Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Dispositif des conclusions d’appel : la fin justifie les moyens

Il résulte de la combinaison des articles 908 et 954 du code de procédure civile que la caducité de la déclaration d’appel est encourue lorsque l’appelant n’a pas fait figurer ses prétentions dans le dispositif de ses conclusions dans le délai de trois mois de la remise de ses écritures.

À modifier les règles du jeu en cours de partie, il est à craindre que les parties et leurs avocats n’aient plus envie de jouer. La question de procédure posée à la Cour de cassation comme la solution du reste apparaissaient pourtant simples. Sur appel d’un jugement du conseil de prud’hommes, une chambre sociale de la cour d’appel de Paris relève la caducité de la déclaration d’appel faute pour l’appelant d’avoir récapitulé ses prétentions sous forme de dispositif. Le pourvoi du salarié reprochait à la cour d’avoir énoncé, pour retenir la caducité, que le respect de la diligence impartie par l’article 908 du code de procédure civile est nécessairement apprécié en considération de l’article 954 de ce code et que la méconnaissance de ce dernier texte ne pouvait conduire au prononcé d’une caducité. À question intéressante, réponse embarrassante ! La deuxième chambre civile apporte la solution suivante qui, pour être appréhendée, mérite d’être rappelée exhaustivement : « 4. En application de l’article 908 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour conclure.
5. Les conclusions d’appelant exigées par cet article 908 sont toutes celles remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ce texte, qui déterminent l’objet du litige porté devant la cour d’appel.
6. L’étendue des prétentions dont est saisie la cour d’appel étant déterminée dans les conditions fixées par l’article 954 du même code, dans sa rédaction alors applicable, le respect de la diligence impartie par l’article 908 s’apprécie nécessairement en considération des prescriptions de cet article 954.
7. Selon cet article 954, pris en son alinéa 2, les prétentions des parties sont récapitulées sous forme de dispositif, la cour d’appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif. Il résulte de ce texte, dénué d’ambiguïté, que le dispositif des conclusions de l’appelant remises dans le délai de l’article 908, doit comporter, en vue de l’infirmation ou de l’annulation du jugement frappé d’appel, des prétentions sur le litige, sans lesquelles la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement frappé d’appel. Cette règle poursuit un but légitime, tenant au respect des droits de la défense et à la bonne administration de la justice.
8. Il résulte de la combinaison de ces règles que, dans le cas où l’appelant n’a pas pris, dans le délai de l’article 908, de conclusions comportant, en leur dispositif, de telles prétentions, la caducité de la déclaration d’appel est encourue.
9. Cette sanction, qui permet d’éviter de mener à son terme un appel irrémédiablement dénué de toute portée pour son auteur, poursuit un but légitime de célérité de la procédure et de bonne administration de la justice.
10. Par ailleurs, cette règle ne résulte pas de l’interprétation nouvelle faite par la Cour de cassation dans un arrêt du 17 septembre 2020 (Civ. 2e, 17 sept. 2020, n° 18-23.626, D. 2020. 2046 , note M. Barba ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero ; ibid. 1353, obs. A. Leborgne ; AJ fam. 2020. 536, obs. V. Avena-Robardet ; D. avocats 2020. 448 et les obs. ; Rev. prat. rec. 2020. 15, chron. I. Faivre, Anne-Isabelle Gregori, Rudy Laher et A. Provansal ; RTD civ. 2021. 479, obs. N. Cayrol ), imposant que l’appelant demande dans le dispositif de ses conclusions, l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ou l’annulation du jugement. Il en résulte que cette règle n’entre pas dans le champ du différé d’application que cet arrêt a retenu en vue de respecter le droit à un procès équitable.
11. L’arrêt constate que les conclusions d’appelant, prises dans le délai prévu à l’article 908, comportaient un dispositif se bornant à demander de confirmer pour partie le jugement et pour le surplus, de faire droit à l’ensemble des demandes, de condamner la société à lui verser une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens et d’ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
12. En l’état de ces constatations, dont il résultait que le dispositif des conclusions de l’appelante, qui procédait par renvoi, ne comportait pas de prétentions déterminant l’objet du litige, c’est à bon droit, sans faire preuve d’un formalisme excessif, que la cour d’appel a prononcé la caducité de la déclaration d’appel.
13. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé ».

