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Droit d’auteur : de la société de l’information au marché unique numérique

Le parlement européen a adopté, le 12 septembre 2018, la proposition de directive européenne sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique.

par Jeanne Daleaule 18 septembre 2018

Il y a presque vingt ans, les débats relatifs à l’adoption de ce qui allait devenir la directive n° 2001/29 du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information furent longs et mouvementés. Ils se sont prolongés en France dans le cadre de l’adoption de la loi dite « DADVSI ». À l’époque, les sujets portaient sur le peer to peer, le téléchargement illégal, la juste rémunération des auteurs… dans un environnement numérique naissant. Deux décennies plus tard, le numérique est devenu un marché colossal, il influence nos comportements, les réseaux sont devenus sociaux et les digital natives ont bien du mal à comprendre que la circulation des œuvres est régie par des règles protectrices. C’est dans ce nouveau contexte que les parlementaires européens ont étudié, modifié et adopté la proposition de directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique.

L’objectif de ce texte est de maintenir l’équilibre entre, d’une part, les titulaires de droits d’auteurs et droits voisins et, d’autre part, les utilisateurs. Ainsi, les exceptions aux droits communément adoptées au sein de l’Union européenne sont à nouveau examinées avec trois axes principaux : les utilisations numériques et transfrontières dans le domaine de l’éducation, la fouille de textes et de données dans le domaine de la recherche scientifique, ainsi que la préservation du patrimoine culturel. Les travaux ont été menés au regard de l’analyse des conséquences de l’application de la directive du 22 mai 2001.

Le texte initial a pour principaux objectifs :

  • l’adaptation des exceptions et limitations à l’environnement numérique et transfrontière,
     
  • l’amélioration les pratiques en matière de licences,
     
  • la garantie du bon fonctionnement du marché des droits d’auteur.

Les discussions ont surtout porté sur les articles 11 et 13, cœurs de cible des lobbies toujours très actifs dans ce domaine. L’article 11 concerne la protection des publications de presse en ce qui concerne les utilisations numériques et l’article 13 porte sur l’utilisation de contenus protégés par des prestataires de services de la société de l’information qui stockent et donnent accès à un grand nombre d’œuvres et d’autres objets protégés chargés par leurs utilisateurs.

Il est précisé à l’article 11 que les éditeurs de publication de presse, futurs titulaires des droits de reproduction et de communication des œuvres au public, doivent pouvoir bénéficier d’une rémunération juste et proportionnée pour l’utilisation numérique de leurs publications de presse par des prestataires de services de la société de l’information. Il est ajouté que l’utilisation légitime, à titre privé et non commercial, de publication de presse par des utilisateurs particuliers est autorisée. La modification la plus importante consiste en la proclamation que les auteurs reçoivent une part appropriée des recettes supplémentaires que les éditeurs de presse perçoivent des prestataires de services de la société de l’information pour l’utilisation d’une publication de presse. Reste à définir les contours de la « part appropriée ».

L’article 13 a été plus profondément retouché, allégeant le poids sur les épaules des plateformes de diffusion de contenus dont certains sont protégés par le droit d’auteur. Il impose désormais à ces prestataires de services de partage de contenus en ligne de conclure des contrats de licence justes et appropriés. Ces contrats couvriront la responsabilité des œuvres chargées par les utilisateurs de services de partage en ligne à condition qu’ils n’agissent pas dans un but commercial. En cas de refus de conclure ces contrats, les États membres pourront faire en sorte que les œuvres ne soient pas disponibles via ces sites. Il est également prévu d’imposer à ces acteurs de l’internet de mettre en place des dispositifs de plainte et de recours effectifs à l’intention des utilisateurs dont le contenu aurait été injustement retiré. Enfin, il est précisé qu’il est fait en sorte que la charge pour les petites et moyennes entreprises demeure acceptable et que le blocage automatique de contenu soit évité.