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Droit effectif à la dignité en détention

Dans le prolongement des récentes évolutions jurisprudentielles, la Cour de cassation étend logiquement, au bénéfice d’une personne placée sous écrou extraditionnel, le droit de faire vérifier les allégations de conditions indignes de détention.

par Hugues Diazle 26 avril 2021

Un célèbre avocat, devenu garde des Sceaux, a récemment proclamé devant la représentation nationale : « La privation de liberté ne doit pas être, ne peut pas être, une privation de dignité, car nier les droits fondamentaux des personnes revient à contester leur humanité même ». Ces propos tirent leur origine d’une retentissante condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), ayant sévèrement désapprouvé la législation française, en ce qu’elle ne permettait pas de garantir aux personnes détenues la dignité de leurs conditions d’incarcération, ni même de leur offrir un « recours préventif » susceptible de faire cesser, en temps utile, les traitements humiliants ou dégradants (CEDH 19 nov. 2020, n° 25338/16, AJDA 2020. 2385 ; ibid. 2021. 1, tribune A. Jacquemet-Gauché ; CEDH 30 janv. 2021, n° 9671/15, Dalloz actualité, 31 janv. 2020, art. J. Mucchielli ; ibid., 6 févr. 2020, art. E. Senna).

Prenant acte de cette réprobation, la Cour de cassation a rapidement fait évoluer sa jurisprudence : il appartient désormais « au juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle, de faire vérifier les allégations de conditions indignes de détention formulées par un détenu sous réserve que celles-ci soient crédibles, précises, actuelles et personnelles – l’indignité d’une détention provisoire pouvant alors constituer un obstacle à sa poursuite » (Dalloz actualité, 21 déc. 2020, obs. H. Diaz ; v. égal. Crim., QPC, 8 juill. 2020, n° 20-81.739, Dalloz actualité, 31 août 2020, obs. C. Margaine ; AJDA 2020. 1383 ; ibid. 1383 ; D. 2020. 1774 , note J. Falxa ; ibid. 1643, obs. J. Pradel ; AJ fam. 2020. 498, obs. L. Mary ; AJ pénal 2020. 404, note J. Frinchaboy ; RFDA 2021. 87, note J.-B. Perrier ; RTD civ. 2021. 83, obs. P. Deumier ). En parallèle, la chambre criminelle a également transmis deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), relatives spécifiquement à la situation des « détenus provisoires », aux termes desquelles le Conseil constitutionnel a pu considérer qu’il appartenait : « aux autorités judiciaires ainsi qu’aux autorités administratives de veiller à ce que la privation de liberté des personnes placées en détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne », « aux autorités et juridictions compétentes de prévenir et de réprimer les agissements portant atteinte à la dignité de la personne placée en détention provisoire et d’ordonner la réparation des préjudices subis », et enfin « au législateur de garantir aux personnes placées en détention provisoire la possibilité de saisir le juge de conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine, afin qu’il y soit mis fin » (Cons. const. 2 oct. 2020, n° 2020-858/859 QPC, AJDA 2020. 1881 ; ibid. 2158 , note J. Bonnet et P.-Y. Gahdoun ; D. 2021. 57, et les obs. , note J. Roux ; ibid. 2020. 2056, entretien J. Falxa ; ibid. 2367, obs. G. Roujou de Boubée, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et E. Tricoire ; AJ fam. 2020. 498, obs. L. Mary ; AJ pénal 2020. 580, note J. Frinchaboy ; RFDA 2021. 87, note J.-B. Perrier ) – le Conseil déclarant contraire à la Constitution le second alinéa de l’article 144-1 du code de procédure pénale et différant les effets de cette abrogation au 1er mars 2021.

Puis, après que la Cour de cassation a enrichi sa nouvelle jurisprudence (Crim. 15 déc. 2020, n° 20-85.461, Dalloz actualité, 19 janv. 2021, obs. M. Recotillet ; AJ pénal 2021. 106, chron. ; 21 oct. 2020, n° 20-83.698, inédit ; 25 nov. 2020, n° 20-84.886, Dalloz actualité, 14 déc. 2020, obs. S. Fucini ; D. 2020. 2347 ; AJ pénal 2021. 41, obs. C. Margaine ; 16 sept. 2020, n° 20-82.674, inédit ; 19 août 2020, n° 20-82.171, Dalloz actualité, 14 sept. 2020, obs. M. Recotillet ; D. 2020. 1622 ), le Conseil d’État a également renvoyé au Conseil constitutionnel une QPC relative à la situation spécifique des personnes « définitivement condamnées », sur laquelle les sages de la rue Montpensier ont eu à se prononcer le 16 avril dernier (Dalloz actualité, 7 avr. 2021, obs. J. Mucchielli).Les mêmes causes produisant par principe les mêmes effets, la censure a été assez mécaniquement prononcée, au bénéfice d’un raisonnement analogue à celui du 2 octobre 2020.

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