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Droit de réponse : conformité de l’insertion forcée à la liberté d’expression

Dans une affaire concernant la publication dans un journal allemand d’un article de presse insinuant l’implication d’une responsable politique dans la disparition des avoirs de l’ex-Parti communiste Est-allemand, la Cour européenne des droits de l’homme estime que les juridictions nationales, en ordonnant l’insertion de la réponse demandée par l’intéressée, ont dûment apprécié l’équilibre à ménager entre le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d’expression.

par Sabrina Lavricle 24 janvier 2023

Le 4 octobre 2013, le journal allemand Die Welt publia un article intitulé « La femme de la Stasi aux côtés de Gregor Gysi » révélant que la directrice générale du parti de M. Gysi, Mme K., avait été une agente du ministère de la Sécurité d’État de l’ex-RDA (communément appelé « la Stasi ») et insinuant que cette dernière aurait été impliquée dans la disparition des avoirs ayant appartenu au Parti communiste est-allemand après la chute du régime communiste en 1989. Le 11 octobre suivant, l’avocat de l’intéressée saisit le journal d’une demande amiable de réponse, que celui-ci refusa de publier. La justice fut saisie et la cour d’appel ordonna à la société éditrice de procéder à la publication, qui fut réalisée dans l’édition du 3 février 2014. Estimant que la décision lui ordonnant de publier la réponse avait enfreint son droit à la liberté d’expression, la société éditrice saisit la Cour européenne d’une requête fondée sur l’article 10 de la Convention. Dans son arrêt, la Cour de Strasbourg estime que la Convention n’a pas été violée, rappelant les conditions de conformité à la Convention de l’insertion forcée d’une réponse dans une affaire où l’intéressée, sollicitée par le journaliste avant la publication, avait précisément refusé de s’exprimer sur le sujet en question.

L’absence de violation de la liberté d’expression au regard de l’équilibre à ménager avec le droit au respect de la vie privée

L’ordre d’insertion ayant constituée une atteinte à la liberté d’expression, la Cour européenne devait, pour apprécier sa conventionalité, vérifier sa légalité, sa légitimité et sa nécessité suivant les critères résultant du paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention. Les deux premiers critères étaient aisément remplis dès lors que l’injonction était fondée sur la section 10 de la loi sur la presse de Berlin et qu’elle tendait à préserver la réputation de l’intéressée, la protection de la réputation et des droits d’autrui étant expressément visée parmi les buts légitimes d’une ingérence dans le droit à la liberté d’expression. La question portait, comme souvent, sur la nécessité d’une telle ingérence dans une société démocratique, la Cour étant dès lors amenée à rechercher l’existence d’un besoin social impérieux ainsi qu’à apprécier la proportionnalité de l’ingérence au but légitime poursuivi ainsi que les motifs adoptés par les juridictions internes...

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