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La détention au cœur des nouvelles mesures antiterroristes

Le gouvernement vient de présenter son nouveau plan d’action contre le terrorisme. Il confirme, pour l’exécutif, l’importance de la surveillance des détenus radicalisés.

par Gabriel Thierryle 16 juillet 2018

La détention préoccupe les spécialistes de l’antiterrorisme. Le nouveau plan d’action contre le terrorisme, fort de quarante mesures, dont trente-deux publiques, prévoit plusieurs actions pour muscler la surveillance de détenus radicalisés. « Nous devons nous préparer à faire face à un nouveau défi : celui des détenus terroristes et de la radicalisation en milieu carcéral », avertit Édouard Philippe, le premier ministre, dans les locaux de la direction générale de la sécurité intérieure, ce vendredi 13 juillet. Cette population inquiétante est estimée à 506 individus emprisonnés pour actes de terrorisme et 1 109 prisonniers de droit commun identifiés comme radicalisés.

Pour faire face à cette menace, le gouvernement vient de rassembler différentes mesures, pour certaines déjà annoncées, en un plan d’action qui suit la présentation du plan national de prévention de la radicalisation de février dernier. Ainsi, l’exécutif rappelle que le renseignement pénitentiaire va être structuré en service à compétence nationale d’ici la rentrée prochaine. Ce service, inauguré en avril 2017 dans son nouveau format, est « en constante progression et reconnu par ses pairs », mais « a atteint un palier dans son développement qui appelle des mesures nouvelles, notamment d’organisation », explique le gouvernement. L’exécutif annonce ainsi la création de 108 postes entre 2018 et 2020, dans le cadre de la loi de programmation, et la mise en place d’une filière professionnelle spécifique pour offrir aux agents « une carrière et une évolution statutaire adéquates ».

Dans un rapport sénatorial, présenté le 10 juillet dernier, la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens des services de l’État pour faire face à l’évolution de la menace terroriste après la chute de l’État islamique plaidait justement pour « accompagner la montée en puissance du bureau central du renseignement pénitentiaire en réalisant les investissements nécessaires ». « Il est regrettable que des techniques autorisées par la loi depuis juin 2016 ne soient pas encore utilisées », remarquait ainsi dans ce document la rapporteure Sylvie Goy-Chaven (Union centriste, Ain) à propos des techniques de sonorisation des cellules ou du recours à un IMSI-Catcher.

Le suivi des sortants de prison

La question des sortants de prison préoccupe aussi les pouvoirs publics. 450 détenus soupçonnés de s’être radicalisés en prison ou condamnés pour des actes de terrorisme devraient être libérés d’ici fin 2019. Ils vont être surveillés par une nouvelle cellule permanente, créée au sein de l’unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT), qui rassemblera des agents du renseignement pénitentiaire. « Un dispositif d’anticipation et de prise en compte par les services des sorties de ces individus est nécessaire à la prévention d’éventuelles actions à caractère terroriste », note le gouvernement.

La direction générale de la sécurité intérieure, consacrée cheffe de file en matière antiterroriste par l’exécutif, va également mettre en place une cellule de suivi des sortants de prison, destinée à informer les préfets. « Cette cellule centralisera l’information et pourra la diffuser aux services qui ont besoin d’en connaître », a précisé en marge de la conférence de presse Laurent Nuñez, le directeur de la DGSI. Des annonces diversement accueillies. « La surveillance ne règle pas le problème et ne répond pas aux causes de la radicalisation », explique à Dalloz actualité Juliette Pinsard, secrétaire nationale au syndicat de la magistrature. « Ce sont des mesures utiles, mais cela reste des ajustements cosmétiques », note de son côté Béatrice Brugère, secrétaire générale d’Unité Magistrats SNM-FO. « Regardez l’évasion de Rédoine Faïd : du renseignement pénitentiaire est remonté de tous les côtés à la Chancellerie mais il ne s’est rien passé », explique-t-elle à Dalloz actualité.

Une menace « jamais aussi élevée »

Pourtant, selon le rapport du Sénat, il y a urgence. « La menace djihadiste émanant du milieu carcéral n’a jamais été aussi élevée, souligne-t-il sombrement. Cette concentration de détenus particulièrement dangereux dans ces lieux clos est susceptible de renforcer certains réseaux islamistes, encourager la planification de projets terroristes, voire de passages à l’acte. » L’épais rapport de la commission d’enquête (292 pages) liste pas moins de quinze mesures pour améliorer la prise en charge pénitentiaire allant de l’évaluation des détenus radicalisés à la sélection des aumôniers.

En tout, la mission sénatoriale émet soixante-trois propositions relatives à l’organisation judiciaire, au renseignement ou à la prévention. Certaines d’entre elles ont visiblement déjà été entendues, comme son appel à renforcer l’implication des services de renseignement dans la préparation de la sortie de prison ou sa demande de renforcement de l’exécution des peines antiterroristes, forte de seulement deux magistrats aujourd’hui. Le gouvernement vient en effet d’annoncer la création d’un nouveau service, qui sera dirigé par un premier vice-président et composé de trois magistrats spécialisés, soit le double en termes d’effectifs.