Les pieds sur terre, commençons par dégager les évidences

La portée de cet arrêt doit être remise dans un contexte, particulier, qui ne ressort ni de cette décision ni du moyen soutenu mais du seul arrêt de la cour d’appel de Paris. Déjà et contrairement aux apparences, il ne s’agissait pas d’un arrêt rendu sur déféré, après que le conseiller de la mise en état a statué, comme on pourrait le penser. C’est la cour d’appel qui, au fond, décida de soulever le moyen de caducité. Le pouvait-elle ? Si l’on se réfère à l’article 914 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, oui car une fin de phrase perdue à l’article 914 du code de procédure civile qui fixe les pouvoirs du conseiller de la mise en état précise que « Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d’appel peut, d’office, relever la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel ou la caducité de celui-ci ». Sauf qu’il n’aura pas échappé au lecteur attentif que l’appel avait été formé avant l’entrée en vigueur dudit décret, lecteur qui n’ignore toutefois pas que la Cour de cassation avait déjà consacré une possibilité pour les cours, sans référence donc à l’ordre public et avant 2017, de relever la caducité de la déclaration d’appel ou l’irrecevabilité des conclusions si les parties et le conseiller de la mise en état ne s’en étaient précédemment emparés. Mais que l’on se trouve avant ou après le 1er septembre 2017, l’article 954 précise depuis le 1er janvier 2011 que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Or, le dispositif des conclusions de l’appelant, s’il sollicitait la confirmation du jugement en ce que le grief d’insuffisance professionnelle et le licenciement sans cause réelle et sérieuse n’étaient pas établis, mentionnait ensuite et seulement : « faire droit à l’ensemble des demandes ». Face à un tel dispositif, une sanction ne faisait pas de doute tant les cours d’appels, et les différentes chambres de la Cour de cassation dès l’entrée en vigueur des décrets Magendie, ont rappelé cette exigence qui avait valeur d’évidence (Civ. 1re, 24 oct. 2012, n° 11-22.358 ; Civ. 3e, 2 juill. 2014, n° 13-13.738, D. 2014. 1505 ; Procédures, oct. 2014, obs. H. Croze ; Com. 22 sept. 2015, n° 14-15.588). Mais ce qui étonnera, c’est la nature de cette sanction !

Haute cour, haute voltige

En effet, en pareil cas, la sanction n’est pas la caducité de la déclaration d’appel mais la confirmation du jugement. S’il n’était pas expressément demandé la réformation du jugement (et on sait ce que la deuxième chambre civile en pense pour les actes d’appel postérieurs au 17 septembre 2020 – infra), l’absence de prétentions au dispositif des dernières écritures (outre une demande au titre de l’art. 700 et des dépens) devait conduire la cour, qui n’était donc saisie de rien d’autre, à confirmer le jugement, pas à prononcer une caducité. La définition juridique de la caducité est la sanction de l’absence d’accomplissement d’un acte de procédure dans un délai imparti, comme l’illustrent d’ailleurs parfaitement les articles 902, 905-1, 905-2, 908 ou même 1037-1. Or, en l’espèce, la cour d’appel avait observé que les conclusions – qui contenaient tout de même des prétentions sans déterminer véritablement l’objet du litige – avaient bien été notifiées dans le délai de trois mois imposé à l’appelant pour conclure ce qui laissait augurer, pour avoir dégagé une caducité là où il n’y en avait pas, une censure de l’arrêt par la deuxième chambre civile. Car lorsque les cours confondent les sanctions, la Cour de cassation ne se prive pas de le dire. Elle le fit, on le sait, à l’égard des cours d’appel qui, saisies d’un appel « total », confirmaient à tort le jugement dès lors que la déclaration d’appel ne mentionnait pas les chefs de jugement critiqués pour, évoquant, dégager, par trois fois déjà, la sanction idoine : la cour n’a ni à confirmer ni à infirmer, elle doit dire qu’elle n’est pas saisie puisque c’est l’acte d’appel qui fonde l’effet dévolutif (Civ. 2e, 30 janv. 2020, n° 18-22.528, Dalloz actualité, 17 févr. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2020. 288 ; ibid. 576, obs. N. Fricero ; ibid. 1065, chron. N. Touati, C. Bohnert, S. Lemoine, E. de Leiris et N. Palle ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero ; D. avocats 2020. 252, étude M. Bencimon ; RTD civ. 2020. 448, obs. P. Théry ; ibid. 458, obs. N. Cayrol ; Procédures, n° 4, avr. 2020, obs. H. Croze ; 2 juill. 2020, n° 19-16.954, Dalloz actualité, 18 sept. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2021. 543, obs. N. Fricero ; 25 mars 2021, n° 20-12.037, Dalloz actualité, 26 avr. 2021, obs. R. Laffly ; Rev. prat. rec. 2021. 6, chron. O. Cousin, A.-I. Gregori, E. Jullien, F. Kieffer, A. Provansal et C. Simon ). Le demandeur au pourvoi pouvait donc, sereinement, attendre la solution de la Cour de cassation.

