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Le droit à l’erreur reconnu par la loi

Droit à l’erreur, droit au contrôle, certificat d’information, rescrit juridictionnel, etc. La loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance veut promouvoir « une administration de conseil et de service ».

par Marie-Christine de Monteclerle 3 septembre 2018

L’Assemblée nationale avait adopté définitivement, le 31 juillet, le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance. À deux amendements rédactionnels près, les députés sont revenus à leur texte de nouvelle lecture, rejetant toutes les propositions de compromis du Sénat.

La mesure phare de ce texte est l’instauration du droit à l’erreur. Le nouvel article L. 123-1 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) dispose qu’une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle ne peut faire l’objet d’une sanction si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après y avoir été invitée par l’administration. Toutefois, une sanction peut être prononcée en cas de mauvaise foi (c’est-à-dire lorsque la personne a délibérément méconnu une règle applicable à sa situation) ou de fraude. Le droit à l’erreur n’est, en outre, pas applicable aux sanctions requises pour la mise en œuvre du droit de l’Union européenne, à celles prévues par un contrat, à celles prononcées par les autorités de régulation à l’égard des professionnels ni aux sanctions prononcées en cas de méconnaissance des règles préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement.

Le même article crée un droit au contrôle, également inséré dans le CRPA (art. L. 124-1). Toute personne peut demander à faire l’objet d’un contrôle prévu par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur. L’administration procède à ce contrôle dans un délai raisonnable sauf mauvaise foi du demandeur, demande abusive ou ayant manifestement pour effet de « compromettre le bon fonctionnement du service ou de mettre l’administration dans l’impossibilité matérielle de mener à bien son programme de contrôle ». La personne contrôlée peut opposer à l’administration les conclusions expresses du contrôle. Celles-ci cessent d’être opposables en cas de changement des circonstances de droit ou de fait et en cas de nouveau contrôle. En outre, ces dispositions ne peuvent pas faire obstacle à l’application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement.

Les circulaires non publiées sont réputées abrogées

Ces nouveaux droits sont déclinés dans certains domaines (fiscalité, cotisations sociales, prestations sociales, douanes, etc.), pour les particuliers comme pour les entreprises. Ainsi, le Défenseur des droits s’est félicité de la nouvelle rédaction de l’article L. 114-17 du code de la sécurité sociale. Cette modification, qu’il avait recommandée dans un rapport (Dalloz actualité, 13 sept. 2017, obs. J.-M. Pastor isset(node/186450) ? node/186450 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>186450), « permettra de distinguer clairement l’erreur de la fraude » aux prestations sociales, estime Jacques Toubon.

Par ailleurs, un nouvel article L. 114-5-1 du CRPA dispose que l’absence d’une pièce au sein d’un dossier déposé par un usager en vue de l’attribution d’un droit ne peut conduire l’administration à suspendre l’instruction de ce dossier, sauf si la pièce manquante est indispensable. À la demande d’un usager souhaitant exercer certaines activités, l’administration devra lui délivrer un certificat d’information sur les règles applicables. Les circulaires sont réputées abrogées si elles n’ont pas été publiées. Toute personne peut se prévaloir de l’interprétation même erronée donnée par ces circulaires.

Au cours des débats, la création d’une procédure générale de rescrit a été abandonnée, au profit d’une série de rescrits sectoriels en matière, notamment, de taxes d’urbanisme, d’archives, de législation sur l’eau, de redevance d’archéologie préventive ou encore d’assurance chômage des mandataires sociaux. À titre expérimental, pour certaines de ces procédures, le demandeur peut présenter à l’administration un projet de prise de position qui sera réputé approuvé au bout de trois mois.

Création d’un rescrit juridictionnel

Pendant trois ans, dans le ressort de quatre tribunaux administratifs au maximum, va être expérimenté un « rescrit juridictionnel ». C’est-à-dire que le bénéficiaire ou l’auteur d’une décision non réglementaire en matière d’expropriation, d’urbanisme ou de déclaration d’insalubrité pourra saisir le tribunal administratif d’une demande tendant à apprécier la légalité externe de cette décision. Si le tribunal constate la légalité externe, aucun moyen tiré de cette cause juridique ne pourra plus être invoqué par voie d’action ou d’exception à l’encontre de cette décision.

Parmi les autres mesures du texte, on notera que les contribuables résidant dans des zones dépourvues de couverture mobiles sont dispensés de télédéclaration et de télépaiement de leurs impôts jusqu’au 31 décembre 2024. À compter du 1er janvier 2021, les administrations (sauf les collectivités territoriales et leurs établissements publics) ne pourront plus recourir à un numéro de téléphone surtaxé dans leurs relations avec le public.

Enfin, la loi habilite le gouvernement à prendre de nombreuses ordonnances, notamment pour simplifier les législations applicables aux modes d’accueil de la petite enfance.

Une stratégie pour l’action publique

La stratégie nationale d’orientation de l’action publique, approuvée par l’article 1er de la loi, est construite autour de deux axes majeurs : « une administration de conseil et de service » et « une action publique modernisée, simplifiée, décentralisée et plus efficace ». Elle fixe notamment deux objectifs à l’administration de l’État : la dématérialisation de l’ensemble des démarches administratives d’ici à 2022, à l’exception de la première délivrance d’un document d’identité, et le droit pour toute personne de ne pas être tenue de produire à l’administration une information déjà détenue ou susceptible d’être obtenue auprès d’une autre administration.