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Donation-partage anticipée : le partage doit être le fruit de la volonté du donateur sous peine de requalification

Si la donation-partage peut résulter de deux actes distincts et successifs, il convient que le partage soit opéré sous la direction du donateur ou, à tout le moins, sous sa médiation. Dès lors qu’il n’est pas rapporté la preuve que le partage est le fruit de la volonté du donateur, il convient de requalifier de donation simple l’acte de donation qui porte uniquement sur des droits indivis. Une telle donation est alors rapportable à la succession et sa valeur appréciée au jour du partage.

Les vicissitudes de la vie familiale conduisent souvent à l’émergence de conflits quand s’ouvre le temps de la transmission et de l’héritage. Les vivants ont parfois tendance à juger de l’amour que le défunt leur portait à l’aune de ce qu’ils en reçoivent. Il n’est pas toujours question d’argent dans ces instants où le deuil nous frappe mais presque toujours de ce que beaucoup qualifient de « question de principe ».

Dans cette affaire, tous les éléments étaient réunis pour mener à un conflit des plus passionnés : des enfants issus d’unions différentes, un patrimoine paternel important et une anticipation successorale quelque peu approximative. Il suffisait d’une étincelle pour que la situation dégénère. En l’espèce, un homme décède en laissant une fille issue de son premier mariage, deux fils du deuxième et sa troisième épouse. De son vivant, le défunt avait voulu anticiper sa succession ayant conscience que des difficultés pouvaient advenir après sa mort. Ainsi, le 7 novembre 1995, il avait consenti à ses trois enfants une donation-partage anticipée. À sa fille, il avait attribué quatre biens mobiliers (des meubles d’exception et des œuvres d’art) pour un montant de 359 779,68 € (2 360 000 francs). À ses deux fils, il a donné la nue-propriété de la moitié indivise d’un bien immobilier laquelle avait été évaluée, pour chacun, au même montant que les donations reçues par leur demi-sœur. Le 10 janvier 2008, leur père avait pris soin de faire un testament olographe suivi d’un codicille afin de déterminer les droits que son épouse aurait dans sa succession. Le 17 janvier 2008, l’un des deux fils cède sa quote-part indivise en nue-propriété sur le bien immobilier visé par la donation-partage à son frère. Le père intervient à l’acte en sa qualité de donateur afin de renoncer à l’action révocatoire ainsi qu’à l’exercice du droit de retour. Le 14 mars 2013, le père décède.

De nombreuses difficultés sont survenues lors des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession. En juin 2015, la fille aînée a alors assigné ses deux cohéritiers en partage judiciaire. Le Tribunal de grande instance de Paris, par un jugement du 29 mars 2018, prononce le partage judiciaire de la succession. La juridiction déclare non écrite après un contrôle de proportionnalité la clause pénale testamentaire visant les droits sur la quotité disponible que le défunt avait intégré dans son testament à l’encontre de ses héritiers. À ce titre, elle déboute la demande des fils de priver leur cohéritière de ses droits sur la quotité disponible. En outre, elle rejette les demandes de la fille tendant à obtenir le rapport successoral et la reconnaissance d’actes de recels. En appel, les magistrats (Paris, 26 mai 2021, n° 18/16950) ont confirmé l’exclusion de la clause pénale testamentaire et prononcent le partage judiciaire de la succession. Toutefois, sensibles à l’argumentaire de la requérante, ils ont considéré que l’acte de « donation-partage » de 1995 ne pouvait opérer un partage à lui seul puisqu’il n’avait attribué aux deux fils du donateur que des droits indivis. Les juges du fond considèrent alors qu’il convient d’analyser l’acte conjointement avec l’acte de vente intervenu entre les deux fils. Au regard des faits, la cour relève alors que si le père avait donné son consentement à l’acte de vente entre ses fils, il n’en avait pas été à l’initiative et que le...

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