Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Diffamation : liberté d’expression renforcée dans un contexte électoral

Méconnaît l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme la cour d’appel qui condamne pour diffamation l’auteur de propos qui n’ont pas dépassé les limites admissibles de la liberté d’expression d’un opposant politique, dans le contexte d’une campagne électorale marquée par une polémique concernant un projet de lotissement.

Le 24 février 2020, le journal télévisé de France 3 diffusait un reportage réalisé à l’occasion d’élections municipales, au cours duquel un membre de la liste d’opposition au maire, engagé dans une association dénommée « Non au PLU », suggérait que l’actuel adjoint au maire chargé de l’urbanisme avait encouragé le projet car il était propriétaire d’une partie des terrains visés. Le 2 juin suivant, l’auteur des propos était cité par l’adjoint à l’urbanisme de la commune, du chef de diffamation publique envers une personne chargée d’un mandat public, devant le tribunal correctionnel qui annulait cependant la citation pour violation de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Mais le 5 avril 2022, la cour d’appel de Lyon, refusant le bénéfice de la bonne foi au prévenu, le condamnait à 500 € d’amende pour le délit poursuivi (outre l’octroi d’un euro symbolique de réparation du dommage moral causé à la victime).

Dans son pourvoi, le prévenu invoquait une violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, revendiquant notamment le bénéfice d’une liberté d’expression « renforcée » dès lors qu’il s’agissait de dénoncer des agissements susceptibles de recevoir une qualification pénale (en l’occurrence une prise illégale d’intérêts), et que ses propos se fondaient sur des sources fiables et ne comprenaient aucune attaque personnelle.

La haute cour accueille favorablement cette branche du moyen et prononce la cassation sans renvoi de la décision d’appel. Rappelant, au visa de l’article 10 précité, que « la liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de ce texte », elle estime en l’espèce que « le propos [incriminé] n’a[vait] pas dépassé les limites admissibles de la liberté d’expression d’un opposant politique, dans le contexte d’une campagne électorale marquée par une polémique concernant ce projet de lotissement ».

Le rejet de l’excuse de bonne foi par les juges du fond

Devant les juges du fond, une fois l’exception de nullité de l’acte de poursuite écartée (on rappellera que selon l’article 53 de la loi sur la presse, la citation directe doit, à peine de nullité, articuler les faits – c’est-à-dire préciser les faits dénoncés –, les qualifier juridiquement et viser le texte de pénalité applicable ; sur ce formalisme propre au droit de la presse, v. Rép. pén., Presse [procédure], par P. Guerder, nos 502 s.), et en présence d’une infraction manifestement constituée (les propos incriminés, rendus publics par le reportage diffusé par France 3, étaient de nature à porter atteinte à l’honneur ou...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :