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Distinction consommateur/non-professionnel : conformité aux principes d’égalité

En réservant la prescription biennale aux seuls consommateurs à l’exclusion des non-professionnels, l’article L. 218-2 du code de la consommation ne méconnaît pas les principes d’égalité devant la loi et d’égalité devant la justice.

Le code de la consommation distingue consommateurs et non-professionnels, cantonnant certaines mesures protectrices aux premiers. Le critère de discrimination repose sur le type de personnalité juridique. Le consommateur est une personne physique, qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, tandis que le non-professionnel est une personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles.

La Cour de cassation écarte dès lors toutes les personnes morales du bénéfice des dispositions réservées aux consommateurs, notamment l’article L. 218-2 du code de la consommation qui soumet l’action des professionnels envers les consommateurs pour les biens ou services qu’ils fournissent à un délai de prescription de deux ans (v. par ex., pour une SCI, Civ. 1re, 13 juill. 2016, n° 15-17.702, CCC 2016. Comm. 222, obs. S. Bernheim-Desvaux). Cette distinction a été dénoncée à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité.

Le rejet de la question prioritaire de constitutionnalité

Un syndicat de copropriétaires demandait à la Cour de cassation de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité suivante : « l’article L. 218-2 du code de la consommation, en ce qu’il ne prévoit pas expressément que la prescription biennale qui s’applique à l’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, bénéficie également aux non-professionnels, méconnaît-il les principes constitutionnels d’égalité devant la loi et d’égalité devant la justice ? ».

La Cour de cassation estime que la question posée ne présente pas un caractère sérieux « en ce qu’à la différence d’un consommateur, un non-professionnel est une personne morale, de sorte que la différence de traitement critiquée qui est ainsi fondée sur une différente objective de situation, est en rapport avec l’objet de la loi tendant à assurer la protection des consommateurs dans leurs rapports avec les professionnels ».

Le critère de la personnalité morale

Cette réponse ne va pas de soi dès lors que la différence de situation ne pourrait être qu’apparente.

La distinction opérée entre consommateur et non-professionnel part du postulat que « par nature, les personnes physiques sont de fait susceptibles de se trouver dans une situation de faiblesse ou déséquilibre », ce qui n’est pas le cas des non-professionnels, lesquels ne sont bénéficiaires de ces dispositions que par « détermination de la loi » (G. Loiseau, À la rencontre du non-professionnel, D. 2016. 1844 ). A certains égards, ce critère est pleinement justifié. C’est le cas pour les questions relatives à l’intégrité physique ou de la santé (v. Y. Picod et N. Picod, Droit de la consommation, Sirey, 2020, p. 46 spéc. n° 42). Mais à d’autres, et notamment les enjeux économiques, il l’est moins, d’autant que la catégorie des non-professionnels est hétérogène. Ainsi, certaines personnes morales sont composées de personnes physiques qui contractent pour des besoins purement domestiques, sans que la personnalité morale ne leur procure de « capacités structurelles leur permettant de se défendre », tels les syndicats de copropriétaires ou encore les sociétés civiles immobilières dites familiales, constituées pour les besoins de la gestion d’un bien de famille. (K. De La Asuncion-Planes, La personne morale peut-elle être protégée par le droit de la consommation ?, LPA 3 mars 2010, p. 3). Plusieurs voix en doctrine soulignent que ces personnes morales se trouvent dans une situation de faiblesse vis-à-vis du professionnel, analogue de...

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