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Dommages post-vaccinaux : poursuite de l’œuvre jurisprudentielle du Conseil d’État sur la détermination du lien causal

La grille d’analyse du lien causal issue de la jurisprudence Douchet concerne non seulement les vaccinations obligatoires mais aussi celles réalisées dans le cadre de mesures sanitaires d’urgence. Le Conseil d’État offre par ailleurs un éclairage supplémentaire sur les modalités de mise en œuvre du critère de l’absence de toute probabilité d’un lien de causalité ainsi que sur la manière dont les éléments constitutifs du faisceau d’indices doivent être analysés.

Le Conseil d’État apporte de nouveaux éléments intéressant l’approche probabiliste mise en œuvre pour trancher la question du lien causal en matière de contentieux vaccinal.

Dans l’affaire n° 472778, un employé de l’établissement public de santé mentale de l’agglomération lilloise a été vacciné contre le virus de l’hépatite B. Quelques semaines après la dernière injection (le 15 mars 1993), des douleurs apparaissent qu’il va imputer à la vaccination obligatoire. C’est seulement en 1999 que ses troubles sont attribués à une fibromyalgie. Les juges du fond sont amenés à se prononcer sur l’imputabilité au service de la pathologie. Selon la Cour administrative d’appel de Douai, la longueur du délai séparant la dernière injection du diagnostic de fibromyalgie exclut tout lien causal entre la vaccination et cette pathologie.

Dans l’affaire n° 490789, un enfant s’est vu administrer en décembre 2009 et en janvier 2010 un vaccin Panenza contre le virus de la grippe aviaire (H1N1) à la suite duquel il a développé une narcolepsie diagnostiquée en juin 2011. Ses parents ont adressé une demande indemnitaire à l’ONIAM (Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales) sur la base de l’article L. 3131-4 du code de la santé publique). La réparation des préjudices postérieurs à une vaccination contre la grippe A (H1N1) effectuée dans le cadre d’une « menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence » (CSP, art. L. 3131-1) est effectivement susceptible de relever de la solidarité nationale (pour un précédent, v. CE 27 mai 2016, Milliex et Montaggioni, n° 391149, Lebon ; AJDA 2016. 1096 ). Le refus opposé par l’ONIAM à la demande d’indemnisation conduit les parents à saisir la justice administrative.

Application de la grille d’analyse du lien causal

En premier lieu, les deux décisions appliquent la grille d’analyse du lien causal de l’arrêt Douchet (CE 29 sept. 2021, n° 435323, Dalloz actualité, 6 oct. 2021, obs. E. Maupin ; Lebon avec les concl. ; AJDA 2021. 1949 ; RDSS 2021. 1047, concl. C. Barrois de Sarigny ; v. aussi, CE 7 nov. 2024, n° 472707, n° 466288 et n° 472625, Lebon ; AJDA 2025. 562 , note J. Saison ; ibid. 2024. 2092 ; RDSS 2024. 1081, obs. J. Peigné ) reposant sur « la succession d’une double probabilité » pour reprendre les termes de la rapporteure publique Cécile Barrois de Sarigny (v. ses concl. sur l’arrêt, RDSS 2021. 104 7). Selon cet arrêt, qui se situe lui-même dans le droit fil de la décision Schwartz marquant une prise de distance intéressante avec la causalité scientifique (CE 9 mars 2007, n° 267635, Dalloz actualité, 26 mars 2007, obs. C. de Gaudemont ; Lebon ; AJDA 2007. 861 , concl. T. Olson ; D. 2007. 2204, obs. E. Pahlawan-Sentilhes , note L. Neyret ; ibid. 2897, obs. P. Brun et P. Jourdain ; RDSS 2007. 543, obs. D. Cristol ), en matière de vaccinations obligatoires, l’analyse du lien causal requiert de mener un raisonnement pouvant comprendre deux étapes. Lors de la première étape, le juge doit vérifier l’existence, au regard du dernier état des connaissances scientifiques, d’une probabilité non nulle qu’un lien causal existe entre la vaccination et la pathologie. S’il n’y a aucune probabilité qu’un tel lien existe, la demande est rejetée. Dans l’hypothèse inverse, le juge passe à la seconde étape qui le conduit à examiner les...

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