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La dignité des conditions de détention dans un contexte de grève du personnel pénitentiaire

La Cour européenne des droits de l’homme s’est imposée comme précurseur d’une évolution certaine en matière de respect des droits et libertés des personnes détenues. Les juges européens confirment, par l’arrêt commenté, le mouvement de défense des droits dans un contexte de grève du personnel pénitentiaire.

Par l’arrêt commenté, la Cour européenne s’est spécifiquement intéressée au centre pénitentiaire d’Alençon-Condé-sur-Sarthe, lequel accueille des personnes détenues condamnées à de longues peines et applique un régime de sécurité renforcée. À l’origine de la présente affaire se trouve l’agression de deux agents pénitentiaires, laquelle a débouché sur l’organisation d’un mouvement social à l’initiative de plusieurs membres du personnel. Les conditions de détention au cours de ce mouvement sont au cœur de l’analyse des juges européens et notamment en considération des articles 3, 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme.

La dégradation temporaire des conditions de détention au visa des articles 3 et 8 de la Convention

Alors que les juges internes avaient écarté l’existence de traitements inhumains ou dégradants et d’une atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale protégée par l’article 8 en se fondant sur les diligences accomplies par les autorités compétentes pour remédier à cette situation, la Cour européenne a refusé de prendre en considération ces éléments. Le caractère indigne des conditions de détention subies temporairement a été reconnu au regard de l’effet cumulatif des restrictions subies.

Le caractère inopérant des considérations de sécurité et de maintien de l’ordre au sein de l’établissement

Les requérants alléguaient d’un confinement en cellule durant une vingtaine de jours sans accès satisfaisant à de la nourriture, en qualité et en quantité, aux cantines (achats personnels) et aux soins. Ils relataient par ailleurs la réalisation de fouilles violentes et humiliantes durant la période de blocage et faisaient état de la privation de contact avec l’extérieur, qu’il s’agisse des familles ou des avocats. Le gouvernement a reconnu le confinement en cellule, la réduction des effectifs ayant temporairement nécessité une interruption des promenades et activités. Il est également établi que ce manque de personnel a justifié une cessation des parloirs et de l’organisation de l’accès au téléphone. Néanmoins, les courriers à destination des avocats et provenant de ces défenseurs ont été distribués. Si la cantine n’a pu faire l’objet d’une distribution, il est soutenu que des repas ont été distribués aux détenus. En ce qui concerne l’accès au personnel médical, le gouvernement précise qu’aucune demande de rencontre n’a été formulée par les personnes incarcérées.

Il est intéressant de constater que les juges européens ont opéré une vérification, dans les rapports des autorités de contrôle, quant aux conditions habituelles de détention relevées au sein du centre pénitentiaire d’Alençon-Condé-sur-Sarthe. Ainsi, il résulte du rapport du 7 avril 2017 du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants que cet établissement présente de très bonnes conditions matérielles de détention. La dégradation de celles-ci a été rattachée, par les juges internes, à une situation présentant un caractère imprévisible et subi par les autorités compétentes, à savoir une grève du personnel en réponse à une agression au couteau par une personne détenue. Ainsi, les juges européens ont eu à statuer sur une dégradation temporaire des conditions de détention des requérants dans un établissement ne présentant pas, en temps normal, de problématiques particulières à cet égard.

Tout en reconnaissant que de fortes contraintes d’ordre et de sécurité ont pesé sur les autorités pénitentiaires dans les circonstances de l’espèce, la Cour européenne des droits de l’homme affirme cependant que l’appréciation du caractère indigne des conditions de détention ne saurait reposer sur la prise en compte des justifications apportées au nom des considérations de sécurité et de maintien de l’ordre au sein de l’établissement. Aussi, malgré la brièveté en termes de durée du mouvement social et des diligences effectuées par les autorités afin de rétablir la situation, l’effet cumulé du confinement, du défaut d’accès à la cour de promenade ou à l’air et à la lumière naturels et de la privation de contacts avec le monde extérieur, a exposé les requérants à des conditions de détention ne satisfaisant pas leurs besoins élémentaires, dans une mesure telle qu’elles doivent être regardées comme indignes en ce qu’elles ont nécessairement engendré chez les requérants une détresse d’une intensité qui a excédé le niveau inévitable de souffrance inhérent à la privation de liberté.

La Cour européenne refuse ainsi de prendre en compte la situation d’espèce s’analysant comme exceptionnelle en considération des conditions de détention habituelles dans cet établissement. Elle témoigne, par ce...

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