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Du double délai pour agir en garantie des vices cachés : acte 2

En matière d’action récursoire en garantie des vices cachés, l’acquéreur doit agir dans les deux ans de l’assignation principale délivrée à son encontre ; la prescription quinquennale du code de commerce, enfermant l’exercice de cette action à compter de la vente, est suspendue jusqu’à ce que sa responsabilité ait été recherchée, soit, en principe, jusqu’à ce même événement.

La Cour de cassation est venue enserrer, par pure création prétorienne, l’action en garantie des vices cachés dans un double délai : l’acquéreur doit non seulement agir dans le délai de deux ans de l’article 1648, alinéa 1er, du code civil, mais encore à l’intérieur du délai de cinq ans de l’article L. 110-4 du code de commerce. Ce second article édicte une prescription de droit commun applicable aux actions introduites entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants. Si un tel cumul a emporté l’approbation de la Cour de cassation, et ce malgré les plus expresses critiques qui lui ont été adressées, un débat jurisprudentiel s’est néanmoins ouvert sur la computation de ce double délai en présence d’une chaîne de contrats. En effet, le point de départ de la prescription commerciale en cas d’action récursoire en garantie des vices cachés divise les chambres de la Cour de cassation ces dernières années.

Selon la première chambre civile et la chambre commerciale, le délai de cinq ans de l’article L. 110-4 du code de commerce court à compter de la vente initiale (Civ. 1re, 6 juin 2018, n° 17-17.438, Dalloz actualité, 26 juin 2018, obs. N. Kilgus ; D. 2018. 2166 , note C. Grimaldi ; ibid. 2039, chron. C. Barel, S. Canas, V. Le Gall, I. Kloda, S. Vitse, S. Gargoullaud, R. Le Cotty, J. Mouty-Tardieu et C. Roth ; AJ contrat 2018. 377 , obs. D. Mainguy ; RTD civ. 2018. 919, obs. P. Jourdain ; ibid. 931, obs. P.-Y. Gautier ; 11 mars 2020, n° 19-15.972, RTD com. 2020. 442, obs. B. Bouloc ).

La troisième chambre civile fixe, quant à elle, le point de départ du délai de cinq ans au jour de la vente initiale mais le suspend jusqu’au jour où la responsabilité de l’entrepreneur est recherchée par le maître de l’ouvrage (Civ. 3e, 16 févr. 2022, n° 20-19.047, Dalloz actualité, 21 mars 2022, nos obs. ; D. 2022. 589 ; ibid. 585, avis P. Brun ; ibid. 590, note J.-S. Borghetti ; 6 déc. 2018, n° 17-24.111, RDI 2019. 163, obs. M. Faure-Abbad ).

C’est dans ce contexte que s’inscrit l’arrêt commenté.

En l’espèce, un incendie s’est déclaré dans les combles d’une maison d’habitation au droit d’une ventilation mécanique contrôlée (VMC). Après investigations, l’origine de l’incendie a été imputée à l’inflammation de la carte électronique composant le groupe VMC. Les maîtres de l’ouvrage ont assigné l’entrepreneur chargé des travaux de ventilation, le fournisseur de la VMC, le fabricant ainsi que le fabricant de la carte électronique défectueuse. Ces derniers ont alors exercé entre eux leurs recours sur le fondement de la garantie des vices cachés.

La Cour de cassation revient, successivement, sur la computation du double délai dans le cadre de l’action récursoire de l’entrepreneur contre son fournisseur, puis des recours entre le fournisseur et les fabricants.

De l’action récursoire de l’entrepreneur contre le fournisseur

La Cour a, tout d’abord, rappelé que les vices affectant les matériaux ou les éléments d’équipement mis en œuvre par l’entrepreneur ne sont pas de nature à l’exonérer de sa responsabilité envers le maître de l’ouvrage, quel qu’en soit le fondement. Une telle solution est fréquemment admise par la jurisprudence (Civ. 3e, 16 févr. 2022, n° 20-19.047, préc.). Ainsi, l’entrepreneur ne pouvait pas se prévaloir de la défectuosité du groupe VMC pour tenter de s’exonérer de sa responsabilité envers les maîtres de l’ouvrage, laquelle a été retenue sur le fondement de l’article 1792 du code civil.

L’entrepreneur, dont la responsabilité décennale a ainsi été retenue vis-à-vis des maîtres de l’ouvrage, a appelé en garantie le fournisseur auprès duquel il avait acquis le groupe VMC défectueux sur le fondement de...

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