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Le droit à commission pour contrats ultérieurs d’un agent commercial n’est pas impératif !

Tout agent commercial a, en principe, droit à une commission lorsqu’un client, ayant initialement contracté grâce à son intervention, conclu ultérieurement d’autres contrats similaires avec le mandant. La Cour de justice vient toutefois de préciser que cette règle n’est pas impérative : elle peut être contractuellement écartée. L’arrêt est d’une portée pratique majeure. Il a pour effet de réduire le montant des indemnités de fin de contrat, calculé sur l’ensemble des commissions perçues. Il laisse encore augurer que les clauses d’exclusion des commissions ultérieures deviennent systématiques, ce qui conduit à s’interroger sur les outils permettant de les contester.

L’arrêt Rigall Arteria est en piste pour le titre d’arrêt de l’année en matière d’agence commerciale. Sa portée pratique est considérable : il dissipe les doutes et ouvre conséquemment grand les valves pour que la clause excluant le droit à commission pour « contrats ultérieurs » devienne de style. Pour apprécier la solution, quelques rappels sur les spécificités de l’agence commerciale sont d’abord nécessaires.

Un régime entre protection et liberté. L’agent commercial est un mandataire, chargé, de façon permanente, de négocier voire de conclure des contrats au nom et pour le compte de son mandant. L’agent a un rôle économique : il est un prospecteur et un développeur de clientèle pour le mandant. Le régime de l’agence commerciale a été fixé par la directive européenne 86/653/CEE, laquelle a été transposée par les différents États membres (C. com., art. L. 134-1 s.).

Le régime instauré est, à bien des égards, protecteurs de l’agent commercial. Le meilleur exemple est certainement l’indemnité de fin de contrat en principe due à tout agent (C. com., art. L. 134-12). Ce régime protecteur est évidemment teinté d’ordre public, impérativité à laquelle les parties ne peuvent déroger. La liberté contractuelle n’est toutefois pas totalement absente. La durée du contrat est ainsi librement fixée. Les parties sont encore, et peut-être surtout, libres de convenir des commissions perçues par l’agent, c’est-à-dire sa rémunération.

Le cas particulier des commissions pour « contrat(s) ultérieur(s) ». La notion de commission, qui correspond fréquemment à un pourcentage du prix du contrat conclu, est clairement envisagée par le dispositif (C. com., art. L. 134-5). Deux situations octroyant paiement sont visées : lorsque le contrat a été conclu grâce à l’intervention de l’agent ; lorsqu’un client, ayant initialement contracté grâce à l’agent, conclu ultérieurement d’autres contrats similaires (C. com., art. L. 134-6).

La première hypothèse apparaît évidente. La seconde mérite que l’on s’y attarde. L’agent parvient à la conclusion d’un premier contrat, commission est donc due. Le client conclu un deuxième contrat, similaire au premier, avec le mandant. Pour ce deuxième contrat (et tous ceux ultérieurement conclus), commission est encore due.

L’impérativité de la règle en question. La règle posée pour les « contrats ultérieurs » est-elle cependant impérative ? En d’autres termes, est-il permis de l’écarter par le jeu d’une stipulation contractuelle ? L’hésitation est permise. D’un côté, un régime tourné vers la protection de l’agent commercial invite à considérer la règle comme impérative. D’un autre, la liberté contractuelle, incluant celle de fixer les prix et la rémunération, invite plus volontiers à considérer la règle comme supplétive.

L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté a conduit la Cour de justice à lever ces doutes. En l’espèce, une banque contracte avec un agent commercial. Une commission était due pour toute carte de crédit émise et pour tout crédit accordé à des clients grâce au travail de l’agent. Aucune autre forme de rémunération n’était stipulée. Après résiliation par le mandant, l’agent, qui souhaitait sûrement vérifier l’exactitude des commissions versées, a sollicité diverses informations sur l’ensemble des contrats conclus grâce à son intervention. Se heurtant au refus du mandant, l’affaire fut portée en justice. Les juges du fond rejetèrent la demande au motif que les clauses du contrat épuisaient les droits à commission de l’agent. La question de l’impérativité de la règle commission pour « contrats ultérieurs » fut alors soulevée devant la Cour de cassation, qui interrogea la Cour de justice.

Une impérativité refusée par la Cour de justice. La réponse apportée est dénuée d’ambiguïté : la règle commission pour « contrats ultérieurs » est supplétive, elle peut donc être contractuellement écartée. Une fois n’est pas coutume, prenons la liberté d’inverser l’ordre des réflexions. La portée pratique de la solution sera d’abord étudiée car il s’agit de l’essentiel. Il conviendra ensuite s’interroger sur les mécanismes permettant de contester les clauses excluant les commissions pour « contrats ultérieurs ». Nous étudierons, enfin, le...

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