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Article

Détention provisoire (mise en liberté) : non-respect du délai d’examen de la demande
Détention provisoire (mise en liberté) : non-respect du délai d’examen de la demande
Un afflux massif de demandes de mise en liberté, dont le dépôt est un droit pour toute personne placée en détention provisoire, ne constitue pas, pour le service de la justice, une circonstance insurmontable permettant de dépasser les délais fixés.
par Sofian Goudjille 18 novembre 2020

La loi du 10 juin 1983 portant abrogation ou révision de certaines dispositions de la loi n° 81-82 du 2 février 1981 et complétant certaines dispositions du code pénal et du code de procédure pénale a modifié, par une rédaction nouvelle de l’article 148-2 du code de procédure pénale, les règles applicables aux juridictions appelées à statuer sur une demande de mise en liberté faite dans les hypothèses visées par l’article 148-1. L’article 148-2 s’applique à « toute juridiction », donc aussi à la chambre de l’instruction. Cette exigence de respect des délais, exprimée clairement par le législateur et appliquée doctement par la jurisprudence, peut parfois trouver des difficultés à s’appliquer, notamment lorsque la chambre de l’instruction se doit de traiter un nombre relativement conséquent de demandes de mise en liberté.
C’est précisément ce dont il est question dans cet arrêt rendu par la chambre criminelle le 13 octobre 2020.
En l’espèce, un accusé, détenu en exécution d’un mandat de dépôt criminel du 11 octobre 2016 et d’un arrêt de mise en accusation du 21 octobre 2019, a saisi la chambre de l’instruction, le 30 janvier 2020, d’une demande de mise en liberté en application des dispositions des articles 148-1 et 148-2 du code de procédure pénale. Ainsi saisie, la chambre de l’instruction a, par un arrêt du 3 mars 2020, rejeté sa demande.
Il forme alors un pourvoi en cassation.
Il soutient, à l’appui de son pourvoi, que la chambre de l’instruction, appelée à connaître des demandes de mise en liberté formées par les accusés renvoyés devant la cour d’assises, doit se prononcer dans un délai de vingt jours, sauf à justifier de circonstances insurmontables, imprévisibles et extérieures au service public de la justice caractérisant un cas de force majeure. Il en déduit que la chambre de l’instruction, laquelle fut saisie de sa demande le 30 janvier 2020, aurait dû se prononcer avant le 19 février 2020. Or celle-ci a rejeté sa demande de mise en liberté, malgré l’expiration du délai de 20 jours, « en relevant que ce délai n’a pu être respecté en raison du dépôt massif de demandes de mise en liberté dans le cadre d’un mouvement de grève des avocats ». Selon lui, ceci ne constituait pas un événement imprévisible, insurmontable et extérieur au service public de la justice, de telle sorte que la chambre de l’instruction aurait violé les articles 148-1 et 148-2 du code de procédure pénale, ensemble l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Ainsi saisie, la chambre criminelle casse et annule l’arrêt rendu par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris.
Elle rappelle, sur le fondement des articles 148-1 et 148-2 du code de procédure pénale, qu’il résulte du second de ces textes que, lorsqu’une juridiction est appelée à statuer, en application du premier, sur une demande de mise en liberté, elle doit se prononcer à compter de la réception de celle-ci, dans le délai que fixe le deuxième alinéa dudit article 148-2, faute de quoi le demandeur est remis d’office en liberté, sauf si des circonstances imprévisibles et insurmontables, extérieures au service de la justice, mettent obstacle au jugement de l’affaire dans le délai prévu.
Or la chambre de l’instruction, pour rejeter la demande de mise en liberté, a justement retenu que le délai d’examen de la demande n’a pu être respecté en raison d’un cas de force majeure, lequel résidait dans « l’afflux soudain, dans des proportions importantes, de recours sur des demandes formées en première instance ou de saisines directes relevant du contentieux de la détention, accru par des demandes de mainlevée de contrôle judiciaire ». Selon la cour d’appel, le mouvement des avocats a bel et bien constitué une circonstance imprévisible et insurmontable, extérieure au service de la justice, constitutive du cas de force majeure permettant de passer outre le caractère impératif des délais fixés par l’article 148-2 du code de procédure pénale.
