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Le collège de cinq juges de la Cour européenne des droits de l’homme vent de rejeter la première demande d’avis adressée par la Cour suprême slovaque au titre du Protocole n° 16. La décision, qui précise les conditions de mise en œuvre de la demande d’avis, pourrait à terme dissuader les hautes juridictions des États de jouer la carte du dialogue.
par Mustapha Afroukhle 23 mars 2021

Pour la première fois depuis l’entrée en vigueur du protocole n° 16, une demande d’avis est rejetée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Le 1er mars 2020, le collège de filtrage de la Cour de Strasbourg a en effet décidé de ne pas donner suite à la demande d’avis adressée par la Cour suprême slovaque sur le système d’examen des plaintes contre la police (n° P16-2020-001). À la question de savoir si le service d’inspection du ministère de l’Intérieur, d’organe chargé d’enquêter sur tout soupçon pesant sur les membres de la police, satisfait aux critères d’indépendance et d’impartialité au sens de la jurisprudence européenne, le collège de cinq juges répond que la juridiction demanderesse n’a nul besoin d’une orientation européenne pour résoudre le litige dont elle est saisie, à savoir une procédure pénale ouverte contre un policier accusé d’avoir agressé physiquement une femme en juillet 2014. La réponse du collège laisse transparaître, assez clairement, ses réticences à l’idée de voir cette nouvelle procédure instrumentalisée par les plus hautes juridictions nationales.
Entré en vigueur le 1er août 2018 à la suite de sa dixième ratification par la France, ce protocole permet aux plus hautes juridictions d’un État, de saisir la Cour européenne d’une demande d’avis sur des « questions de principe relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et libertés définis par la Convention ou ses protocoles ». Il s’agit d’un mécanisme facultatif.
Seize États sur quarante-sept ont pour l’heure ratifié le protocole n° 16. Six États ont signé le protocole sans le ratifier. Et quatre demandes d’avis consultatifs ont pour l’heure été adressées à la CEDH. Le moins qu’on puisse dire est que le juge européen n’a pas été submergé par les demandes d’avis. Cette nouvelle procédure d’avis consultatif connaît « un retard à l’allumage ». Avec cette formule, l’ancien président de la Cour européenne Jean-Paul Costa ne pouvait pas mieux résumer les débuts difficiles de cette nouvelle procédure. « Retard à l’allumage » (J.-P. Costa, préf. in M. Afroukh, J.-P. Marguénaud [dir.], Le Protocole n° 16 à la Convention européenne des droits de l’homme, Pedone, 2020, p. 10), certes, mais « coquille vide » assurément pas. Preuve de son attractivité naissante, la Cour européenne a déjà été saisie de demandes d’avis dans des configurations particulières : par la Cour constitutionnelle arménienne dans le cadre d’une procédure préjudicielle de constitutionnalité ou plus récemment par la Cour suprême lituanienne dans un contexte d’inexécution d’un précédent arrêt de la Cour européenne relatif à la procédure d’impeachment.
La décision du collège est riche d’enseignements sur les critères à remplir pour soumettre une demande d’avis.
Conformément à l’article 93, § 3, du règlement de la CEDH, « [l]e collège de la grande chambre accepte la demande s’il estime qu’elle satisfait aux exigences de l’article 1 du protocole n° 16 à la Convention ». Par ailleurs, la motivation n’est imposée que pour les décisions de refus, alors que la motivation des décisions d’acceptation permettrait d’y voir plus clair et serait d’une grande aide pour les plus hautes juridictions des États membres. N’est-ce pas l’objectif phare du Protocole n° 16 que d’améliorer le dialogue avec les plus hautes juridictions nationales ?
En l’espèce, le collège s’inscrit dans la droite ligne des précédents avis en rappelant qu’ils doivent « se limiter aux points qui ont un lien direct avec le litige en instance au plan interne » (§ 19), la Cour n’ayant pas vocation à répondre à des questions générales ou hypothétiques sans lien avec le litige en cause devant la juridiction demanderesse. Le protocole n° 16 invite les juridictions internes à poser des questions précises afin de permettre à la Cour d’y répondre, mais surtout l’avis demandé doit être nécessaire pour trancher le litige.
En l’espèce, le collège est d’avis que la question posée porte en réalité sur l’exigence d’enquête au sens des articles 2 et 3 de la Convention, alors que les parties ne s’étaient nullement placées sur ce terrain. Plus encore, la motivation de la décision paraît sévère dans la mesure où le collège relève que la Cour suprême slovaque avait déjà la réponse à la question posée : « La Cour estime que, en concluant dans l’avis susmentionné que ce qui est essentiel à la préservation du droit de l’accusé à un procès équitable en matière pénale, c’est l’indépendance de la juridiction de jugement, la Cour suprême a donné des indications pertinentes pour répondre à la question dont la Cour est à présent saisie » (§ 22). Autant dire que le collège suggère l’absence de clairvoyance de la Cour suprême slovaque qui l’a saisie d’une demande d’avis, alors qu’elle avait la réponse sous les yeux, à savoir l’ensemble des éléments pour appliquer la Convention européenne. Si la Cour suprême a saisi la Cour européenne, c’est aussi pour renforcer son autorité. Le refus de la Cour de répondre pourrait donc être mal interprété.