Acrobatie procédurale

Abondant dans le sens de la cour d’appel, la Cour de cassation commence par rappeler que les conclusions attendues sont toutes celles remises au greffe, notifiées dans les délais prévus par l’article 908 et qui déterminent l’objet du litige. C’est la rédaction même d’un article 910-1, issu du décret du 6 mai 2017… qui n’était donc pas applicable. Mais il est exact là aussi que la Cour de cassation avait déjà dégagé cette solution en y ajoutant (ce qui n’est plus vrai depuis) les conclusions qui soulèvent un incident de nature à mettre fin à l’instance (Cass., avis, 21 janv. 2013, n° 12-00.016, BICC 1er janv. 2013, p. 8, rapp. De Leiris et obs. Lathoud ; RTD civ. 2015. 199, obs. N. Cayrol ; JCP 2013. 135, obs. Gerbay). Soit. Plus contestable ensuite, elle ajoute, selon une formule déjà utilisée mais dans un arrêt inédit pour tirer la même sanction de caducité en raison de l’absence cette fois d’une demande de réformation au dispositif (Civ. 2e, 31 janv. 2019, n° 18-10.983, inédit) que « L’étendue des prétentions dont est saisie la cour d’appel étant déterminée dans les conditions fixées par l’article 954 du même code, dans sa rédaction alors applicable, le respect de la diligence impartie par l’article 908 s’apprécie nécessairement en considération des prescriptions de cet article 954 » (6). Nécessairement, l’adverbe en devient suspect. L’article 908 ne s’apprécie en effet qu’à l’aune de la temporalité (le délai de forclusion de trois mois pour remettre ses conclusions au greffe) sans référence au contenu des écritures qui est tout l’objet d’un article 954 qui ne s’intéresse pas aux délais pour conclure et ressort, de surcroît, des pouvoirs de la cour statuant au fond. Le propos n’est évidemment pas de contester l’idée d’une sanction ; personne ne songera, en l’état de la procédure d’appel actuelle et des textes, à contester qu’une sanction puisse être prise face à des conclusions remises dans le délai mais qui seraient d’évidence défaillantes (aucun moyen, aucune prétention, aucun dispositif…), ce qui est terriblement gênant, c’est cette sanction, celle de la caducité. L’arrêt ne précise-t-il pas d’ailleurs que « le dispositif des conclusions de l’appelant remises dans le délai de l’article 908, doit comporter, en vue de l’infirmation ou de l’annulation du jugement frappé d’appel, des prétentions sur le litige, sans lesquelles la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement frappé d’appel » (7). La cour doit donc confirmer le jugement, pas dire que la déclaration est caduque ! Pourtant, la Haute cour poursuit, par un artifice juridique, en indiquant qu’il « résulte de la combinaison de ces règles que, dans le cas où l’appelant n’a pas pris, dans le délai de l’article 908, de conclusions comportant, en leur dispositif, de telles prétentions, la caducité de la déclaration d’appel est encourue » (8). Or, procéduralement, c’est faux. L’article 954 ne vise aucune sanction de caducité tandis que l’article 908 ne mentionne que le délai de remise et alors même, on l’a vu, que la caducité, en procédure civile d’appel, ne s’intéresse pas à la « qualité » des écritures. Il appartenait à la cour d’appel de Paris, comme le font d’ailleurs toutes les cours d’appel en pareille hypothèse et comme l’a déjà rappelé la Cour de cassation, de confirmer le jugement au regard d’un dispositif qui opérait par renvoi sans la moindre précision de prétention. La deuxième chambre civile sait très bien tout cela, mais fait comme si.

