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Droit d’auteur : la Cour constitutionnelle belge interroge la CJUE sur l’interprétation de plusieurs articles phares de la directive (UE) 2019/790
Droit d’auteur : la Cour constitutionnelle belge interroge la CJUE sur l’interprétation de plusieurs articles phares de la directive (UE) 2019/790
L’arrêt n° 98/2024 de la Cour constitutionnelle de Belgique rendu le 26 septembre 2024 traite de différents recours en annulation de la loi du 19 juin 2022 transposant la directive DAMUN (UE) 2019/790. Introduits par les sociétés Google, Spotify, Meta Platforms, Streamz et Sony Music, ces recours concernent plusieurs articles et notamment l’article 39 à propos de la protection des publications de presse en ce qui concerne les utilisations en ligne, l’article 54 à propos du droit à rémunération incessible au titre de la communication au public par un prestataire de services de partage de contenus en ligne, et enfin les articles 60, 61 et 62 à propos du droit à rémunération incessible dans le cadre de l’utilisation d’œuvres sonores et/ou audiovisuelles par certains prestataires de services de la société de l’information. Les réponses de la Cour de justice de l’Union européenne sont donc très attendues, car elles serviront de guide de référence pour l’ensemble des juridictions européennes. L’enjeu est donc de taille, mais l’incertitude qui entoure les réponses attendues de la Cour de justice soulève également des inquiétudes parmi les parties prenantes, en raison des conséquences potentielles qu’elle pourrait avoir sur les droits des auteurs et des artistes-interprètes.
par Stéphanie Le Cam, Maître de conférences de droit privé, Université Rennes 2le 25 octobre 2024

La Cour constitutionnelle de Belgique adresse à la Cour de justice de l’Union européenne pas moins de treize questions préjudicielles relatives à l’interprétation de la directive de 2019, dans un arrêt rendu le 26 septembre 2024. Plusieurs recours en annulation partielle avaient été déposés, par Google, Spotify, Meta, Streamz et Sony Music Entertainment, notamment. Ces recours visent principalement la protection des publications de presse en ligne et le droit à rémunération incessible que la Belgique avait introduit pour les auteurs et les artistes-interprètes, de la part des fournisseurs de services de partage de contenu en ligne et de la part des plateformes de streaming, tous deux soumis à une gestion collective obligatoire. Les requérants affirment que cela conduit à une double rémunération, ces plateformes devant payer à la fois le tiers auquel le droit a été transféré (labels, producteurs, etc.) et les auteurs ou artistes-interprètes. Ces dispositions iraient à l’encontre des droits et libertés constitutionnels, tels que la liberté contractuelle et la liberté d’entreprise.
Les réponses de la Cour de justice sont donc très attendues, car elles porteront sur l’interprétation d’articles fondamentaux de la directive (not., des art. 15, 17 et 18) et serviront de phare pour l’ensemble des juridictions européennes. L’enjeu est de taille.
La décision soulève deux remarques. Sur la forme, la réaction de la Cour constitutionnelle belge n’est pas à l’abri de la critique. Constatant que les requérants ont une interprétation divergente des articles de la directive par rapport aux représentants des titulaires de droits de propriété intellectuelle (ce qui a priori est le cas de tout contentieux ?), elle donne l’impression de botter en touche en soumettant les questions préjudicielles à la Cour de justice, sans même tenter de s’engager elle-même dans un effort d’analyse.
Sur le fond ensuite, la décision témoigne de la capacité qu’ont les plus grandes entreprises du numérique à fragiliser, de manière quasi automatique par ce type de recours, toutes les avancées législatives qui tentent ou tenteront de garantir une rémunération plus juste et plus appropriée pour les auteurs et artistes-interprètes. On savait leurs moyens considérables pour influencer en amont la fabrication des normes à travers un lobbying intensif, on voit maintenant leurs ressources tout aussi importantes pour peser en aval sur l’interprétation des normes juridiques lorsqu’elles leur sont moins favorables. Ce positionnement soulève des interrogations quant à leur volonté de soutenir un écosystème durable et respectueux des créateurs, dans l’intérêt des industries culturelles et créatives ; il questionne aussi la souveraineté des États dans l’élaboration des règles de droit…
Avant d’aller au fond des affaires, quelques observations sur la recevabilité des recours méritent d’être faites, car pour démontrer leur intérêt à agir, les sociétés vont principalement sur le terrain économique. Selon Google (aff. n° 7922), les dispositions attaquées affectent directement et défavorablement sa situation juridique et économique ; ainsi les obligations découlant de la loi belge « impliquent un investissement important et ne tiennent pas compte des limitations juridiques et contractuelles auxquelles les parties requérantes peuvent être soumises ».
