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Droit de préférence légal du locataire commercial : d’utiles précisions !

Le droit de préférence légal de l’article L. 145-46-1 du code de commerce s’impose au propriétaire bailleur, dans certaines conditions. La présente décision apprécie la marge de manœuvre dont celui-ci dispose lorsqu’il met en œuvre ce droit au profit de son locataire.

par Pierre de Platerle 17 juillet 2020

Par l’arrêt du 27 mai 2020 rapporté, la cour d’appel de Paris est venue préciser les modalités de mise en œuvre du droit de préférence légal instauré à l’article L. 145-46-1 du code de commerce, disposition d’ordre public (Civ. 3e, 28 juin 2018, n° 17-14.605, D. 2018. 1739 ; ibid. 1736, avis F. Burgaud ; ibid. 1740, note P. Viudès et F. Roussel ; ibid. 2435, chron. A.-L. Collomp, V. Georget et L. Jariel ; ibid. 2019. 1511, obs. M.-P. Dumont ; AJDI 2019. 122 , obs. J.-P. Blatter ; RTD civ. 2018. 875, obs. H. Barbier ; RTD com. 2018. 605, obs. F. Kendérian ; 11 avr. 2019, n° 18-16.121, D. 2019. 814 ; ibid. 1511, obs. M.-P. Dumont ; ibid. 2020. 353, obs. M. Mekki ; AJDI 2020. 35 , obs. J.-P. Blatter ; AJ contrat 2019. 306, obs. D. Houtcieff ; RTD civ. 2020. 65, obs. P. Deumier ; RTD com. 2019. 339, obs. J. Monéger ).

Si les contentieux locatifs s’y réfèrent fréquemment, le présent arrêt ne portait pas sur la matérialité des locaux que la bailleresse envisageait de céder, pour se concentrer sur les modalités de la cession, cette dernière ne contestant pas que le dispositif était applicable à sa locataire, société exploitant une activité d’hôtellerie (l’application matérielle du droit de préférence a initialement fait l’objet de très nombreux contentieux. Sur ce point, J.-P. Blatter, AJDI 2018. 518 ; F. Auque, AJDI 2019. 518 ; Rép. min., n° 98594, JOAN Q, 6 déc. 2016, p. 10078 ; Rép. min., n° 5054, JOAN Q, 14 août 2018, p. 7317 ; v. encore Civ. 3e, 15 nov. 2018, n° 17-26.727, AJDI 2019. 446 , obs. J.-P. Blatter ; Amiens, ch. civ. 1, 2 juin 2020, n° 18/03859 ; Paris, pôle 5 - ch. 3, 20 mai 2020, n° 18/24248 ; Versailles, ch. 3, 14 nov. 2019, n° 19/05033).

Alors qu’une procédure en fixation du loyer du bail renouvelé était pendante devant le juge des loyers, la bailleresse notifia à sa locataire une offre de vente, par lettre recommandée en date du 19 octobre 2018, réitérée par acte d’huissier le 24 octobre 2018. La bailleresse était une association venue aux droits d’une personne physique en qualité de légataire de l’immeuble : elle n’avait ainsi pas vocation à conserver le bien.

L’offre était faite à un prix d’environ 5 millions d’euros outre 300 000 € d’honoraires d’agence supportés par l’acquéreur, ainsi que divers frais, droits et émoluments. La locataire contestait l’offre, le 29 octobre suivant. Le 9 novembre 2018, la bailleresse concluait avec un tiers acquéreur, une promesse unilatérale de vente sous réserve de la purge du droit de préférence de la locataire, prorogée à plusieurs reprises, pour in fine expirer le 31 décembre 2020.

Sans s’attacher davantage aux aspects procéduraux, la bailleresse assigna à jour fixe sa locataire devant feu le tribunal de grande instance de Paris, afin de voir confirmer que la purge du droit de préférence légal avait bien été mise en œuvre par ses soins. Par jugement du 28 mars 2019, les juges parisiens confirmèrent que la bailleresse avait régulièrement purgé le droit de préférence, relevant que la locataire n’avait pas accepté cette offre. La locataire interjeta appel de cette décision devant la cour d’appel de Paris, qui la débouta de l’ensemble de ses demandes. 

Cet arrêt doit être relevé en ce qu’il apporte et rappelle plusieurs précisions pratiques s’agissant de la mise en œuvre de la cession d’un local commercial assujetti à l’article L. 145-46-1 du code de commerce.

Les démarches relatives à la commercialisation du bien ne sont pas conditionnées à la mise en œuvre par le bailleur du droit de préférence légal

C’est à notre sens, l’apport pratique le plus important de la décision rendue. S’agissant de l’article L. 145-46-1 du code de commerce, le droit de préférence du locataire prend naissance, au moment où « le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal envisage » de le vendre. La difficulté tient à la définition du terme « envisager ». Selon la locataire, le droit de préférence...

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