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Le droit des drones civils en 2019

Le droit des « aéronefs sans équipage à bord », c’est-à-dire des drones, résulte d’une articulation entre une législation européenne, comportant trois règlements, et un droit interne composé d’une loi et d’une série de décrets et d’arrêtés.

par Pascal M. Dupontle 9 septembre 2019

Le droit des « aéronefs sans équipage à bord » résulte d’une articulation entre une législation européenne et un droit interne composé d’une loi et d’une série de décrets et d’arrêtés. L’état de la règlementation au 1er juillet 2019 est le suivant.

Le droit européen : trois règlements dont deux dédiés aux drones

En l’espace d’une année, trois règlements majeurs ont été publiés qui confirment le statut d’aéronef des drones. Le premier est le règlement (UE) 2018/1139 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2018 concernant des règles communes dans le domaine de l’aviation civile et instituant une Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne, et modifiant les règlements n° 2111/2005, n° 1008/2008, n° 996/2010 et n° 376/2014 et les directives 2014/30/UE et 2014/53/UE du Parlement européen et du Conseil, et abrogeant les règlements n° 552/2004 et n° 216/2008 du Parlement européen et du Conseil ainsi que le règlement n° 3922/91 du Conseil. Ce texte d’intérêt majeur pour le droit aérien européen, étend aux drones l’essentiel des dispositions applicables aux autres catégories d’aéronefs (Section VII : art. 55 à 58 et Ann. IX). En application de ce règlement, la Commission européenne a publié deux règlements datés respectivement du 12 mars et du 24 mai 2019 (JOUE, L 152, 11 juin) visant à harmoniser en Europe le statut des drones.

Le règlement délégué (UE) 2019/945 de la Commission du 12 mars 2019 relatif aux systèmes d’aéronefs sans équipage à bord et aux exploitants, issus de pays tiers, de systèmes d’aéronefs sans équipage à bord (42 articles et une annexe avec 15 parties) définit le « système d’aéronef sans équipage à bord » (unmanned aircraft systems ou « UAS ») comme « tout aéronef sans équipage à bord et l’équipement servant à le contrôler à distance » (art. 3.1) et l’exploitant d’UAS comme « toute personne physique ou morale qui exploite ou entend exploiter un ou plusieurs UAS » (art. 3.2).

Le règlement d’exécution (UE) 2019/947 de la Commission du 24 mai 2019 concernant les règles et procédures applicables à l’exploitation d’aéronefs sans équipage à bord (23 articles et une annexe avec 3 parties) consacre, sous son considérant 1, le principe de l’utilisation par les drones de l’espace aérien par les termes suivants : « les aéronefs sans équipage à bord, quelle que soit leur masse, peuvent opérer dans le même espace aérien du ciel unique européen que les aéronefs avec équipage, qu’il s’agisse d’avions ou d’hélicoptères ». Puis il retient, sous son considérant 6, trois catégories d’« exploitation ouverte », « spécifique » et « certifiée ». Il précise, sous ses articles 2.7 et 2.8, la notion d’« exploitation en vue directe » (« VLOS ») et l’« exploitation hors vue » (« BVLOS »). Les articles 3 à 6 définissent trois catégories d’exploitation d’UAS. La première est la catégorie « ouverte » qui désigne les engins d’une masse inférieure à 2 kg, évoluant en vue directe du pilote à distance et à moins de 120 mètres de la surface ; elle n’est soumise à aucune autorisation d’exploitation préalable, ni à une déclaration d’exploitation de l’exploitant d’UAS avant l’exploitation. La deuxième est la catégorie « spécifique » ; elle concerne les drones dont l’exploitation implique soit le survol de rassemblements, soit le transport de personnes ou le transport de marchandises dangereuses qui, en cas d’accident, peuvent présenter des risques élevés pour des tiers. Cette catégorie nécessite une autorisation d’exploitation, une autorisation ou une déclaration de l’exploitant d’UAS. Enfin, la dernière catégorie dite « certifiée » requiert la certification de l’UAS, ainsi que celle de l’exploitant et, le cas échéant, l’octroi d’une licence au pilote à distance.

Ces deux derniers textes s’appliqueront progressivement à partir du 1er juillet 2020. D’ici là, les règlementations nationales en vigueur demeurent applicables, d’où l’importance des normes adoptées en France, l’un des premiers pays de l’Union à avoir encadré le développement de cette activité aéronautique et économique en plein essor (P. M. Dupont, Les drones ou la Révolution aéronautique du 21e siècle, RFDAS, n° 4/2015, vol. 276, Pédone ; J.-B. Charles, Règlementation et assurance des drones, L’Argus de l’assurance, coll. « Les Essentiels », 2017).

