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Droit européen de l’insolvabilité : exécution au profit du débiteur

En droit européen de l’insolvabilité, les obligations exécutées au profit d’un débiteur soumis à une procédure d’insolvabilité, alors qu’elles auraient dû l’être au profit du praticien de l’insolvabilité de cette procédure, comprennent également l’exécution d’une obligation résultant d’un acte juridique passé par le débiteur après l’ouverture de ladite procédure d’insolvabilité et le transfert de la gestion des actifs au praticien de l’insolvabilité, à condition qu’un tel acte juridique soit opposable, conformément à la loi de l’État d’ouverture de cette procédure, aux créanciers parties à ladite procédure.

L’ouverture d’une procédure d’insolvabilité s’accompagne généralement d’un « effet réel » : le débiteur ne peut plus exercer pleinement ses pouvoirs sur son patrimoine. La plupart du temps, le dessaisissement partiel ou total qui le frappe alors opère au bénéfice d’un professionnel – le praticien de l’insolvabilité – désigné par l’autorité (judiciaire ou administrative) supervisant la procédure.

Aussi, à compter de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité, l’exécution de toute obligation due au débiteur doit-elle se faire au profit du praticien désigné. Mais le règlement Insolvabilité (Règl. [CE] n° 1346/2000 du 29 mai 2000) et le règlement révisé (Règl. [UE] 2015/848 du 20 mai 2015, dit « règlement européen Insolvabilité » ou REI) comportent tous deux une disposition au bénéfice du tiers qui, de bonne foi, s’exécuterait au profit du débiteur lui-même dans un État membre autre que celui de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité : ce tiers sera libéré s’il ignorait l’ouverture de cette procédure (Règl. [CE] n° 1346/2000, art. 24, § 1 ; REI, art. 31, § 1). Concrètement, le tiers n’aura pas à s’exécuter une deuxième fois au profit du praticien de l’insolvabilité (v. not., P.-M. Le Corre [dir.], Droit et pratique des procédures collectives, 13e éd., Dalloz Action, 2024, p. 229, n° 093.115). La décision commentée prodigue d’utiles précisions.

En l’espèce, une juridiction autrichienne ouvre une procédure d’insolvabilité au bénéfice d’un débiteur personne physique et désigne un administrateur judiciaire. Cependant, quelques jours après, le débiteur conclut, en son nom propre, un contrat de vente d’une voiture avec une société de droit néerlandais au lieu de la succursale autrichienne de celle-ci.

Considérant que ledit véhicule constituait un actif de la procédure d’insolvabilité, l’administrateur judiciaire introduit alors un recours en vue du versement d’une indemnité compensatrice correspondant initialement au prix de vente puis à la valeur marchande du véhicule, significativement supérieure. Mais l’acquéreur prétend être libéré de son obligation en vertu des dispositions précitées de l’article 31 du REI. Après avoir succombé en première instance, l’argument du tiers prospère en appel : le juge d’appel constate que le règlement a été effectué à partir d’un compte bancaire allemand, c’est-à-dire sur le territoire d’un État membre autre que celui d’ouverture de la procédure d’insolvabilité et que l’acquéreur ignorait l’ouverture de cette procédure. L’administrateur judiciaire forme alors un pourvoi devant la Cour suprême d’Autriche.

À l’appui de son recours, le praticien soutient deux arguments. En premier lieu, les dispositions de l’article 31 du REI ne sauraient s’appliquer, selon lui, qu’aux seuls règlements intervenus en exécution d’un acte juridique valable. Or, tel n’est pas le cas de la vente litigieuse en vertu du droit de l’insolvabilité autrichien, applicable en tant que loi d’ouverture de la procédure d’insolvabilité (lex fori concursus). En second lieu, l’élément d’extranéité prévu à l’article 31 ferait défaut puisque l’obligation visée par le contrat aurait été exécutée en Autriche, lieu où le montant du prix a été crédité sur le compte du débiteur.

La Cour suprême constate que la vente est effectivement inopposable à la masse des créanciers en vertu des dispositions de la loi autrichienne. En effet, sous son empire, le principe demeure la restitution du bien à la procédure sans considération...

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