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Distribution sélective automobile : la tête de réseau est libre de choisir ses distributeurs

Contester le refus d’agrément d’un distributeur par une tête de réseau est un exercice difficile, tant au regard du droit de la concurrence qu’au regard du droit civil. Trois arrêts du même jour le confirment en matière de distribution automobile sélective qualitative et mixte.

La distribution sélective est une expression générique désignant un mode de vente par lequel un fournisseur (la tête de réseau) sélectionne des distributeurs selon des critères spécifiques et définis. La distribution sélective se décline en plusieurs branches et notamment : i la distribution sélective quantitative, par laquelle le fournisseur limite le nombre de distributeurs sur un territoire donné ; ii la distribution sélective qualitative, par laquelle le fournisseur pose des critères, généralement relatifs à la qualification professionnelle du distributeur et aux locaux ; iii la distribution « mixte » lorsque les critères précédents sont combinés.

Une problématique commune à ces modes de distribution sélective suscite toujours un contentieux important : le distributeur peut-il contester le refus d’agrément émanant de la tête de réseau ?

En théorie, la contestation est, évidemment, permise. Deux voies sont ouvertes : le droit de la concurrence et le droit civil. Contester le refus d’agrément de la tête de réseau s’avère toutefois, en pratique, particulièrement délicat, tant en droit de la concurrence qu’en droit civil. Voilà, en substance, le message délivré par trois arrêts rendus le 16 février 2022 par la chambre commerciale de la Cour de cassation que l’on nommera, par convention d’écriture, Mercedes (pourvoi n° 20-11.754), Hyundai 1 (pourvoi n° 21-10.451) et Hyundai 2 (pourvoi n° 20-18.615).

Les faits d’espèce étaient similaires : des contrats de distribution sélective ont été conclus entre des constructeurs automobiles et des distributeurs. Ces contrats ont été résiliés, notamment pour réorganiser le réseau en vue de l’entrée en vigueur d’un règlement européen. Les constructeurs ont refusé d’examiner les nouvelles demandes d’agrément formées par les anciens distributeurs. Les distributeurs déçus ont tenté, sans succès, de contester ce refus d’agrément en se fondant sur le droit de la concurrence et sur le droit civil que nous aborderons successivement.

La difficile mobilisation du droit de la concurrence

Le refus d’agrément de la tête de réseau peut être contesté via le droit de la concurrence car la distribution sélective conduit, potentiellement, à des restrictions, voire à la fermeture d’un marché par la tête de réseau. Cette voie est toutefois difficile à mobiliser. L’arrêt Mercedes l’illustre en retenant que le refus d’agrément n’est pas, à lui seul, contraire au droit de la concurrence. L’arrêt Hyundai 2 précise quant à lui que l’absence d’examen des critères qualitatifs en présence d’une distribution sélective « mixte » n’invalide pas le refus exprimé par la tête de réseau.

Le seul refus d’agréer n’est pas contraire au droit de la concurrence

Le principe est clair : « ni le droit européen ni le droit national de la concurrence ne prohibent le seul refus, par l’opérateur à la tête de réseau de distribution sélective qualitative, d’agréer des distributeurs qui remplissent les critères de sélection » (arrêt Mercedes, n° 10). L’affaire est entendue : le refus d’agrément de la tête de réseau ne constitue pas, en principe, une violation du droit de la concurrence. La difficulté est donc renforcée pour le distributeur victime : contester le refus d’agrément suppose de démontrer en quoi celui-ci a pu avoir un objet ou un effet anticoncurrentiel.

L’exception au principe est ainsi formulée : en matière de distribution sélective qualitative « seule une mise en œuvre discriminatoire de ces [critères de sélection] [a] pour objet ou pour effet de fausser la concurrence » (arrêt Mercedes, n° 10). La formule rappelle le célèbre arrêt Metro qui avait consacré la conformité des réseaux de distribution sélective au droit de la concurrence, sous réserve que les critères dégagés ne soient pas appliqués de façon discriminatoire (CJCE 25 oct. 1977, aff. C-26/76, Metro, spéc. nos 5 et 20).

Établir une discrimination dans la mise en œuvre des critères de sélection s’avère toutefois délicat. Les arrêts Hyundai 1 et 2 illustrent les difficultés rencontrées par les distributeurs. Dans ces deux espèces, fournisseur comme distributeurs ne...

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