Le droit interne français : les textes d’application de la loi drones du 24 octobre 2016

La France dispose, depuis 2012, d’une réglementation pour la conception et l’utilisation de l’espace aérien par les drones (arr. du 11 avr. 2012 relatif à la conception des aéronefs civils qui circulent sans aucune personne à bord, aux conditions de leur emploi et sur les capacités requises des personnes qui les utilisent, JO 10 mai ; arr. du 11 avr. 2012 relatif à l’utilisation de l’espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord, JO 10 mai), à laquelle ont succédé les deux arrêtés « conception » et « espace aérien » du 17 décembre 2015 (JO 24 déc.). Par ailleurs, la loi n° 2016-1428 du 24 octobre 2016 relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils (JO 25 oct. ; P. Dupont, Une loi pour les drones civils, Dalloz actualité, 4 nov. 2016 isset(node/181542) ? node/181542 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>181542), complétée par des décrets et arrêtés d’application, prévoit des sanctions pénales en cas de survol d’une zone interdite. Elle comporte quatre principes directeurs – information, formation, enregistrement et signalement – tout en précisant le statut du télépilote et en distinguant les drones en fonction de deux utilisations – professionnelle et de loisir – et non pas en fonction de catégories basées sur le risque au sens de la législation européenne. La loi du 24 octobre 2016 soumet les drones civils d’une certaine masse à un régime d’enregistrement électronique et les plus lourds d’entre eux à une obligation d’immatriculation. Deux seuils de masse, fixés respectivement à 800 grammes pour l’enregistrement par le décret n° 2018-374 du 18 mai 2018 relatif aux seuils de masse (JO 20 mai), et 25 kg pour l’immatriculation, ont été retenus et pourront être modifiés pour tenir compte des évolutions des vecteurs.

Les drones professionnels, qui ne peuvent être utilisés que dans le cadre de quatre scénarios opérationnels S-1 à S-4, doivent évoluer à une hauteur inférieure à 150 mètres au-dessus de la surface et sont soumis, en application de l’article 6 de l’arrêté espace aérien, à un régime de déclaration ou de notification préalable. Le décret n° 2018-67 du 2 février 2018 relatif à la formation exigée des télépilotes qui utilisent des aéronefs civils circulant sans personne à bord à des fins autres que le loisir (JO 4 févr.) fixe les objectifs et les modalités de la formation visant à permettre le contrôle de l’évolution des aéronefs circulant sans personne à bord en sécurité et dans le respect des règles et des conditions d’emploi relatives à la navigation aérienne met en place un certificat d’aptitude théorique. Ce décret a été complété par l’arrêté du 18 mai 2018 relatif aux exigences applicables aux télépilotes qui utilisent des aéronefs civils circulant sans personne à bord à des fins autres que le loisir (JO 7 juin) qui détermine les exigences pour exercer les fonctions de télépilote dans le cadre des scénarios opérationnels dits S-1 à S-4, d’une part, et d’expérimentations, d’autre part.

S’agissant des drones de loisirs, conformément à l’arrêté conception du 17 décembre 2015, on distingue (Ann. I Aéromodélisme) deux catégories A (aéromodèle de masse inférieure ou égale à 25 kg) et B (tous les autres). Ils doivent évoluer à une hauteur inférieure à 150 m et sont soumis à des restrictions (pas d’évolution au-dessus de l’espace public en agglomération) et interdictions de survol (zones interdites, réglementées ou dangereuses) fixées par l’arrêté « espace aérien ». Le décret n° 2018-375 du 18 mai 2018 relatif à la formation exigée des télépilotes d’aéronefs civils circulant sans personne à bord utilisés à des fins de loisir (JO 13 oct.) fixe les objectifs de la formation (qui a fait l’objet d’un arrêté du 12 oct. 2018, JO 26 oct.), ses modalités de suivi par voie électronique, les procédures permettant de vérifier la validation de cette formation et les conditions de la reconnaissance par équivalence d’autres formations. Les télépilotes d’une masse inférieure à 800 grammes ne sont pas concernés.

Le décret n° 2018-882 du 11 octobre 2018 (JO 13 oct.) relatif à l’enregistrement des aéronefs civils circulant sans personne à bord fixe les modalités de cet enregistrement qui incombe à leurs propriétaires ou à leurs représentants légaux. ll s’effectue par voie électronique et donne lieu à une inscription sur le registre mis en place par le ministre chargé de l’aviation civile. Depuis le 26 décembre 2018, les drones de 800 grammes ou plus devront être enregistrés par leur propriétaire sur AlphaTango, le portail public des utilisateurs d’aéronefs télépilotés. Enfin, le décret n° 2019-348 du 19 avril 2019 (JO 21 avr.) relatif à la notice d’information relative à l’usage des aéronefs circulant sans pilote à bord, complété par un arrêté pris le même jour, qui sont entrés en application le 1er juillet 2019, énumèrent dans une annexe le contenu de ce document prévu à l’article L. 421-1 du code de la consommation.

Indépendamment de ces normes particulièrement détaillées – le droit des drones représente d’ores et déjà plus d’une centaine de pages de textes publiés – la DGAC met en ligne sur son site un grand nombre d’informations, facilement accessibles, tant pour les professionnels que les simples particuliers. Du point de vue de la terminologie aéronautique, on relèvera la différence d’appellation entre les « aéronefs sans équipage à bord », au sens du droit européen, et les « aéronefs civils qui circulent sans aucune personne à bord » dans le droit interne français qui ne prend pas en compte, la possibilité, encore lointaine, du transport de personnes. Les drones utilisés par les services de l’État (armées, police, gendarmerie…) demeurent régis par des textes spécifiques (J.-B. Charles et P. M. Dupont, Drones civils, notions, cadre et régime, J.-Cl. Transport, Fasc. 962, 2017 ; P. M. Dupont, Manuel de droit aérien : souveraineté et libertés dans la troisième dimension, n° 178, Pédone, 2015).