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Droit au respect de la vie privée et données personnelles

Par un arrêt du 9 mars 2023, la grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme, tout en reconnaissant que les États contractants jouissent d’une ample marge d’appréciation pour organiser la publication d’informations relatives aux contribuables défaillants dans le paiement de leurs impôts, a estimé que le législateur hongrois n’avait pas procédé à une mise en balance satisfaisante entre les buts poursuivis et l’atteinte au droit au respect de la vie privée du contribuable et avait ainsi violé l’article 8 de la Convention.

À la confluence du droit des données personnelles et du droit au respect à la vie privée, la Cour européenne des droits de l’homme était appelée, à l’occasion d’un arrêt rendu le 9 mars 2023, à se prononcer pour la première fois sur la compatibilité de « l’imposition d’une obligation légale de publier des informations concernant des contribuables, notamment l’adresse de leur domicile » avec l’article 8 de la Convention européenne (arrêt, § 117).

L’affaire prenait sa source en matière fiscale. Un contribuable hongrois, à la suite de prélèvements plus ou moins occultes sur les comptes bancaires d’une société qu’il dirigeait, avait fait l’objet d’un contrôle fiscal ayant établi un arriéré d’impôt, pour un montant, intérêts non compris, estimé à environ 170 millions de forints, soit environ 490 000 € à l’époque des faits.

À s’en tenir aux aspects ultérieurement examinés par la Cour européenne, le nom et l’adresse du contribuable avaient été, au titre de cet arriéré, publié par l’administration fiscale sur la liste des « principaux contribuables débiteurs » (§ 26). Cette publication avait été réalisée en application de l’article 55, § 5, d’une loi de 2003 relative à l’administration fiscale, article inséré au sein de la loi de 2003 à l’occasion d’une réforme de 2006. Cet article prévoyait, de façon automatique et impérative, la publication par l’administration fiscale, sur son site internet, du nom et de l’adresse des contribuables n’ayant, à la fin du trimestre, pas acquitté une dette fiscale d’un montant d’au moins 10 millions de forints (actuellement un peu plus de 25 000 €), pendant plus de cent quatre-vingts jours consécutifs. Après avoir épuisé les voies de recours interne pour contester cette publication et demander réparation du préjudice qu’il prétendait avoir subi, le contribuable introduisit une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme, alléguant que la publication litigieuse avait porté atteinte à son droit au respect de la vie privée tel que garanti par l’article 8 de la Convention.

La déclaration d’inconventionnalité de la législation hongroise

Au terme de son raisonnement, la Cour conclut à la violation de l’article 8 de la Convention.

Le raisonnement suivi se coule dans une structure classique pour un arrêt de la Cour de Strasbourg. Après avoir notamment énoncé que « le droit à la protection des données à caractère personnel...

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