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Devant le CSM, un juge et ses tweets

Ce lundi, le CSM a rendu une décision remarquée à l’encontre d’un magistrat du siège très actif, et à tout le moins provocateur, sur les réseaux sociaux. L’occasion de revenir sur l’audience disciplinaire qui s’est tenue tout début janvier, et à laquelle nous avons assisté.

par Antoine Bloch, Journalistele 18 janvier 2023

Mercredi 4 janvier 2023, 9 heures, chambre commerciale de la Cour de cassation. Le conseil de discipline des magistrats du siège du CSM se penche sur le cas de Charles Prats. Ancien inspecteur des douanes, entré à l’ENM au début du siècle par le biais du « deuxième concours », il a par exemple été « placé » à Auxerre (Yonne), Bobigny (Seine-Saint-Denis), ou encore Créteil (Val-de-Marne). Désormais vice-président à Paris, chargé des fonctions de juge des libertés et de la détention (JLD), il s’est surtout fait connaître ces dernières années sur le terrain médiatique en raison d’une forme de croisade personnelle contre la « fraude sociale », croisade largement centrée sur celle qu’il attribue aux immigrés : un sujet brûlant sur lequel la méthodologie des extrapolations qui fondent ses analyses à l’emporte-pièce pose au demeurant question, mais ce n’est pas vraiment le sujet du jour.

Les premiers griefs pointés par l’acte de saisine portent sur un certain nombre d’insuffisances professionnelles. On lui reproche pêle-mêle des retards chroniques, un manque de préparation des dossiers, des décisions « intempestives », des motivations succinctes, ou encore un « comportement inadapté » en audience. Sur ce dernier point, celui d’un « mode d’expression familier et relâché », Prats répond que « je n’ai jamais eu un incident d’audience, mes audiences ne sont jamais parties en toupie avec des problèmes. J’ai peut-être une manière de faire un peu à l’ancienne, mais […] je n’aime pas beaucoup le comportement de certains collègues qui sont inutilement agressifs ». Sa défense sur les autres insuffisances repose en grande partie sur la demi-douzaine d’avocats qu’il a fait citer : « Il fallait bien faire une sélection », fanfaronne-t-il justement, « parce que je ne pouvais pas avoir tout le Barreau de Paris ».

Le premier d’entre eux, qui a surtout côtoyé le JLD comme délégué du bâtonnier, dit de lui qu’il est « un magistrat extrêmement soucieux du respect des principes, […] et surtout de l’exercice des droits de la défense ». Depuis désigné vice-bâtonnier, il souligne que « nous ne connaissons rien, à l’ordre, qui puisse le concerner, nous n’avons aucune plainte de qui que ce soit, ce qui n’est pas le cas pour d’autres magistrats ». Un deuxième avocat, qui a surtout plaidé devant lui en droit des étrangers, ajoute qu’il est « respectueux de la jurisprudence, même si celle-ci va l’amener à faire droit aux moyens de nullité ».

Sur ce point, il indique que Prats « ose s’opposer à la jurisprudence de la cour d’appel [de Paris], ce qui est tout de même remarquable », précisant au passage que, si la quasi-totalité de ses décisions en la matière ont fait l’objet d’une réformation en appel, une large majorité d’arrêts de la cour ont ensuite été cassés : « Avant, dès qu’un arrêt de cassation tombait, la cour d’appel s’y conformait dès le lendemain. Maintenant, ils vont résister des semaines, des mois, le temps que les procédures [des préfectures] s’adaptent ». Ce même argument est soulevé par Prats lui-même au sujet des hospitalisations sans consentement (HSC), et de leur conformité, non pas à la jurisprudence de la cour parisienne, mais à celle de la première chambre civile.

Même tonalité dans le troisième témoignage, portant justement sur les HSC, et au passage sur les...

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