Contorsionnisme juridique

La raison profonde vient ensuite : « Cette sanction, qui permet d’éviter de mener à son terme un appel irrémédiablement dénué de toute portée pour son auteur, poursuit un but légitime de célérité de la procédure et de bonne administration de la justice » (9). Au cas présent pourtant, le procès était bien allé à son terme puisque la cour d’appel statuait, non pas sur déféré mais au fond tandis que la Cour de cassation, pas une seule fois, ne vise le conseiller de la mise en état ou l’article 914 du code de procédure civile qui liste ses compétences. Alors de deux choses l’une, soit la deuxième chambre civile a entendu juger que la cour, au fond, pouvait retenir la caducité au côté de la confirmation en cas d’omission au dispositif des conclusions des parties (c’est très discutable juridiquement, on l’a vu, mais cela ne change finalement pas grand-chose au résultat), soit il faut comprendre un message subliminal, que l’on voudrait ne pas comprendre. En consacrant la sanction de caducité au regard de conclusions éminemment défaillantes, la Cour de cassation entendrait en réalité donner la possibilité aux conseillers de la mise en état de statuer sur cette problématique. Mais alors pourquoi ne pas le dire, précisément, en usant de la motivation enrichie ? En offrant aux conseillers de la mise en état la possibilité de constater une caducité qui est, effectivement, de leur compétence, la deuxième chambre civile entendrait in fine court-circuiter la cour d’appel et accélérer le prononcé de la sanction. Pour cela, elle n’avait d’autre choix que de lier, artificiellement, la caducité prévue à l’article 908 à un article 954 qui n’entend les prétentions et le dispositif des conclusions que du côté de la cour d’appel.

Afin que les choses, osons le mot, soient claires, la Cour de cassation finit par rappeler que cette règle ne résulte pas de l’interprétation nouvelle faite par la Cour de cassation dans un arrêt du 17 septembre 2020 (Civ. 2e, 17 sept. 2020, n° 18-23.626, Procédures nov. 2020. Comm. 190, R. Laffly), imposant que l’appelant demande, dans le dispositif de ses conclusions, l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ou l’annulation du jugement, sans possibilité de différé d’application comme elle l’avait expressément précisé le 17 septembre 2020 (10). Il n’y aura pas de cession de rattrapage, et aucun différé d’application au 9 septembre 2021, comme il y en a eu un au 17 septembre 2020, ainsi que l’a encore rappelé, avec force et par deux fois, la Haute cour qui n’hésita pas à convoquer l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme au secours de l’appelant puis de l’intimé qui forme appel incident sans solliciter de demande de réformation dès les premières écritures (Civ. 2e, 20 mai 2021, n° 19-22.316 et 20-13.210, D. 2021. 1217 , note M. Barba ; AJ fam. 2021. 317, édito. V. Avena-Robardet ; ibid. 381, édito. V. Avena-Robardet ; Procédures. 2021. Comm. 186, R. Laffly ; 1er juill. 2020, n° 20-10.694, D. 2021. 1337 ; AJ fam. 2021. 505, obs. J. Casey ; Procédures août-sept. 2021. Comm. 216, R. Laffly). A première vue, l’écart d’une modulation des effets temporels de cette jurisprudence, dont l’usage se fait en haut lieu avec parcimonie, peut s’expliquer. Car si l’arrêt du 17 septembre 2020 avait pu surprendre plus d’un juriste averti en assimilant la réformation ou l’annulation à une prétention au fond qui devait figurer donc au dispositif des premières conclusions, chacun sait, depuis 2011 donc, que le simple oubli d’une prétention au dispositif ne permet pas à la cour de statuer sur celle-ci. À première vue seulement. Parce que si l’intention de la deuxième chambre civile était de contourner ses propres arrêts des 17 septembre 2020, 20 mai 2021 et 1er juillet 2021 qui apparaissaient comme un puissant frein aux décisions de certaines cours frondeuses faisant rétroagir la sanction aux appels antérieurs au 17 septembre 2020 (au premier rang desquelles les conseillers de la mise en état des chambres sociales de la cour de Paris qui retiennent une caducité dès lors que l’appelant n’a pas sollicité de réformation ou d’annulation au dispositif de ses premières écritures), le procédé serait éminemment contestable. En l’état, si une partie précise ses prétentions au dispositif mais omet d’y faire figurer la réformation ou l’annulation, qui est donc une prétention au fond, la cour ne peut que confirmer le jugement si l’appel est postérieur au 17 septembre 2020, mais si aucune précision de prétention ne figure au dispositif, c’est la caducité qui est encourue, prononcée par la cour voire le conseiller de la mise en état, quelle que soit la date de l’appel. Et peut-être aussi la confirmation par la cour… On a connu arrêts plus inspirés.

