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Les difficultés d’application de l’autorité de la chose jugée au pénal

L’action civile en réparation des préjudices résultant d’un abus de confiance n’a pas le même objet que l’action tendant à obtenir, devant une juridiction civile, la restitution de la somme indûment conservée.

Il est aujourd’hui bien acquis qu’il ne suffit plus à une partie de se prévaloir d’un moyen nouveau pour que sa demande échappe au couperet de l’irrecevabilité découlant de l’autorité de la chose jugée. Mais, lorsqu’est en cause l’action civile, la mise en musique de ce principe ne donne pas toujours une mélodie harmonieuse, ce dont témoigne, une nouvelle fois, l’arrêt rendu le 6 mars 2025 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.

Un tribunal correctionnel ayant relaxé un individu des fins de la poursuite du chef d’abus de confiance et, en conséquence, débouté la partie civile de ses demandes en réparation de son préjudice financier, cette dernière a décidé de se tourner vers le juge civil afin qu’il condamne la personne qui avait été poursuivie à lui restituer une somme qu’elle estimait indûment conservée. La cour d’appel a cependant déclaré sa demande irrecevable : parce que l’action introduite tendait aux mêmes fins que sa constitution de partie civile devant le juge répressif, la juridiction a estimé que la demande en restitution se heurtait à l’autorité de la chose jugée dont était revêtu le jugement rendu par le tribunal correctionnel. La deuxième chambre civile n’a pas partagé cette manière de voir les choses puisqu’elle a jugé que « l’action civile en réparation des préjudices résultant d’un abus de confiance n’avait pas le même objet que la seconde action tendant à obtenir, devant une juridiction civile, la restitution d’une somme indûment conservée ».

I. Cet arrêt paraît simplement réaffirmer une solution des plus orthodoxes ; si on admet que l’action civile exercée devant le juge répressif tendait effectivement à l’indemnisation d’un préjudice distinct de celui résultant de l’inexécution du contrat, le jugement rendu par le tribunal correctionnel, bien que revêtu de l’autorité de la chose jugée, ne pouvait conduire à déclarer irrecevable la demande en restitution des sommes indûment conservées. Car l’autorité de la chose jugée attachée à une décision ne fait pas obstacle à l’introduction d’une demande dont l’objet diffère de celle sur laquelle il a précédemment été statué (C. civ., art. 1355) ; à cet égard, il est acquis que le jugement statuant sur une demande tendant à l’indemnisation d’un dommage ne fait pas obstacle à la recevabilité d’une nouvelle demande ayant pour objet la réparation d’un autre dommage, même s’il découle des mêmes faits (Civ. 2e, 19 mai 2022, n° 20-23.529 P, Dalloz actualité, 10 juin 2022, obs. N. Hoffschir ; Soc. 17 nov. 2015, n° 14-17.751, inédit ; Civ. 2e, 22 mars 2012, n° 10-25.184, inédit ; Civ. 3e, 16 sept. 2009, n° 08-10.487 P, AJDI 2009. 812 , obs. F. de La Vaissière ).

Pour admettre cette solution, il faut cependant supposer que l’article 2 du code de procédure pénale, qui prévoit que « l’action civile en...

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