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Discrimination syndicale : l’étendue de la compétence du juge judiciaire en cas d’autorisation administrative de licenciement

Dans le cas où l’employeur sollicite l’autorisation de licencier le salarié, il appartient à l’administration de vérifier si la mesure de licenciement envisagée n’est pas en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l’intéressé. Par conséquent, l’autorisation administrative de licenciement établit que le licenciement n’a eu ni pour objet ni pour effet de faire échec au mandat représentatif.

Il en résulte que le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l’état d’une autorisation administrative de licenciement devenue définitive, annuler le licenciement pour motif économique du salarié sur le fondement d’une discrimination syndicale subie par ce dernier. 

par Sonia Norval-Grivet, Magistratele 29 janvier 2024

Le champ de compétence de l’administration du travail, à qui revient notamment, depuis l’unification réalisée par la loi du 28 octobre 1982, la décision d’autoriser ou non, au terme d’une enquête contradictoire, le licenciement des salariés protégés, délimite la ligne de partage de compétences entre les juridictions administratives et judiciaires.

Un bloc de compétence administrative élargi

En la matière, l’administration du travail examine, notamment, la régularité de la procédure interne mise en œuvre par l’employeur, et en cas de licenciement pour motif économique, la cause économique du licenciement (C. trav., art. L. 1233-3), appréciée à la date de sa décision (CE 19 févr. 1997, n° 156996), l’effort de reclassement de l’employeur (art. L. 1233-4, al. 1er), ou encore, en cas de licenciement disciplinaire, l’existence d’une faute d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement (CE 5 mai 1976, Safer d’Auvergne, nos 98647 et 98820, Lebon ).

Ce bloc de compétence administrative exclut, fort logiquement, toute compétence judiciaire dans chacun des domaines dans lesquels l’administration a exercé son contrôle. Ainsi, lorsqu’une autorisation administrative de licenciement a été accordée à l’employeur, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement (Soc. 21 sept. 1993, n° 90-46.083 P, RJS 11/1993, n° 1120 ; 13 juill. 2004, n° 02-43.538 P, RJS 10/2004, n° 1064), ni le respect par l’employeur de son obligation de reclassement (Soc. 22 janv. 2014, n° 12-22.546 P, Dalloz actualité, 17 avr. 2014, obs. B. Ines ; D. 2014. 2374, obs. P. Lokiec et J. Porta ; 20 sept. 2023, n° 22-13.500 P, RJS 12/2023, n° 655).

Un bloc de compétence administrative toutefois strictement délimité

Bien qu’elle soit large, la compétence administrative n’en demeure pas moins strictement délimitée par le périmètre légal du contrôle effectué par l’administration : en dehors de ce périmètre, le juge judiciaire reste compétent pour apprécier les fautes commises par l’employeur pendant la période antérieure au licenciement (Soc. 10 févr. 1999, n° 95-43.561 P, D. 2000. 380 , obs. B. Lardy-Pélissier ), et, le contrôle de l’administration ne portant pas sur la validité des précédentes sanctions disciplinaires invoquées par l’employeur, l’autorisation administrative ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir le caractère systématique ou injustifié de ces sanctions devant le juge judiciaire, au titre d’éléments permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral (Soc. 1er juin 2023, n° 21-19.649 B, Dalloz actualité, 13 juill. 2023, obs. J. Cortot ; RJS 8-9/2023, n° 461).

La juridiction judiciaire peut également rechercher, en cas de licenciement pour inaptitude, la cause de cette inaptitude (CE 20 nov. 2013, n° 340591, Dalloz actualité, 4 déc. 2013, obs. B. Ines  ; Lebon ; AJDA 2013. 2344 ; D. 2014. 2374, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2014. 24, obs. C. Radé ; ibid. 25, concl. G. Dumortier ; ibid. 129, étude J. Mouly ; Soc. 27 nov. 2013, n° 12-20.301 P, Dalloz actualité, 21 déc. 2013, obs. B. Ines ; AJDA 2014. 1014 ; D. 2013. 2857 ; ibid. 2014. 2374, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2014. 24, obs. C. Radé ; ibid. 29, rapp. N. Sabotier ; ibid. 129, étude J. Mouly ), et se prononcer sur la demande du salarié en réparation des préjudices que lui aurait causés une faute de l’employeur à l’origine de la cessation...

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