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Le droit d’auteur et ses exceptions : éclairages partiels de la CEDH

L’interprétation extensive par le juge d’exceptions légales au droit d’auteur porte atteinte à l’article 1 du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme garantissant le droit de chacun au respect de ses biens, y compris lorsqu’elle poursuit un but de diffusion et d’accès à des informations d’ordre historique, scientifique ou culturel.

À l’heure des transpositions en droit français de nouvelles exceptions au droit d’auteur (O. Wang, Décret complétant la transposition de la directive DAMUN : la gestion collective étendue précisée, note ss Décr. n° 2022-928, 23 juin 2022, JO 24 juin, Dalloz actualité, 5 juill. 2022) notamment dans le cadre de l’accessibilité scientifique ou culturelle, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) vient rappeler que leur interprétation extensive par les juges peut constituer une atteinte aux libertés fondamentales.

En espèce, Rafig Safarov est l’auteur d’un livre sur le changement des compositions ethniques de la région entourant Erevan. L’œuvre est divulguée en 2009, mais ayant un intérêt historique, culturel, voire scientifique, l’organisation non gouvernementale Irali publie une version numérique sur son site internet en 2010, dans la rubrique « bibliothèque ». Téléchargée 417 fois, l’œuvre est retirée à la demande de l’auteur ; pour autant, ce dernier demande une réparation des préjudices subis du fait de l’atteinte à ses droits patrimoniaux de reproduction et communication et à ses droits moraux.

La juridiction de première instance le déboute de ses prétentions (§ 10) en invoquant une exception inscrite à l’article 18-1 de la loi azerbaïdjanaise sur le droit d’auteur disposant qu’il « est permis de faire une reproduction par reprographie d’une œuvre jusqu’à un certain volume nécessaire à un usage déterminé, sans le consentement de l’auteur ni le paiement de redevances, à condition que le nom de l’auteur dont l’œuvre est utilisée et la source soient mentionnés, et qu’il n’y ait aucune intention lucrative ». Toutefois, arguant, d’une part, que la reproduction était totale et non « jusqu’à un certain volume » et, d’autre part, que le tribunal avait méconnu son champ d’application, limité aux bibliothèques, archives et institutions éducatives, Safarov forme un appel contre la décision.

Or la cour d’appel confirme (§ 12) non seulement les arguments avancés en première instance, mais elle ajoute que l’article 17, 1, de la loi sur le droit d’auteur dispose que « la reproduction, en un seul exemplaire, d’une œuvre licitement publiée par une personne physique à des fins exclusivement personnelles, sans intention lucrative, est autorisée sans le consentement de l’auteur ». L’application de cette disposition est toutefois limitée et inapplicable aux « reproductions par reprographie des originaux de livres (dans leur intégralité) » (loi azerbaïdjanaise sur le droit d’auteur, art. 17, 2).

Sur ce fondement, et celui de l’argumentation ayant conduit à l’appel, Safarov se pourvoit en cassation auprès de la Cour suprême nationale, qui rejette le pourvoi. En effet, les juges azerbaïdjanais estiment que le raisonnement tenu au fond est valable, au regard de la lecture d’intégralité de loi, dont les articles 14, 1, q, portant sur le droit moral de divulgation et 15, 3, afférent à...

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