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La différenciation des CGV selon des catégories d’acheteurs est possible… à condition d’appliquer la bonne catégorie de CGV auxdits acheteurs

Si un fournisseur peut décider de différencier ses CGV selon les catégories d’acheteurs de produits ou de prestations de services, il ne peut décider d’appliquer à des acheteurs une catégorie de conditions ne correspondant pas à leur activité.

Le droit de la transparence tarifaire, mal aimé du fait de sa technicité et de son manque de cohérence, contraint largement la liberté de négociation des opérateurs économiques (M.-A. Frison-Roche et J.-C. Roda, Droit de la concurrence, Dalloz, coll. « Précis », 2022, nos 736 s.). En particulier, les fournisseurs, qui doivent obligatoirement transmettre leurs conditions générales de vente (CGV) aux acheteurs potentiels, retrouvent un peu de liberté en ayant la possibilité de proposer des conditions différenciées. Un arrêt du 28 septembre 2022, rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation, offre l’occasion d’interroger les limites de libre négociabilité des opérateurs, tout en illustrant la place fondamentale des catégories et de la qualification juridique dans le contentieux de la négociation commerciale.

Le contexte de l’affaire : la distribution des produits pharmaceutiques par des sociétés de regroupement à l’achat

Plusieurs pharmaciens indépendants avaient décidé de créer la société Pyxis Pharma. Cette dernière est une structure de regroupement à l’achat (SRA), dont la mission est de négocier, auprès des fournisseurs, les conditions d’achat de produits pour le compte de ses adhérents, ainsi que d’autres clients, et en particulier une centrale d’achat pharmaceutique (CAP). Dans le secteur de la distribution des produits pharmaceutiques, de telles structures sont fréquentes et même encadrés par la réglementation (Décr. n° 2009-741, 19 juin 2009). La SRA est plus simple à mettre en place qu’une CAP et, généralement, une SRA passe commande auprès des fournisseurs et laboratoires, à la demande des pharmaciens adhérents et les produits sont livrés et stockés auprès des centrales qui livrent ensuite les officines. La société Pyxis Pharma avait noué une relation commerciale avec la société Cooper, fournisseur de produits pharmaceutiques et de médicaments non remboursés, sur la base des CGV applicables aux officines.

Un litige éclata entre les parties, à propos de ces CGV : la société Cooper considérait que la société Pyxis Pharma, en sa qualité de SRA, n’y était pas éligible aux CGV applicables aux officines, dès lors qu’elle n’était pas une telle structure, mais qu’elle intervenait comme commissionnaire, ce qui était assimilable au modèle de distribution des grossistes répartiteurs. Depuis l’adoption de la Loi sur la Modernisation de l’Économie de 2008 (L. n° 2008-776 du 4 août 2008), et comme le prévoyait l’ancien article L. 441-6 du code de commerce (réécrit par l’ordonnance du 24 avr. 2019 et dont le cœur de la règle se trouve désormais à l’article L. 441-1), les fournisseurs définissent librement les différentes catégories d’acheteurs auxquelles sont applicables leurs CGV, à condition que les critères définissant ces catégories soient objectifs et que celles-ci ne créent pas de distorsions de concurrence (F. Buy, M. Lamoureux et J.-C. Roda, Droit de la distribution, 2e éd., LGDJ, 2019, n° 341). On rappelle que le texte dispose que « les conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d’acheteurs de produits ou de prestations de services », le fournisseur ayant l’obligation de fournir ces CGV a tout acheteur qui en fait la demande. Il doit par ailleurs pouvoir justifier un éventuel refus s’il estime que l’acheteur n’appartient pas à la bonne catégorie (Com. 29 mars 2017, n° 15-27.811, Dalloz actualité, 27 avr. 2017, obs. L. Dargent ; D. 2017. 757 ; ibid. 2018....

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