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Dans cet arrêt de grande chambre, la Cour européenne des droits de l’homme conclut à la non-violation de la Convention à propos d’une détention préventive d’une durée supérieure au maximum légal prévu par le droit danois.
par Dorothée Goetzle 5 novembre 2018
En l’espèce, la requête était déposée par trois ressortissants danois qui s’étaient rendus, le 10 octobre 2009, à Copenhague pour assister à un match de football opposant les équipes du Danemark et de la Suède. La police danoise ayant été informée de la présence massive de hooligans, un vaste dispositif avait été mis en place afin de prévenir les affrontements. Ce dispositif n’avait toutefois pas réussit à empêcher la survenue d’incidents. En effet, les heurts avaient commencé dès l’après-midi dans le centre de Copenhague et avaient entraînés 138 arrestations, dont celles des requérants. Ces derniers furent retenus pendant plus de sept heures. In fine aucune infraction ne leur avait été imputée. Les intéressés engageaient alors une action en indemnisation devant les tribunaux danois. Ils considéraient, en effet, que la privation de liberté dont ils avaient fait l’objet était irrégulière au motif que cette détention préventive était supérieure au délai maximal de six heures prévu par la loi en matière de rétention destinée à écarter les risques d’atteinte à la sécurité et les risques de trouble à l’ordre public. Leur action en indemnisation fut rejetée par le tribunal de première instance. Aux yeux de cette juridiction, compte tenu du contexte, la police avait légitimement pu croire que les requérants étaient en train d’organiser une rixe entre hooligans. Les magistrats justifiaient le dépassement du délai légal maximal de détention préventive par les circonstances, notamment l’ampleur, la durée et la nature organisée des troubles. En outre, le tribunal relevait opportunément que si la loi disposait que la privation de liberté ne devait pas durer plus de six heures, il était toutefois préciser dans le texte que cette durée ne valait que « dans la mesure du possible ». Cette analyse était confirmée en appel par la cour régionale.
Devant la Cour européenne des droits de l’homme, les requérants soutenaient une nouvelle fois que la privation de liberté dont ils avaient fait l’objet était irrégulière car elle avait duré plus longtemps que le délai maximum prévu par le droit interne. En outre, ils considéraient que cette privation de liberté n’était pas justifiée au regard de l’article 5, § 1, b) et c) (droit à la liberté et à la sûreté) de la convention. À l’unisson avec les juridictions danoises, la Cour rejette leurs arguments et conclut à la non-violation du droit à la liberté et à la sûreté. Dans une motivation particulièrement intéressante, la Cour approuve les juges danois d’avoir, dans leur décision, réussit à ménager un juste équilibre entre le droit des requérants à la liberté et l’importance de prévenir le hooliganisme.
Ce n’est pas une surprise, pour parvenir à cette conclusion, la Cour opte, comme souvent, pour une appréciation in concreto de la stratégie appliquée par la police le jour des faits. Cette démarche pragmatique l’amène à constater que les privations de liberté n’étaient pas systématiques et étaient cantonnées aux seuls individus représentant un risque pour la sûreté publique. En outre, le recours à la détention préventive n’était opéré que si le dialogue était inefficace. Pragmatique, cet arrêt de grande chambre s’inspire largement des éléments de motivation dégagés par les juridictions danoises. En particulier, la Cour constate que selon toute probabilité, si les requérants n’avaient pas été privés de liberté, ils auraient participé à des actes de hooliganisme.
Si une telle motivation est en l’espèce convaincante c’est grâce aux précisions apportées par les autorités danoises, celles-ci ayant notamment indiqué de manière concrète et déterminée l’infraction dont il fallait éviter la commission, en précisant le lieu (place Amagertorv et jardins de Tivoli), le moment (l’après-midi du 10 oct. 2009) et les victimes potentielles. Ces informations sont en effet essentielles en ce qu’il s’agit d’éléments démontrant que les requérants auraient selon toute probabilité participé à des faits de hooliganisme si leur rétention ne les en avait pas empêchés. Cela explique d’ailleurs qu’ils ont été remis en liberté dès que le risque de rixes avait pu être écarté. La Cour en déduit que leur rétention n’a pas été plus longue que nécessaire. Dans une motivation alliant pragmatisme et souplesse, la Cour ajoute que des mesures moins radicales n’auraient pas suffi à empêcher la commission de l’infraction. L’ensemble de ces considérations explique que la Cour européenne des droits de l’homme vise l’article 5, § 1, c) de la Convention qui envisage le cas où « il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité d[’]empêcher [l’individu arrêté] de commettre une infraction ».
Au plan juridique, ce choix n’est pas sans susciter plusieurs réserves et va nettement plus loin que la jurisprudence déjà rendue en matière de hooliganisme. En effet, la Cour de Strasbourg a déjà eu l’occasion de déclarer irrecevable la requête d’une association de supporters du PSG dissoute en 2008 pour avoir, au cours des saisons 2006/2007 et 2007/2008, multiplié, à l’occasion des matchs du PSG, des actes de violence et d’incitation à la haine (CEDH 22 févr. 2011, Association nouvelle des Boulogne Boys c/ France, n° 6468/09, Dalloz actualité, 22 mars 2011, obs. J.-M. Pastor ; RSC 2013. 653, obs. J.-P. Marguénaud ).
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