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Du point de départ de prescription des recours entre constructeurs : ainsi fond fond fond…

L’assignation principale en référé du maître de l’ouvrage, si elle n’est pas accompagnée d’une demande d’exécution en nature ou en paiement, notamment par provision, ne fait pas courir le délai de prescription dont disposent les constructeurs pour exercer entre eux leurs recours.

L’année 2022 offre, sur le terrain des délais d’action, son lot de surprises. La Cour de cassation revient, dans cet arrêt promis à une large diffusion, sur sa jurisprudence relative au point de départ du délai de prescription en matière de recours des constructeurs entre eux. Une nouvelle dont se réjouissent la doctrine et les praticiens qui l’appelaient de longue date de leurs vœux.

En l’espèce, l’OPH (office public de l’habitat) d’Aubervilliers a entrepris des travaux de restructuration et de réhabilitation d’un immeuble dont la maîtrise d’œuvre a été confiée à un groupement d’entreprises. Le maître de l’ouvrage, se plaignant de désordres, a sollicité la désignation d’un expert judiciaire par requête adressée au tribunal administratif le 13 septembre 2011. Par arrêt de la cour administrative d’appel du 15 mars 2018, l’une des entreprises de maîtrise d’œuvre a été condamnée, avec son assureur et d’autres constructeurs, à verser une certaine somme à l’OPH en réparation des désordres affectant l’ouvrage. Par suite, le maître d’œuvre solvens et son assureur ont assigné, selon exploit du 6 mars 2018, leur sous-traitant (représenté par son liquidateur) et son assureur de responsabilité devant les juridictions civiles en remboursement des sommes indûment versées au maître de l’ouvrage. La cour d’appel de Paris a toutefois, par arrêt du 28 mai 2021, jugé leur action irrecevable comme prescrite. Les juges du fond ont considéré que le délai de prescription de l’action du maître d’œuvre contre son sous-traitant avait commencé à courir à compter de la requête en référé-expertise du maître de l’ouvrage, le 13 septembre 2011, soit plus de cinq ans avant l’assignation en remboursement du 6 mars 2018.

L’arrêt d’appel s’inscrivait dans la jurisprudence alors en vigueur selon laquelle l’action récursoire des constructeurs entre eux se prescrit à compter de l’assignation en référé du maître de l’ouvrage (Civ. 3e, 16 janv. 2020, n° 18-25.915, Dalloz actualité, 10 févr. 2020, obs. C. Auché et N. De Andrade ; D. 2020. 466 , note N. Rias ; RDI 2020. 120, étude C. Charbonneau ). Cette solution était fortement contestable puisqu’un constructeur pouvait être prescrit à exercer ses recours avant même d’avoir été assigné au fond par le maître de l’ouvrage. En effet, il appartenait au constructeur ou au sous-traitant d’agir en garantie dans les cinq ans de l’assignation en référé-expertise du maître de l’ouvrage alors même que ce dernier bénéficie, à compter de l’ordonnance désignant l’expert judiciaire, d’un délai de dix ans pour les attraire au fond sur le fondement de la garantie décennale. Afin d’échapper à la prescription de leurs actions, les constructeurs étaient alors contraints de s’assigner prématurément afin d’interrompre le délai de prescription applicable dans leurs rapports. Ces recours étaient alors exercés à titre conservatoire et préventif sur la base d’une demande indemnitaire hypothétiquement formulée par le maître de l’ouvrage dans...

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