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Discrimination : le droit à la preuve encadré par le RGPD

Si la communication par l’employeur, ordonnée par le juge prud’homal, de documents contenant des données personnelles, tels que les historiques de carrière et les bulletins de paie de salariés nommément désignés, constitue un traitement de données à caractère personnel licite au regard du règlement général sur la protection des données (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 (RGPD), il appartient au juge de veiller au respect du principe de minimisation des données à caractère personnel et les parties sont tenues de ne les utiliser qu’aux seules fins de l’action en discrimination.

Le 3 octobre 2024, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation est venue préciser les contours de l’utilisation des données à caractère personnel dans le cadre d’une action pour discrimination syndicale, en posant des garde-fous contre les abus de production de preuves contenant des données sensibles.

En matière de discrimination, l’article L. 1134-1 du code du travail instaure un régime de preuve aménagé. Le salarié doit tout d’abord présenter des éléments de faits laissant supposer l’existence d’une discrimination. Il appartient alors à l’employeur de démontrer que la différence de traitement est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute forme de discrimination.

Depuis un arrêt du 12 juin 2013, la Cour de cassation conforte ce principe en reconnaissant le droit du salarié à obtenir des informations détenues par l’employeur qui pourraient appuyer sa demande. Cette possibilité accordée au salarié présente un intérêt dans la mesure où les données permettant d’établir une comparaison – tels que les salaires ou les promotions accordées à d’autres salariés – sont généralement en la possession de l’employeur (Soc. 12 juin 2013, n° 11-14.458, Dalloz actualité, 1er juill. 2013, obs. M. Peyronnet ; D. 2013. 1555 ).

En l’espèce, un salarié, engagé par la Caisse fédérale de Crédit mutuel et titulaire de mandats de représentation du personnel, a saisi la juridiction prud’homale aux fins de constater des faits de discrimination syndicale et d’obtenir un rappel de salaire et des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’il alléguait.

Au soutien de ses demandes et sur le fondement de l’exercice de son droit à la preuve, il formulait une demande avant dire droit de communication de documents de carrière et de bulletins de paie concernant neuf de ses collègues de travail, nommément désignés. Le conseil de prud’hommes ayant fait droit à cette demande, l’employeur formait un appel-nullité devant la cour d’appel. Cette dernière confirme le jugement déféré, l’employeur forme alors un pourvoi en cassation.

Après avoir sollicité l’avis de la chambre sociale sur l’office du juge en matière de divulgation de données personnelles dans le cadre d’une action en discrimination syndicale (Soc., avis., 24 avr. 2024, n° 21-20.979 FS-D), la deuxième chambre civile va se prononcer sur la question de la conciliation entre le droit du salarié à la preuve en matière de discrimination syndicale et le respect du droit à la protection des données personnelles des autres salariés.

Une nécessaire conciliation entre le droit à la preuve et la protection des données personnelles

À la lumière de l’avis rendu par la chambre sociale, et dans la continuité de précédents arrêts rendus par cette même chambre sur la faculté pour le juge du fond, comme des référés, d’accéder à la demande du salarié visant la communication de documents...

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