Spotify Belgium et Spotify AB (aff. n° 7924) soutiennent que leurs intérêts seraient affectés défavorablement par la loi du 19 juin 2022, puisqu’elles seraient responsables des paiements aux sociétés de gestion ou aux organismes de gestion collective, ce qui n’était pas le cas auparavant, et ce, malgré le fait que Spotify accorde des licences et verse une rémunération aux titulaires de droits. Le nouveau système de rémunération aurait une incidence directe sur la liberté contractuelle de Spotify, ses opérations commerciales et sa capacité à fournir des services en Belgique (décis., A.2.1).
Meta Platforms Ireland (aff. n° 7925) soutient être directement et défavorablement affectée, sur le plan juridique et économique. L’entreprise souligne notamment que cela « l’obligerait à employer des ressources humaines importantes pour répondre à ces exigences disproportionnées et à procéder à des investissements potentiellement significatifs, à ses dépens, afin de réunir des informations qui peuvent ne pas être facilement disponibles, sans nécessairement prévoir, en contrepartie, des garanties suffisantes pour protéger la nature confidentielle des informations concernées, qui relèvent du secret d’affaires. » (décis., A.3.1).
La SRL Streamz (aff. n° 7926) évoque une charge financière supplémentaire, potentiellement lourde, ainsi qu’une réorganisation substantielle de la chaîne de valeur audiovisuelle locale en raison de la mise en place du droit à rémunération incessible. Cette situation entraînerait « une incertitude juridique considérable et, en toute hypothèse, affaiblit davantage la position concurrentielle de la plateforme Streamz par rapport aux principales plateformes internationales de streaming ».
Enfin, Sony Music Entertainment Belgium, Universal Music, Warner Music et autres labels (aff. n° 7927) soutiennent disposer d’un intérêt à agir contre des dispositions qui interféreraient avec leur liberté d’entreprise, y compris avec leur capacité à conclure des accords de licence qui correspondent à leurs propres intérêts commerciaux et à ceux des exécutants qu’elles représentent.
En résumé, les cinq affaires sont jointes, et il en résulte que les recours réalisés par les requérants précités concernent les articles 39, 54 et 60 à 62 de la loi du 19 juin 2022. Leurs arguments sont nombreux, souvent répétitifs, d’autant que les parties requérantes sont parfois des parties intervenantes dans les affaires jointes, ajoutant aux arguments des requérants d’autres orientations en vue de contester la légalité des articles litigieux. Face à eux, intervenaient également la Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs (SABAM), la Société de droit d’auteur des journalistes, la Fédération des auteurs, compositeurs et interprètes réunis, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, la Société civile des auteurs multimédia, et autres structures représentants les intérêts des auteurs et titulaires de droits au nom des titulaires de droits des auteurs et artistes-interprètes qu’elles représentent.
Il en résulte une décision longue de 182 pages… Par souci de concision, et pour aller à l’essentiel, nous étudierons seulement les principaux arguments soulevés par les requérants en vue de contester l’article 39 (publications de presse en ligne), l’article 54 (droit de rémunération incessible et fournisseurs de services de partage de contenus en ligne) et les articles 60 à 62 (droit à rémunération incessible et plateformes de streaming).
Recours contre l’article 39 : publications de presse en ligne
L’article 39 prévoit que l’éditeur de presse et le prestataire de services doivent négocier de bonne foi les exploitations visées (reproduction et communication de la publication de presse) et la rémunération due à cet égard, pour autant que et dans la mesure où l’éditeur de presse est disposé à autoriser les exploitations précitées. En l’absence d’accord, l’article dispose que la partie la plus diligente peut faire appel à la...
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