Où s’arrêtera la prise de pouvoir du conseiller de la mise en état ?

Si c’était une volonté politique plus que juridique, et un gage donné à certains, le risque à venir est bien réel. Car au-delà même de textes qui ne prévoient pas une telle compétence, l’empiètement sur le pouvoir de la cour apparaît dangereux. Où placer en effet le degré de défaillance du dispositif des conclusions au regard de l’effet dévolutif de l’appel ? Lorsque n’apparaîtra, uniquement comme en l’espèce, ni demande de réformation ni indication des prétentions ? Ou bien le conseiller devient-il le juge de la qualité des écritures ? Quid d’une demande de réformation mais avec une indication de demandes globales et non détaillées ? Ou d’une demande omise voire mentionnée par la suite alors que ce pouvoir ne ressort, dans aucun texte, de ceux dévolus au conseiller de la mise en état ainsi que l’explicitait la circulaire du Ministère de la justice du 4 août 2017 de présentation des dispositions du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile : « À l’instar du contentieux lié à la prohibition des prétentions nouvelles en appel, le contentieux à la concentration des prétentions relèvera de la seule cour d’appel et non du conseiller de la mise en état. Il sera relevé à cet égard que l’article 914, qui a trait à la compétence du conseiller de la mise en état, ne fait pas référence à l’article 910-4 ». Ni à l’article 954 on ajoutera. On voit bien qu’en s’intéressant à l’examen de la qualification des prétentions, même face à un dispositif clairement défaillant, le conseiller touche nécessairement à l’effet dévolutif de la cour d’appel. Alors même que la Cour de cassation a, par son avis remarqué (Civ. 2e, avis, 3 juin 2021, n° 21-70.006, Dalloz actualité, 17 juin 2021, obs. R. Laffly), précisément entendu déconnecter la compétence du conseiller de la mise en état des fins de non-recevoir qui touchent l’effet dévolutif de la cour, cet arrêt laisse perplexe et inquiétera selon le sort que lui réservera l’avenir. Ou alors il faut réécrire les articles 542, 561, 562 du code de procédure civile si l’on veut faire du conseiller de la mise en état, définitivement, le couteau suisse de la procédure d’appel… suffisamment aiguisé pour tout trancher. Enfin, loin de la pratique, la fausse bonne idée est bien celle de l’omnipotence d’un conseiller de la mise en état qui devient le juge de tous les moyens de procédure. Devant la complexité de la procédure d’appel, l’augmentation des saisines du conseiller de la mise en état, à charge de déféré bien sûr, a un impact direct et l’effet inverse recherché sur les délais d’audiencement. Lorsque la fin justifie les moyens, le praticien reste sur sa faim si la Cour de cassation elle-même s’affranchit des règles procédurales pour arriver à la sienne. On connaît la célèbre phrase apocryphe de Camus : mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde. Il aurait dû le dire, c’était le penseur de la vérité.