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Devoir de mise en garde, clause pénale et disproportion du cautionnement

Dans un arrêt rendu le 11 décembre 2024, la chambre commerciale rappelle plusieurs constantes autour de l’octroi d’un prêt et de ses conséquences tant pour l’emprunteur que pour la caution garantissant l’opération.

Certaines décisions de la chambre commerciale de la Cour de cassation permettent de déployer toute une série de thématiques aussi plurielles que fondamentales pour la vie des affaires. Ainsi en est-il, bien souvent, des pourvois qui se nouent autour des conséquences d’un prêt dont l’emprunteur peine à rembourser les échéances. La présence d’un cautionnement suffit à y apporter un degré de complexité supplémentaire. L’arrêt rendu le 11 décembre 2024 par la chambre commerciale en est une très bonne illustration une nouvelle fois.

Les faits débutent autour de la conclusion le 28 mars 2017 de deux prêts entre un établissement bancaire et une société. Une clause pénale est insérée dans chacun des contrats concernant le montant des indemnités forfaitaires de recouvrement. L’opération est, en outre, garantie par le cautionnement solidaire d’une personne physique. Voici que la société débitrice est toutefois défaillante en cours d’exécution. La banque assigne, par conséquent, tant cette dernière que la caution solidaire en paiement. Le 29 juillet 2021, la société est placée en liquidation judiciaire.

Dans le procès l’opposant à son créancier, la société débitrice argue d’abord que l’établissement bancaire a manqué à son devoir de mise en garde, notamment en ne se renseignant pas sur la faisabilité du projet financé par les prêts ou sur le risque d’endettement consécutif à leur octroi. Elle obtient gain de cause sur ce point dans la mesure où les juges d’appel condamnent la banque à régler à sa débitrice une certaine somme pour manquement à son devoir de mise en garde. La clause pénale est, ensuite, réduite par la cour d’appel à 3 000 € pour le premier prêt et à 5 000 € s’agissant du second. Enfin, la caution avançait la disproportion de son engagement pour se dérober au paiement en raison d’une inadéquation de l’engagement avec ses revenus mensuels et son patrimoine immobilier déjà grevé de certains éléments de passif. Le cautionnement est jugé disproportionné, par les juges du fond, qui se sont appuyés sur les données de la fiche de renseignements signée par le garant. La banque, ainsi dépourvue de la quasi-totalité de ses recours en paiement, se pourvoit en cassation.

L’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation rendu le 11 décembre 2024 lui donnera raison à travers une quadruple cassation. Nous nous concentrerons, d’une part, sur le devoir de mise en garde mais également, d’autre part, sur la réduction de la clause pénale et sur la disproportion du cautionnement.

Le devoir de mise en garde n’inclut pas l’opportunité du projet ou sa faisabilité

La publication au Bulletin de la décision étudiée s’explique, en majeure partie, par la précision formulée en ces termes au sein de sa motivation : « l’obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l’égard d’un emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt ne porte que sur l’inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l’emprunteur et sur le risque de l’endettement qui résulte de son octroi et non sur l’opportunité ou les risques de l’opération financée » (pt n° 5, nous soulignons).

Cette limitation du champ du devoir de mise en garde mérite que l’on s’y attarde. La mise à l’écart de l’opportunité ou de la faisabilité du projet est heureuse car de tels éléments seraient beaucoup trop subjectifs pour pouvoir être intégrés à l’obligation du dispensateur de crédit. Ces critères, s’ils devaient être pris en compte, viendraient très certainement raviver inutilement la difficulté du croisement entre le devoir de mise en garde et le principe dit de non-ingérence, le banquier « ne devant pas s’immiscer dans les affaires de son client, il ne lui est normalement pas possible d’orienter les choix de ce dernier » (J. Lasserre Capdeville, M. Storck, M. Mignot, J.-P. Kovar et N. Éréséo, Droit bancaire, 4e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2024, p. 1022, n° 2077).

La cour d’appel avait considéré la « faisabilité...

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