités de cette rémunération en cas de dessaisissement avant qu’il ait été mis fin à l’instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable.

par Jean-Denis Pellierle 8 juin 2021

La liberté contractuelle permet d’anticiper un certain nombre de complications, y compris en ce qui concerne les honoraires de l’avocat, comme en témoigne un arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 27 mai 2021. En l’espèce, M. H… a confié, courant 2016, la défense de ses intérêts à une société d’avocats avant de saisir le bâtonnier de l’ordre des avocats d’une demande de fixation de ses honoraires. Le premier président de la cour d’appel de Bordeaux a décidé, le 17 septembre 2019, d’inviter l’avocat à restituer à son client la somme de 7 093,18 €, après avoir fixé, au regard des seuls critères prévus par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971, l’honoraire dû par M. H…, en retenant que l’avocat a été dessaisi avant le terme de sa mission et qu’il ne peut donc se prévaloir de la convention régularisée par les parties. L’avocat se pourvut donc en cassation, à juste titre puisque la Cour de cassation censure la décision du magistrat bordelais au visa des articles 1134, devenu 1103 du code civil, et 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa version applicable au litige. Les hauts magistrats considèrent qu’« il résulte de la combinaison de ces textes qu’une convention d’honoraires prévoyant le montant de l’honoraire de diligence de l’avocat peut recevoir application lorsqu’elle a prévu les modalités de cette rémunération en cas de dessaisissement avant qu’il ait été mis fin à l’instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable » (pt 9). En conséquence, ils décident qu’« en statuant ainsi, alors que le dessaisissement de l’avocat ne rendait pas inapplicable la convention qui avait organisé les modalités de paiement de l’honoraire de diligence dans cette hypothèse, la cour d’appel a violé les textes susvisés » (pt 11).

La solution est parfaitement justifiée : il est vrai que la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de préciser qu’en cas de dessaisissement de l’avocat avant que l’instance ait pris fin par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable (sur la différence entre une décision irrévocable et une décision définitive, v. Civ. 2e, 8 juill. 2004, n° 02-15.893, RTD civ. 2004. 775, obs. R. Perrot ), l’honoraire devait être fixé en fonction des critères de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 (sur ces critères, v. K. Magnier-Merran, Pour un renouveau des usages de la profession d’avocat, Dr. et patr., sept. 2017, p. 62), et ce tant en présence d’un honoraire de diligence (v. par ex. Civ. 2e, 19 nov. 2008, n° 07-20.060, Dalloz actualité, 28 nov. 2008, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2008. 3017, obs. V. Avena-Robardet ; 5 févr. 2009, n° 06-17.806, D. 2009. 2704, obs. B. Blanchard  ; 13 juin 2013, n° 09-14.465 ; 10 déc. 2015, n° 14-29.871, Dalloz actualité, 11 déc. 2015, obs. A. Portmann ; D. 2016. 19 ; ibid. 736, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, G. Hénon, N. Palle, L. Lazerges-Cousquer et N. Touati ; ibid. 2017. 74, obs. T. Wickers ; D. avocats 2016. 25, obs. G. Deharo ; RTD civ. 2016. 143, obs. P.-Y. Gautier ) que d’un honoraire de résultat (v. par ex. Civ. 2e, 7 févr. 2019, n° 18-10.767, Dalloz actualité, 14 févr. 2019, obs. J.-D. Pellier ; ). Il y a là une parfaite illustration des « dangers du dessaisissement » (v. à ce sujet S. Grayot-Dirx, Honoraires de l’avocat : des leçons à tirer du contentieux, JCP 2019. 364). Mais il n’en demeure pas moins que les parties sont tout à fait libres de fixer le montant ainsi que les modalités de l’honoraire de diligence dans l’hypothèse du dessaisissement de l’avocat (v. en ce sens H. Ader, A. Damien, T. Wickers, S. Bortoluzzi et D. Piau, Règles de la profession d’avocat, Dalloz action, 2018-2019, n° 713.185). Tel était bien le cas en l’occurrence puisque la convention d’honoraires signée le 27 avril 2016 entre les parties prévoyait un article 9 selon lequel, en cas de dessaisissement, M. H… « s’engage à régler, sans délai, les honoraires, frais et dépens dus à l’avocat […] pour les diligences effectuées antérieurement au dessaisissement ».

Il en va d’ailleurs de même s’agissant de l’honoraire de résultat (v. en ce sens H. Ader, A. Damien, T. Wickers, S. Bortoluzzi et D. Piau, op. cit.). La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de considérer à cet égard « qu’ayant relevé que la convention d’honoraires conclue entre les parties prévoyait le versement d’un honoraire complémentaire de résultat, au prorata des démarches accomplies par rapport à la mission, dans l’hypothèse où l’avocat était dessaisi avant son achèvement, ce dont il résultait que la convention ne contrevenait à aucune prescription légale, le premier président a décidé à bon droit de faire application des dispositions librement convenues » (Civ. 2e, 10 janv. 2008, n° 06-21.566). Les avocats ont donc tout intérêt à prévoir ce type de clause afin d’éviter toute difficulté au moment de leur dessaisissement (rappr. T. Revet, J. Laurent, B. Chaffois, C. Boërio et K. Moya, Déontologie de la profession d’avocat, LGDJ, 2017, n° 774, considérant qu’« il est conseillé d’insérer une clause de dessaisissement prévoyant, d’une part, les modalités de détermination de l’honoraire de diligence en cas de dessaisissement et, d’autre part, le versement d’un honoraire de résultat »).