Alors que l’on pouvait s’attendre, compte tenu du nombre peu élevé de ratifications, à ce que la Cour européenne reconnaisse, à l’instar de la Cour de justice de l’Union européenne, une présomption de pertinence et donc de recevabilité des demandes d’avis consultatifs, elle opte au contraire pour une doctrine stricte relative à l’appréciation de leur admissibilité. On imagine sans peine la frustration de la Cour suprême slovaque. À terme, cette décision pourrait avoir l’effet d’une douche froide pour les hautes juridictions des États ayant ratifié le Protocole : « Ces mêmes juridictions nationales risquent fort d’éprouver quelques réticences à solliciter un avis consultatif de la CEDH si elles ont le sentiment qu’une épée de Damoclès risque de s’abattre assez aisément sur les demandes qu’elles introduisent » (L. Coutron, « L’articulation entre la nouvelle procédure consultative et le renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l’Union européenne », in Le Protocole n° 16 à la CEDH, op. cit., p. 123). En d’autres termes, ce premier rejet d’une demande d’avis de la Cour risque de décourager les juridictions suprêmes nationales, déjà peu enclines à jouer le jeu du Protocole n° 16…
Ce qui est certain, c’est que la Cour entend rester bien maîtresse de la procédure. Également mise en lumière dans le deuxième avis, cette posture peut, à terme, soulever des effets négatifs. Dans cet avis, la grande chambre avait en effet souligné qu’elle n’était pas liée par l’appréciation portée par le collège en ce qui concerne le respect des conditions encadrant la compétence consultative de la Cour (§ 47). À ses yeux, « la décision du collège ne saurait empêcher la grande chambre d’apprécier si chacune des questions qui composent la demande satisfait aux conditions de l’article 1 du protocole n° 16 ». L’explication était plutôt convaincante. Le collège ne dispose pas, au moment où il se prononce, des observations écrites et orales des parties de sorte qu’il décide « à l’aveugle ». Ce rappel à l’ordre sonnait comme un avertissement pour le collège. La présente décision du collège sonne elle comme un avertissement pour les hautes juridictions des États. Autre illustration de cette volonté de la Cour de rester maîtresse de la procédure, le pouvoir de reformulation des demandes d’avis, qu’elle s’est reconnue dans le premier avis comme si celui-ci était inhérent à sa fonction consultative.
Dans le contexte actuel d’une procédure connaissait un « retard à l’allumage », n’est-il pas plus opportun de faire preuve de plus de souplesse dans l’interprétation des conditions d’exercice de la demande d’avis afin de dynamiser la mise en œuvre du protocole 16 ? Sur ce point, la pratique du renvoi préjudiciel devant la Cour de justice est très instructive. Car il a fallu attendre le début des années 1980 et l’affaire Foglia c. Novello I (CJCE 11 mars 1980, Foglia, aff. C-104/79 et CJCE 16 déc. 1981, Foglia, aff. C-244/80) pour que la Cour de Luxembourg adopte sa première déclaration d’incompétence, la doctrine commençant à évoquer alors la « doctrine de l’irrecevabilité manifeste » (P. Oliver, La recevabilité des questions préjudicielles : la jurisprudence des années 1990, CDE 2001. 15). C’est en 1981 qu’elle a estimé que le point de droit soulevé par la question préjudicielle ne devait pas être sans rapport avec l’objet du litige au principal (CJCE 16 juin 1981, Maria Salonia c. Giorgio Poidomani et Franca Giglio, veuve Baglieri, aff. C-126/80).
Comment les hautes juridictions françaises vont accueillir cette décision de rejet ? On sait que la Cour de cassation a très tôt joué le jeu du protocole n° 16 en étant la première juridiction en Europe à saisir la Cour d’une demande d’avis relative à la transcription d’un acte de naissance d’un enfant issu d’une GPA conclue à l’étranger, en ce qu’il désigne la « mère d’intention », indépendamment de toute réalité biologique (Cass., ass. plén., 4 oct. 2019, nos 10-19.053 et 12-30.138, Dalloz actualité, 8 oct. 2019, obs. T. Coustet ; D. 2019. 2228, et les obs. , note H. Fulchiron et C. Bidaud
; ibid. 1985, édito. G. Loiseau
; ibid. 2000, point de vue J. Guillaumé
; ibid. 2423, point de vue T. Perroud
; ibid. 2020. 506, obs. M. Douchy-Oudot
; ibid. 677, obs. P. Hilt
; ibid. 843, obs. RÉGINE
; ibid. 951, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke
; ibid. 1696, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire
; JA 2019, n° 610, p. 11, obs. X. Delpech
; AJ fam. 2019. 592, obs. J. Houssier
, obs. G. Kessler
; ibid. 481, point de vue L. Brunet
; ibid. 487, obs. A. Dionisi-Peyrusse
; RTD civ. 2019. 817, obs. J.-P. Marguénaud
; ibid. 841, obs. A.-M. Leroyer
; ibid. 2020. 459, obs. N. Cayrol
). Récemment, dans une affaire où était en cause l’impossibilité pour État étranger, personne morale étrangère de droit public, puisse se prétendre victime de diffamation méconnaît les exigences conventionnelles, l’assemblée plénière a refusé de donner suite à la demande d’avis consultatif (Cass., ass. plén., 10 mai 2009, nos 17-84.509, 17-84.511 et 18-82.737, D. 2019. 1049, et les obs.
; Légipresse 2020. 127, chron. E. Tordjman, G. Rialan et T. Beau de Loménie
; ibid. 193, étude N. Verly
). Pour l’heure, le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel n’ont pas donné suite à des conclusions tendant à ce que la Cour européenne des droits de l’homme soit saisie d’une demande d’avis, avec des motivations très lapidaires (v. not. CE 31 déc. 2019, n° 416040 ; 18 déc. 2019, n° 421336 ; 11 déc. 2019, n° 424993, Constitutions 2019. 57, chron. S. Roussel
; 13 nov. 2019, n° 415396, Dalloz actualité, 22 nov. 2019, obs. C. Lamy ; Légipresse 2019. 587 et les obs.
; 2 oct. 2019, n° 420542). La décision de rejet la Cour européenne ne va certainement pas les aider à surmonter leurs réticences…
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