Ce faisant, la chambre de l’instruction a, selon la chambre criminelle, violé les articles 148-1 et 148-2 du code de procédure pénale, car « un afflux massif de demandes de mise en liberté, dont le dépôt est un droit pour toute personne placée en détention provisoire, ne constitue pas, pour le service de la justice, une circonstance insurmontable permettant de dépasser les délais fixés aux articles susvisés ».
Dans cet arrêt, la chambre criminelle vient rappeler la fermeté du principe contenu dans la lettre de l’article 148-2 du code de procédure pénale. Ce faisant, elle met en application toute une série de jurisprudences ancrée de longue date. Elle a déjà pu juger par le passé que la chambre de l’instruction, saisie dans l’un des cas visés par l’article 148-1 du code de procédure pénale, doit statuer dans les vingt jours de la réception de la demande, qui s’entend aussi bien de la réception par elle-même que par le greffe ou le procureur général (Crim. 25 oct. 1983, n° 83-93.720 P, D. 1984. 404, note Chambon).
Il s’agit d’un délai d’autant plus strict que la loi elle-même ne prévoit aucune prolongation possible (Crim. 28 févr. 1984, n° 84-90.018, Bull. crim. n° 78). Notamment le délai de vingt jours imparti à la chambre d’accusation n’est pas prolongé lorsque cette juridiction fait procéder, par expertise, à des vérifications concernant la demande dont elle est saisie (Crim. 28 févr. 1984, n° 84-90.018, préc.). Dans le même sens, les dispositions de l’article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale, relatives aux vérifications complémentaires, ne s’appliquent pas lorsque la chambre de l’instruction statue en application des articles 148-1 et 148-2 du même code (Crim. 8 juill. 2020, n° 20-82.472, Dalloz actualité, 17 sept. 2020, obs. M. Dominati ; D. 2020. 1463 ).
La chambre criminelle complète son propos en rappelant la conséquence que pourrait entraîner un dépassement de ce délai, à savoir la remise d’office en liberté de l’inculpé s’il n’est pas détenu pour autre cause, ce qu’elle a déjà pu dire auparavant (Crim. 22 nov. 1983, n° 83-93.820, Bull. crim. n° 309).
Malgré ce principe rigoureusement appliqué par la Cour de cassation, la chambre de l’instruction a pourtant tenté de justifier le dépassement de ce délai dans cette affaire par la survenance d’une circonstance imprévisible et insurmontable, extérieure au service de la justice, laquelle serait selon elle constitutive d’un cas de force majeure et résiderait dans un « afflux massif de demandes de mise en liberté ».
Dans son attendu de principe, la chambre criminelle valide l’existence d’une hypothétique circonstance imprévisible et insurmontable, extérieure au service de la justice, au titre d’exception justifiant le dépassement du délai de vingt jours prévu par l’article 148-2 du code de procédure pénale.
Elle casse cependant l’arrêt de la cour d’appel car, selon elle, un afflux massif de demandes de mise en liberté ne peut constituer une telle circonstance. Si elle ne se prononce pas sur le caractère imprévisible et extérieur au service de la justice d’un tel afflux, elle vient juger que ce dernier ne constitue pas, pour le service de la justice, une circonstance insurmontable permettant de dépasser les délais fixés aux articles susvisés.
Cette solution est en réalité fondée sur l’idée que le dépôt d’une demande de mise en liberté est un droit pour toute personne placée en détention provisoire. À y réfléchir, il ne pouvait en être autrement. On ne saurait justifier le dépassement de tels délais en excipant d’un manque de moyens pour traiter les demandes de personnes privées de liberté. Cette solution se justifie donc sur le plan des principes. Toutefois, elle ne saurait masquer les difficultés (réelles) rencontrées par l’institution judiciaire, laquelle ne semble pouvoir faire face, faute de moyens suffisants, à la survenance d’événement tel que la « grève du zèle » des avocats.
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