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Article
Du double délai pour agir en garantie des vices cachés : épilogue
Du double délai pour agir en garantie des vices cachés : épilogue
L’action en garantie des vices cachés doit être exercée par l’acquéreur dans un délai de prescription de deux ans, courant à compter de la découverte du vice, ou, en matière d’action récursoire, de l’assignation principale, sans pouvoir excéder un délai butoir de vingt ans suivant la date de la vente conclue par la partie recherchée en garantie.
par Nastasia De Andrade, Avocat et Docteur en droitle 13 septembre 2023
La réunion en chambre mixte de la Cour de cassation était impatiemment attendue par la doctrine et les praticiens, tant les incertitudes demeuraient nombreuses et les enjeux économiques importants. En effet, les chambres de la Cour de cassation s’opposent, depuis quelques années, sur la nature juridique du délai de deux ans dont dispose l’acquéreur pour exercer l’action en garantie des vices cachés (C. civ., art. 1648, al. 1er) – le qualifiant tantôt de délai de prescription, tantôt de délai de forclusion – ainsi que sur le concours de ce délai avec la prescription de cinq ans du code de commerce (C. com., art. L. 110-4) venant jouer le rôle d’un délai butoir à compter de la vente. Les praticiens étaient alors contraints de composer avec cette divergence d’appréciation des différentes chambres de la Cour, source d’insécurité juridique et dont il devenait impératif de mettre un terme.
C’est désormais chose faite : dans un souci d’unification de sa jurisprudence, la Cour de cassation réunie en chambre mixte s’est prononcée, dans quatre arrêts rendus le 21 juillet 2023, sur la qualification du délai biennal de l’article 1648, alinéa 1er, du code civil ainsi que sur l’existence d’un délai butoir venant enfermer l’exercice de l’action en garantie des vices cachés.
La consécration d’un délai de prescription biennal
L’article 1648, alinéa 1er, du code civil ne précise pas la nature juridique du délai de deux ans offert à l’acquéreur pour agir en garantie des vices cachés. Dans le silence des textes, les différentes chambres de la Cour de cassation se sont opposées sur la qualification du délai biennal : la troisième chambre civile l’a qualifié de « délai de forclusion » insusceptible de suspension (Civ. 3e, 5 janv. 2022, n° 20-22.670, Dalloz actualité, 21 mars 2022, obs. C. Auché et N. De Andrade ; D. 2022. 548 , note M. Mille Delattre ; AJDI 2022. 310 ; ibid. 471 , obs. F. Cohet ; RDI 2022. 115, obs. C. Charbonneau et J.-P. Tricoire ; 10 nov. 2016, n° 15-24.289), tandis que la première chambre civile et la chambre commerciale ont pu considérer qu’il s’agissait d’un délai de prescription pouvant, à ce titre, être suspendu lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès (Civ. 1re, 25 nov. 2020, n° 19-10.824, RTD com. 2021. 177, obs. B. Bouloc ; 20 oct. 2021, n° 20-15.070, RTD com. 2021. 901, obs. B. Bouloc ; Com. 28 juin 2017, n° 15-29.013).
C’est dans ce contexte que s’inscrit le premier arrêt commenté, dont il convient de rappeler brièvement les faits.
Pourvoi n° 21-15.809 – Un producteur de produits alimentaires longue conservation à destination des professionnels a assigné son fournisseur et l’assureur de ce dernier sur le fondement de la garantie des vices cachés. Les sociétés défenderesses lui ont opposé la forclusion de son action, au motif que le délai de deux ans n’avait pu être suspendu jusqu’au dépôt du rapport d’expertise judiciaire, l’article 2239 du code civil étant inapplicable au délai de forclusion de la garantie des vices cachés.
La chambre mixte de la Cour de cassation, à défaut de pouvoir s’appuyer sur un fondement légal, a été amenée à rechercher la volonté du législateur.
Elle retient, d’une part, que les rapports accompagnant l’ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005 – ayant substitué le bref délai de l’article 1648 du code civil par un délai de deux ans à compter de la découverte du vice – et son projet de loi de ratification mentionnent l’existence d’un délai de prescription.
La Cour énonce, d’autre part, que l’objectif poursuivi par le législateur est celui de permettre à l’acquéreur, consommateur ou non, d’agir contre son vendeur en garantie des vices cachés aux fins d’obtenir la réparation en nature, la diminution du prix ou la restitution de la chose vendue et que l’acquéreur doit, à ce titre, être mis en mesure d’agir dans un délai susceptible d’interruption et de suspension.
La chambre mixte en a déduit que le délai de deux ans prévu à l’article 1648, alinéa 1er, du code civil est un délai de prescription qui est donc susceptible de suspension par une mesure d’instruction avant tout procès.
Nous ajouterons également que le législateur fait courir le délai de deux ans à compter de la « découverte du vice ». Or, ce point de départ glissant n’est pas compatible avec la nature juridique du délai de forclusion qui constitue un délai de rigueur et dont le cours débute par l’arrivée d’un évènement préfixé (sur la distinction du délai de prescription et de forclusion, v. N. De Andrade, Les délais d’action en droit de la construction, thèse, [dir.] S. Becqué-Ickowicz, 2020, Montpellier).
La Cour de cassation retient ainsi une solution protectrice des intérêts des acquéreurs, puisque le délai de deux...
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